Le 1er Juillet 2013 : La Croatie devient le 28e État-membre de l’Union européenne

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En ce 1er juillet 2013, l’Union européenne vient de s’agrandir d’un nouvel État-membre : la Croatie, qui devient le 28e membre.

On a peine à le croire et pourtant c’est exact : bien que l’Union européenne s’enfonce dans une crise multidimensionnelle (économique, sociale, monétaire, financière, industrielle, commerciale, diplomatique, militaire, morale, etc.), il se trouve donc encore des États qui désirent monter à bord de ce Titanic.

Pourquoi ?

Pour schématiser, cela tient à 4 raisons principales.

LES 4 RAISONS DE LA CROATIE DE MONTER À BORD DU TITANIC

  • 1°) Parce que les commanditaires de la prétendue « construction européenne » – les États-Unis d’Amérique et leurs vassaux – en ont décidé ainsi.

Je rappelle que cette « construction européenne » a été conçue dès la fin de la Deuxième guerre mondiale comme un processus autobloquant par nature, fondé sur une “Tour de Babélisation” du continent européen.

Plus le nombre d’États-membres s’accroît au sein de la « construction européenne » et plus Washington peut être certain que le système va se bloquer, du fait de l’irréductibilité des divergences d’intérêts nationaux.

(cf. ma conférence “Qui gouverne la France et l’Europe ?”)

L’entrée de la Croatie va permettre de rendre l’Union européenne encore plus ingérable. Et donc à Washington de mieux diriger l’ensemble.

D’ores et déjà, le croate est devenu la 24e langue de l’Union européenne et a conduit la Commission européenne à lancer – en juin 2012 – un avis de concours pour 70 postes d’administrateurs, de traducteurs et d’interprètes croatophones.

  • 2°) Parce que les États-Unis d’Amérique et leurs vassaux manipulent les médias de façon à ce que l’alternance au pouvoir dans les États d’Europe ne se fasse qu’entre des partis européistes favorables à la  prétendue « construction européenne ».

Le système “UMPS” français (qui n’est qu’un copié collé du système Parti Républicain / Parti Démocrate aux États-Unis ) s’applique aussi en Croatie, comme il s’applique dans tous les autres pays de l’Union européenne. Il suffit pour cela d’accorder plus de 75% du temps de télévision à ces deux partis pour que le nombre de suffrages qu’ils récoltent en découle mécaniquement.

En Croatie, l’UMPS s’appelle HDZ- SPD.

Jadranka Kosor Présidente de l’Union Démocratique Croate (HDZ – parti “de droite” style UMP) a été présidente du gouvernement croate du 6 juillet 2009 au 23 décembre 2011 et a conduit les négociations d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.

Mais, lorsqu’elle a perdu les élections législatives, le 4 décembre 2011, au profit de la Coalition “Cocorico”, alliance de centre-gauche, elle a été remplacée, dix-neuf jours plus tard, par Zoran Milanović, président du Parti social-démocrate de Croatie (SDP – parti “de gauche” style PS) et chef de file de ce “Cocorico”.

Lequel Milanović, ancien conseiller au sein de la mission croate auprès de l’Union européenne et de l’OTAN à Bruxelles, a aussitôt confirmé qu’il entendait mener à son terme la procédure d’admission de la Croatie à l’UE.

Zoran Milanović succédant à Jadranka Kosor, ce fut en somme comme Rajoy succédant à Zapatero ou Hollande succédant à Sarkozy.

 

Zoran-Milanović-uprLe Premier ministre croate Zoran Milanović

 

  • 3°) Parce que les dirigeants font miroiter à leurs peuples respectifs les avantages extraordinaires censés découler de l’entrée dans l’Union européenne. 

Peu importe ce que les dirigeants pensent au fond d’eux-mêmes. Ils ne sont pas là pour faire la politique souhaitée par leurs peuples respectifs. Ils sont là pour appliquer une politique dictée par ceux qui détiennent les grands médias et qui les ont justement fait élire là où ils sont, à cette condition expresse.

Ainsi, le gouvernement croate a-t-il promis, juré, aux Croates que l’adhésion à l’UE allait apporter un afflux considérable d’investissements étrangers, qui seraient créateurs de richesses et d’emplois. Qui pouvait le contredire efficacement puisque ce ne sont que des promesses et qu’elles sont ressassées en boucle par tous les grands médias du pays ?

Il a également indiqué que des montants très importants d’aide dite « européenne » – qu’il a estimée à 11,7 milliards d’euros d’ici à 2020 – serait versé à la Croatie, notamment via les « fonds structurels ».

Là encore, qui pouvait expliquer aux Croates qu’une telle somme, même si elle était en effet versée, ne serait rien par rapport au démantèlement de leur modèle économique et social qui se profile ?

Gorgé de télévision, le peuple croate a donc fait comme tous les autres peuples d’Europe placés sous hypnose télévisuelle européiste.

Il ne croit pas vraiment à toutes ces promesses. Mais il y croit un petit peu quand même.

Et surtout, il a fini par ne plus imaginer qu’il puisse y avoir un avenir et une vie en dehors de l’UE.

  • 4°) Parce que les peuples sont consultés pour la forme, dans le cadre de référendums où les grands médias privilégient de façon outrancière les partisans de l’adhésion.

Logiquement, le référendum d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, qui s’est tenu le 22 janvier 2012, a donc recueilli 66% de « oui ».

Mais il ne s’est nullement agi d’un élan profond, comme pourrait le laisser penser à tort ce pourcentage élevé. La population a été tellement dégoûtée par la façon dont s’est déroulée cette campagne – avec un flot de propagande européiste et les pires menaces en cas de vote négatif – que 56% des électeurs inscrits ont refusé d’aller voter.

De telle sorte que le « oui » à l’entrée de la Croatie à l’UE n’a représenté que… 29% des inscrits. 71% des électeurs inscrits ont préféré soit voter « non », soit hélas s’abstenir tellement le vote « non » avait été diabolisé dans les médias.

Ce fut donc un « oui » bien chichement mesuré et la preuve que le peuple croate n’a manifesté aucun enthousiasme réel pour cette adhésion, qui lui a été présentée comme une obligation et une fatalité, comme s’il n’y avait aucune alternative possible.

Ce manque d’enthousiasme, pour ne pas dire ce sourd refus, a été confirmé le dimanche 14 avril 2013, lorsqu’un un taux d’abstention record, supérieur à 79 %, est venu ridiculiser le sens même des premières élections des députés européens en Croatie. (cf. http://www.upr.fr/presse/communiques-de-presse/la-spectaculaire-abstention-aux-premieres-elections-europeennes-en-croatie-est-un-nouveau-signe-de-necrose-de-leuropeisme.)

Du reste, l’avis de concours pour les 70 postes d’administrateurs, de traducteurs et d’interprètes croatophones que j’évoquais plus haut semble avoir les pires difficultés à attirer les candidats. Il semble que les jeunes Croates n’aient aucune envie d’aller travailler à Bruxelles dans les institutions européennes. (cf : http://balkans.courriers.info/article20416.html )

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CONCLUSION : BIENVENUE SUR LE TITANIC !

Toute personne qui se documente un tant soit peu sait d’ores et déjà, ce qui attend, hélas !, le peuple croate maintenant qu’il vient d’entrer dans la prison des peuples de notre temps.

Maintenant que la Croatie est tombée dans le piège, les promesses mirobolantes peuvent être renvoyées au magasin des farces et attrapes. Le temps est venu de passer aux choses sérieuses.

Les électeurs croates viennent d’être prévenus que l’économie croate avait « un problème de compétitivité », ce que nul partisan de l’adhésion s’exprimant sur les ondes ne leur avait signalé avant le référendum de 2012.

(Notons au passage que ce « un problème de compétitivité » a l’air de préoccuper bien plus l’oligarchie euro-atlantiste que les problèmes de corruption ou de réseaux criminels qui sévissent en Croatie comme un peu partout ailleurs dans les Balkans, et notamment au Monténégro.)

Dans la foulée, les dirigeants de l’Union européenne ont indiqué que la place des entreprises publiques dans l’économie croate (près de 40 % du PIB) étaient bien trop élevée. Pardi !

Alors que la Croatie vivait au fond assez paisiblement avec son économie mixte – comme les Grecs, les Espagnols, les Portugais ou les Français -, les Croates sont donc désormais sommés de comprendre et d’admettre que leurs entreprises publiques sont subventionnées et endettées, qu’elles sont mal armées pour affronter la concurrence internationale, et que les mesures de restructuration, imposées par Bruxelles pendant les négociations d’adhésion, vont devoir s’accélérer.

Du coup, ce sont environ 10 000 suppressions de postes qui devraient frapper les entreprises publiques croates d’ici à 2015, soit un tiers des salariés du secteur. Et l’État croate, présent dans le capital de 70 grandes entreprises, va devoir procéder à des privatisations nombreuses. Bien entendu, jamais les partisans de l’adhésion du pays à l’UE n’avaient précisé aux Croates que telles seraient les premières conséquences, très concrètes, s’ils votaient « oui » au référendum de 2012. Comme aux Français lors du référendum sur le traité de Maastricht de 1992, ils avaient seulement assuré aux électeurs que « l’Europe c’est la Paix »…

La première cible de cette vente à l’encan du patrimoine public croate sera la compagnie aérienne nationale Croatia Airlines, laquelle lutte pour sa survie avec des pertes de 64 millions d’euros en 2012 et une dette totale de 132 millions d’euros. Selon le plan de restructuration, 1 poste sur 5 va être supprimé dans cette entreprise qui emploie actuellement 1 100 personnes.

La situation est présentée de la même façon dans d’autres compagnies publiques gérant les chemins de fer, les autoroutes et la poste.

Un plan de restructuration touche actuellement les chantiers navals, un secteur qui emploie près de 10 000 personnes et subsistait également grâce aux aides du gouvernement. DIV, le consortium familial qui a racheté à l’État, en mars dernier, le chantier naval de Split vient de licencier plus de 3 000 salariés.

Malgré les assurances du contraire, tout cela ne va pas améliorer la situation de l’économie, qui est en récession catastrophique depuis 2009.

Du fait des mesures d’austérité dictées par la Commission européenne dans le cadre dit de la « mise à niveau » pour les « nouveaux entrants », cela fait 4 ans que la consommation baisse, conséquence de la hausse du chômage (21 % de la population), de la chute des revenus des ménages et du recul des exportations.

Comme nous le savons, ce n’est pas maintenant que la Croatie est membre de l’UE que les choses vont s’améliorer. D’ailleurs, les « fonds structurels » attendus par le gouvernement de Zagreb pour relancer une économie moribonde ont toute probabilité d’être très inférieurs aux attentes : le budget de l’UE vient d’être fixé en diminution pour les années qui viennent, l’Allemagne et le Royaume-Uni, notamment, en ayant assez de payer des sommes de plus en plus élevées pour les autres.

En bref, la Croatie vient de basculer dans la destruction européenne.

Le seul élément positif de cette triste nouvelle, c’est que les terribles désillusions que va connaître le peuple croate – dans les mois et les semestres qui viennent – vont peut-être contribuer à hâter la nécrose et l’effondrement de cette prison des peuples qu’est la prétendue « construction européenne ». Il faut l’espérer.

François ASSELINEAU