FLAMBÉE DE FAUX EUROS : LA BCE VA-T-ELLE FAIRE FACE ?
Voici encore un sujet intéressant que les medias gardent sous silence : depuis que la monnaie unique européenne s’est substituée à plus de quinze monnaies nationales sous forme de billets et de pièces, le faux monnayage en euro connaît un essor prodigieux. Pour des faussaires, il est en effet bien plus rentable d’imiter des billets tirés à des milliards d’exemplaires et au dessin invariable dans le temps, que d’imiter les anciens billets dans chacune des devises nationales, dont le nombre moindre permettait un changement plus fréquent du graphisme…
Tous les semestres, la BCE publie une Note d’information sur la contrefaçon de l’euro (1) . Systématiquement, cette opération de communication parfaitement huilée consiste à rassurer sur la fiabilité, l’authenticité et la haute technologie de la monnaie européenne. Ainsi, si la dernière note du 12 janvier 2009 relevait une hausse de 13% (en un seul semestre) de la fausse monnaie retirée de la circulation, l’institution concluait malgré tout que « le grand public a toutes les raisons d’avoir confiance dans la qualité des billets en euros et de leurs signes de sécurité ».
L’argument invoqué est curieux, pour ne pas dire spécieux : l’explosion du volume de fausse monnaie ne poserait pas de problème, puisque dans le même temps, la BCE ayant fait tourner à plein régime la planche à billets, la proportion de faux serait restée stable. Notons que si l’on appliquait ce raisonnement en médecine, le remède serait tout trouvé pour la grippe A H1N1 : il suffirait d’augmenter par ailleurs le nombre de malades atteints de la grippe saisonnière dans les mêmes proportions… et tout le monde devrait être rassuré, à défaut d’être guéri.
La prochaine note de la BCE est attendue pour les tout prochains jours. On attend avec impatience le discours officiel car jamais l’euro n’a été aussi contrefait. Il est significatif que la dernière affaire, portant sur 16 millions de faux euros fabriqués en Bulgarie, ait été réalisée par INTERPOL, alors qu’EUROPOL avait jusqu’à présent le monopole des coups de filets chez les faussaires. Il est désormais à craindre que les chiffres officiels et des billets retirés ne reflètent qu’une faible proportion de la fausse monnaie en circulation, la partie émergée de l’iceberg.
Monnaie de tout le monde, l’euro n’est la monnaie de personne. La contrefaçon n’est pas devenue un sport international seulement à cause de la crise : pour être respectée et sacralisée, une monnaie doit symboliser le patrimoine national, incarner la valeur des biens et du travail, participer au progrès économique. Tout ce que l’euro ne pourra jamais être.
Quand la France exerçait son droit essentiel de battre monnaie, on lisait sur les billets :
« L’ARTICLE 139 DU CODE PÉNAL PUNIT DE LA RÉCLUSION CRIMINELLE À PERPÉTUITÉ CEUX QUI AURONT CONTREFAIT OU FALSIFIÉ LES BILLETS DE BANQUE AUTORISÉS PAR LA LOI, AINSI QUE CEUX QUI AURONT FAIT USAGE DE CES BILLETS CONTREFAITS OU FALSIFIÉS. CEUX QUI LES AURONT INTRODUITS EN FRANCE SERONT PUNIS DE LA MÊME PEINE. »
Les photocopieurs existaient déjà , mais les faux monnayeurs étaient rares. Maintenant, que l’industrie du faux euro tourne à plein, la BCE va t’elle nous inonder de vraies coupures pour masquer le problème en rétablissant la proportion ?
En attendant la réponse, voici un aperçu de l’actualité de l’euro
29 aout 2008 – Bogota (Colombie) : 11 millions de faux euros « made in Colombia » (2)
Des policiers colombiens ont saisi à Bogota, la capitale de ce pays d’Amérique latine, 11 millions de faux euros. Selon l’organisme de coopération policière Europol, il s’agit de la plus grosse prise jamais réalisée en dehors d’Europe. Elle a eu lieu dans une imprimerie clandestine. Selon un spécialiste cité par Europol, la qualité des faux billets de 200 et 500 euros était “bonne”. Ils étaient destinés à être distribués en Europe.16 octobre 2008 – Bruxelles-Abidjan (Côte d’Ivoire) : des coupures de 50 € imprimées à Abidjan par des Chinois, testées à Bruxelles (3)
Des milieux mafieux qui injectent de faux euros en Belgique ont effectué un test début octobre 2008 en répandant sur Bruxelles une livraison limitée de 50 € imprimés en Côte d’Ivoire. Un homme spécialement venu d’Abidjan a écoulé 100.000 € sur Bruxelles en 24 h. Il est rentré sur Abidjan en fin de semaine avec des commandes pour des billets d’encore meilleure qualité. Les billets proviennent d’une imprimerie d’Abidjan tenue par des Chinois qui les vendent à 10 % de leur valeur nominale. L’homme chargé de les introduire en Belgique a passé sans obstacle les contrôles de « Brussels Airport ». L’Ivoirien est rentré sur Abidjan avec un carnet de commandes rempli pour de futures livraisons.10 juin 2009 – Bordeaux : Les 211 000 € faux euros du rempailleur de 66 ans (4)
Soupçonné d’avoir écoulé 12 fausses coupures dans une grande surface de Bordeaux, un retraité âgé de 66 ans a été interpellé à la fin du mois de mai. Chez lui, les enquêteurs ont retrouvé 19 autres faux billets, puis plusieurs enveloppes renfermant au total près de 211 000 €. Le suspect, rempailleur de chaises, s’est justifié en expliquant qu’il s’agissait des économies « de toute une vie ». Il possédait également près de 400.000 € déposés dans plusieurs banques en Belgique.11 juin 2009 – Azazga (Algérie) : Fabrication artisanale de bourse d’étude… en faux euros (5)
Un étudiant âgé de 26 ans, a déposé au niveau de l’agence Badr de Azazga de faux billets en euro pour constituer un compte devises en perspective d’un voyage d’étude à l’étranger. Alertés, les services de police de la sûreté de daïra de Azazga ont interpellé l’étudiant qui livrera les coordonnées des personnes qui lui ont fourni les devises. Des sources proches de l’enquête indiquent que les faux billets sont probablement fabriqués au niveau local, même si la technique est importée des milieux de l’émigration.13 juin 2009 – Dieppe, Abbeville, Rouen : Réseau national de faux-monnayeurs (6)
Trois hommes et une femme écoulaient des faux billets de 20 euros chez des commerçants de Dieppe. Ils appartiendraient à un réseau national. Les billets de 20 euros qu’ils écoulaient étaient plus vrais que nature. Ils ont écoulé une trentaine de billets dans des boutiques du centre commercial du Belvédère à Dieppe. Ils avaient fait la même chose à Abbeville, dans la Somme, la veille.
Cette affaire rappelle le démantèlement d’une bande de la région rouennaise et de la région parisienne, en fin d’année dernière. Plusieurs centaines de billets de 20 euros provenant de la même filière de contrefaçon avaient été émises chez des commerçants de Rouen. Ces faux billets parfaitement contrefaits à partir d’ordinateurs circulent dans tout l’Hexagone, mais aussi en Europe.
Chaque année, les services de police procèdent au démantèlement d’officines clandestines en France (40 pour la seule année 2007).25 Juin 2009 – Pau : Fausse monnaie de subsistance ? (7)
Un Palois de 45 ans a été interpellé mardi, suspecté d’avoir émis plusieurs dizaines de faux billets de cinquante euros – des photocopies de bonne qualité. La sûreté départementale est remontée jusqu’à cet individu suite à une première saisie de faux billets. Selon les premiers éléments de l’enquête, il semblerait que le suspect aurait écoulé sa production auprès de petits commerces, type boulangerie, pharmacies et magasins de fleurs, sur l’agglomération paloise, et peut-être au-delà.1er juillet 2009 – VARSOVIE : Le plus grand atelier polonais de fausse monnaie (8)
La police polonaise a arrêté trois faux-monnayeurs et démantelé le plus grand atelier de production de faux euros et zlotys jamais découvert en Pologne. “Il y avait notamment une ligne complète de production de faux billets de 100 zlotys et de 50 euros, avec des matrices, des imprimantes off-set et des billets inachevés, en diverses phases de fabrication”, a précisé la police.
Le CBS estime à plusieurs millions de zlotys la valeur des dizaines de milliers de faux billets mis en circulation par le groupe ces dernières années. La police polonaise avait démantelé en avril un important réseau qui introduisait dans les pays de l’Union européenne de faux billets de 50 et 100 euros. Au total, 32 personnes ont alors été interpellées en Pologne, dans le cadre d’une opération coordonnée par Europol.
Plusieurs dizaines de milliers de faux billets étaient diffusés essentiellement en France, en Espagne et en Italie, ainsi qu’en Allemagne et aux Pays Bas.2 juillet 2009 – Sofia : 16 millions de faux euros écoulés par les faux-monnayeurs bulgares ! (9)
Un réseau de faux-monnayeurs démantelé la semaine dernière en Bulgarie est soupçonné d’avoir écoulé pour 16 millions de faux euros dans toute l’Europe, a annoncé Interpol jeudi.
“Les fausses coupures de 100, 200 et 500 euros imprimées par le groupe criminel ont été écoulées principalement en Belgique, en France, en Allemagne, en Grèce, aux Pays-Bas et en Espagne mais ont impliqué toute l’Union européenne”, a précisé l’organisation de police criminelle dans un communiqué.
Au total, le groupe est soupçonné d’avoir mis en circulation 82.000 fausses coupures, de bonne qualité et portant toutes des numéros différents. La police bulgare avait annoncé le 25 juin l’arrestation de 17 Bulgares et la saisie de 400.000 faux euros lors de perquisitions à travers le pays. L’opération avait été menée avec l’aide de services secrets étrangers, notamment espagnols.
Jean-Yves CREVEL – 5 juillet 2009
Évolution vraie/fausse monnaie en circulation
Évolution vraie monnaie en circulation (10)
Évolution fausse monnaie en circulation (11)
Sources :
(1) http://www.ecb.int/press/pr/date/2009/html/pr090112.fr.html
(2) http://cozop.com/europe1_fr/p_11_millions_de_faux_euros_saisis_en_colombie
(3) http://www.camer.be/index1.php?art=3485
(4) http://www.leparisien.fr/faits-divers/le-retraite-ecoulait-des-faux-billets-de-100-eur-10-06-2009-544225.php
(5) http://www.elwatan.com/Azazga-Des-trafiquants-de-faux
(6) http://www.paris-normandie.fr/index.php/cms/13/article/173996/Alerte_a_la_fausse_monnaie_en_Haute_Normandie
(7) http://www.sudouest.com/bearn/actualite/article/630400/mil/4704944.html?auth=c951516f&cHash=f2b2db8ee6
(8) (9) Source AFP
(10) (11) Source BCE