La Russie va envoyer des observateurs pour surveiller l’élection présidentielle américaine

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Le 27 octobre 2012 l’agence officielle chinoise Xinhua, a annoncé que le ministère russe des Affaires étrangères va envoyer des observateurs russes pour surveiller la prochaine élection présidentielle aux États-Unis, prévue le 6 novembre.

C’est ce qu’a déclaré le porte-parole du ministère, Alexandre Loukachévitch, lors d’un point presse :

« Le gouvernement russe enverra certains députés de son Parlement aux États-Unis dans le cadre de la délégation de supervision de 57 membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les observateurs russes comprendront également les diplomates de l’ambassade russe à Washington et les employés des consulats russes dans plusieurs villes des États-Unis. »

 [source de l’information : agence de presse officielle chinoise Xinhua :http://french.news.cn/monde/2012-10/27/c_131933432.htm]

Le haut diplomate russe a par ailleurs accusé les autorités américaines d’empêcher une supervision internationale complète des élections présidentielles, selon un communiqué publié sur le site Web du ministère. « Les élections aux États-Unis peuvent difficilement être considérées comme parfaites du point de vue des normes et critères généralement acceptés », a déclaré M. Loukachévitch.

Pour mettre les points sur les “i”, M. Alexandre Loukachévitch a enfin souligné le « caractère obsolète et indirect » de la présidentielle américaine, ainsi que l’absence de système d’accréditation des observateurs étrangers au niveau national.

LA RUSSIE REND À WASHINGTON LA MONNAIE DE SA PIÈCE ET RÉVÈLE AU GRAND JOUR QUE LES états-UNIS N’ONT AUCUNE leçon DE démocratie À DONNER AU MONDE

Cette annonce faite officiellement par le porte-parole du ministère russe des affaires étrangères est, me semble-t-il, sans précédent.

Elle témoigne de la volonté de Moscou de rendre la monnaie de leur pièce aux autorités américaines et européennes, qui mènent des campagnes incessantes pour dénoncer le prétendu manque de transparence et de fiabilité des élections en Russie.

Les États-Unis sont d’ailleurs les champions du monde, avec la Commission européenne e Parlement de l’Union européenne, pour désigner à l’opprobre public les pays du monde où ils estiment que le processus électoral n’est pas conforme à leurs souhaits.

Cependant, tous les observateurs impartiaux relèvent que ces dénonciations euro-atlantistes s’opèrent toujours de façon sélective, selon un double standard qui épargne méthodiquement les pays alignés sur la Maison Blanche et qui accablent ceux qui lui résistent.

Ainsi, si les États-Unis – et leur perroquet européen à leur suite – expriment leur inquiétude ou dénoncent la prétendue malhonnêteté des élections en Iran, en Ukraine ou en Russie par exemple, on ne les entend jamais s’émouvoir de l’honnêteté du processus électoral en Arabie Saoudite, au Paraguay, au Bahreïn, au Qatar, tout comme… en Grèce, en Italie, ou en France.

L’histoire de la paille et de la poutre

Le 12 mai 2011, par exemple, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), très largement sous la coupe des États-Unis et de l’Union européenne (même si la Russie en fait aussi désormais partie), a dénoncé les irrégularités qui auraient été commises lors des élections législatives en Russie. Les observateurs (américains et européens) de l’OSCE avaient même affirmé, sans mâcher leurs mots, que les élections législatives russes avaient été entachées par des fraudes électorales « fréquentes » – comme le bourrage d’urnes. La Commission électorale russe – qui existe bel et bien – n’avait pour sa part constaté aucune irrégularité.

En sa qualité de Président de l’assemblée parlementaire de l’OSCE, M. Petros Efthymiou, avait ainsi dressé un constat particulièrement sévère de ces élections russes. Il avait indiqué que « la concurrence politique (avait été) limitée et pas équitable » durant la campagne électorale et avait souligné :  « J’ai en particulier relevé les ingérences de l’État à tous les niveaux de la vie politique, le manque de conditions nécessaires pour une compétition juste et l’absence d’indépendance des médias ».

[source : http://www.france24.com/fr/20111205-russie-vladimir-poutine-medvedev-observateurs-osce-denoncent-fraudes-irregularites-elections-legislatives ]

Ce constat dressé par le chef des observateurs de l’OSCE en Russie en mai 2011 prend tout son sel lorsque l’on sait que cet homme, M. Petros Efthymiou, ancien ministre, a été coordonnateur du groupe Parlementaire du Parti Socialiste grec (PASOK) au pouvoir à Athènes sur les questions…. économiques (2006) et sur les questions… financières (2006-2007), et qu’il est actuellement porte-parole du groupe du PS à l’assemblée nationale grecque.

En d’autres termes, ce M. Petros Efthymiou qui dressait un véritable réquisitoire au mois de mai 2011 pour dénoncer « la concurrence politique limitée et pas équitable » en Russie et le parti pris des médias russes, n’a pas trouvé un mot pour s’indigner de la façon dont le premier ministre grec, son ami M. Papandreou, fut contraint à la démission quelques mois après pour avoir envisagé de consulter les Grecs par référendum sur le Plan d’austérité (en novembre 2011) et contraint de céder sa place de Premier ministre à M. Papademos.

Rappelons que ce dernier, qui ne s’est jamais présenté de sa vie devant le suffrage universel, fut nommé chef du gouvernement grec de façon purement dictatoriale en novembre 2011, par la volonté conjointe de Washington, de la Commission européenne et de l’oligarchie financière dirigée par Goldman Sachs.

 LA PAILLE ET LA POUTRE –  M. Petros Efthymiou, Président de l’assemblée parlementaire de l’OSCE et par ailleurs député socialiste grec, avait dressé un véritable réquisitoire en mai 2011 pour dénoncer « le manque de conditions nécessaires pour une compétition juste et l’absence d’indépendance des médias » en Russie.

Mais ce démocrate sourcilleux n’a pas pipé mot devant le coup de force de la Commission européenne et de l’oligarchie financière en Grèce en novembre de la même année. Les forces euro-atlantistes ont pourtant fait rien moins qu’interdire la décision de référendum de novembre 2011 et qu’exiger la nomination d’un banquier, élu par personne, comme nouveau chef du gouvernement grec !

Il faut d’ailleurs un culot d’acier aux observateurs un européen de l’OSCE pour souligner que la concurrence politique électorale en Russie ne serait « pas équitable » et que les médias ne seraient pas « indépendantes » lors, lorsque l’on sait à quel point la compétition électorale et les médias sont précisément totalement verrouillés aux États-Unis d’Amérique est dans la plupart, sinon la quasi totalité, des États de l’UE.

Tous les adhérents et sympathisants de l’UPR en savent, comme moi, quelque chose !

La réplique russe 

En se proposant d’envoyer des observateurs pour vérifier la régularité des élections américaines, la Russie fait donc une réponse du berger à la bergère.

De fait, on se rappelle à quel point les élections présidentielles américaines ont pu faire l’objet de nombreuses contestations, en particulier avec l’affaire des machines à voter en Floride lors de l’élection du président George W. Bush en 2000.

Les recomptages privés effectués en 2001 par un consortium de plusieurs journaux américains et par l’Université de Chicago démontrèrent que si le candidat démocrate Al Gore avait demandé et obtenu un recomptage de l’ensemble des bulletins de vote dans l’État de Floride, il aurait été proclamé vainqueur.

En un mot comme en cent, George W. Bush a été élu président des États-Unis en 2000 de façon inique puisque c’est son compétiteur qui aurait dû l’être ; et cette iniquité résulte au moins de graves dysfonctionnements dans le processus électoral, et au pire de fraudes avérées.

AU CENTRE DE LA polémique EN 2000 : LE “BUTTERFLY BALLOT” DE PALM BEACH (FLORIDE)

Dans cet État-clé dont le Gouverneur était le frère de George W. Bush (qui allait être élu), les opérations de recomptage se transformèrent en bataille juridique autour de la validité du vote, créant une polémique sur les conditions de son organisation et sur la précision des machines à voter utilisées. Ainsi, dans le comté de Palm Beach, le bulletin de vote, appelé “Butterfly Ballot” était propice à une erreur de lecture par les électeurs au profit du candidat Pat Buchanan au détriment d’Al Gore.

Mais l’angle d’attaque de Moscou va au-delà de la simple vérification du processus électoral américain. En soulignant le « caractère obsolète et indirect » de la présidentielle américaine, le pouvoir le Kremlin s’attaque à l’une des grandes mystifications du monde contemporain qui concerne la qualité de la démocratie américaine.

Les élections américaines présidentielles présentent en effet toute une série de caractéristiques biscornues, pour le moins surprenantes pour un esprit réellement soucieux de démocratie. En particulier  :

  • le système des primaires est à peu près incompréhensible et extrêmement confus puisque chacun des 50 États à son propre mode de désignation des délégués du parti républicain et du parti démocrate qui choisiront en définitive le candidat paraît.
  • certains États ont des dispositifs législatifs qui empêchent de facto la constitution de nouveaux partis politiques (Le système le plus caricatural est celui du New Jersey où il faut réunir 10 % des électeurs pour pouvoir créer un nouveau parti, une condition que chacun sait irréalisable et qui interdit définitivement aux petits partis états-uniens de disposer d’une section au New Jersey).
  • au moment des conventions républicaine et démocrate destinées à choisir leur candidat officiel, les délégués élus par la population, ou par une partie d’entre elle, ou seulement par les les adhérents du parti en question, se voient adjoindre 20 à 25 % de “super-délégués” en plus (20 % pour le parti démocrate et 25 % pour le parti républicain), nommés par les instances des deux partis et élus par personne.
  • le jour de l’élection générale (le 6 novembre cette année), les électeurs votent pour élire non pas le futur président mais des “grands électeurs”. Le président des États-Unis n’est donc pas élu par le peuple américain directement, mais ultérieurement, par un « Collège électoral » de 538 membres. Chaque État dispose d’autant de grands électeurs qu’il a de sièges de parlementaires (députés et sénateurs) au Congrès. Les colonies, comme Porto Rico ou l’ile de Guam sont exclues du processus.
  • s’ils sont globalement choisis en fonction du vote des électeurs, les “grands électeurs” sont formellement désignés par les gouverneurs des États. Il ne s’agit donc pas exactement d’une élection au second degré, comme l’a rappelé la Cour suprême en 2000 lorsqu’elle a refusé de prendre en compte le vote des citoyens de Floride.
  • le nombre de délégués par État n’étant pas strictement proportionnel à la population, on peut fort bien avoir une situation où le président des États-Unis élu ne le soit qu’avec une minorité des suffrages au niveau national par rapport à son principal compétiteur. Ce fut d’ailleurs le cas en 2000, lorsque – sans même parler de l’affaire des machines à voter de Floride – George W. Bush fut élu avec 50 456 002 voix au niveau national, contre Al Gore qui avait recueilli 50 999 897 voix. ( Au XIXe siècle, les présidents républicains Rutherford Hayes et Benjamin Harrison furent aussi élus avec moins de voix que leur adversaire).
  • Enfin, faut-il rappeler le poids monstrueux pris par l’argent, et donc par la collecte de fonds, lors des élections américaines ? Des sommes colossales sont mises en jeu pour financer non seulement les frais de transport et de matériel militant des candidats, mais aussi pour payer des armées de juristes, de communicants, des quantités de spots publicitaires visant à dénigrer l’adversaire, etc.  Au total, les programmes électoraux – d’ailleurs sciemment flous et imprécis – passent sensiblement au second plan derrière ce qui s’apparente de plus en plus à la sélection d’un simple présentateur de télévision, à la suite d’une foire d’empoigne.

[source : intéressant entretien de Thierrry Meyssan avec Sandro Cruz de 2008 : http://guerre.libreinfo.org/manipulations/elections/387-processus-electoral-aux-etats-unis.html ]

LA RUSSIE COMMENCE À METTRE EN ŒUVRE LA DEMANDE QUE J’AI FAITE LE 5 MARS 2012 SUR TROPIQUES FM POUR l’élection présidentielle française

Avant de conclure, je relève que la décision annoncée par le porte-parole du ministère russe des affaires étrangères correspond exactement à la demande que j’avais faite, le 5 mars 2012, sur l’antenne de la radio Tropiques FM.

Interrogé par le journaliste Jean-Jacques Seymour sur l’état d’avancement de ma collecte des 500 parrainages, j’avais demandé au micro que des observateurs russes (mais aussi chinois et vénézuéliens) puissent venir observer l’honnêteté, la transparence et les conditions de compétition de l’élection présidentielle française.

Je l’avais fait très précisément dans les termes suivants :

« Maintenant, comme nous sommes à 15 jours de la remise des parrainages, eh bien nous avons un certain nombre, la plupart, des maires que nous contactons qui nous disent : « Mais enfin, Monsieur Asselineau, c’est une supercherie, il n’existe pas ! Je regarde TF1, je regarde France 2, France 3, France Inter, j’écoute RTL, RMC, Europe 1, je lis le Monde, le Figaro, je ne vois jamais question de lui ! ». Donc évidemment les maires des petits villages de France se disent : « Ce monsieur n’existe pas ».

On a d’ailleurs déjà eu des gens qui nous avaient accordé des promesses de parrainage et qui nous disent : «Écoutez non, comme c’est un candidat qui n’existe pas, je vous retire ma promesse ».

Donc, non seulement en ce moment, nous n’avançons plus beaucoup, mais nous en perdons. Et ça, c’est uniquement – j’insiste là-dessus –uniquement à cause de ce verrouillage médiatique absolu dont je souffre.

Écoutez, ça se passerait en Syrie, en Russie ou en Chine, tous les médias français hurleraient au scandale sur l’élection présidentielle. Moi je vais demander qu’il y ait des observateurs russes, vénézuéliens ou chinois qui viennent voir comment se passe la campagne présidentielle en France, c’est une honte ! »

Source : https://www.upr.fr/emissions-radio-tv/francois-asselineau-invite-de-j-j-seymour-sur-radio-tropique-fm

Je n’ai naturellement pas l’audace de penser que cette suggestion lancée à l’antenne il y a bientôt 8 mois est celle qui a donné aux autorités russes l’idée de procéder de la sorte vis-à-vis des élections présidentielles américaines ( même s’il est exact que de plus en plus de journalistes russes suivent l’UPR ).

Disons simplement que les grands esprits se rencontrent et l’idée que j’avais formulée en mars avait vocation à venir naturellement à l’esprit de tous ceux, quel que soit le pays, qui refusent que les forces euro-atlantistes imposent un cynique « deux poids, deux mesures » au niveau mondial.

CONCLUSION : LE VENT TOURNE

Naturellement, les observateurs russes ne changeront rien au résultat et au fonctionnement des élections présidentielles américaines du 6 novembre prochain. Du reste, ces élections ne changeront rien non plus à la direction du pays puisque cela fait belle lurette que les États-Unis fonctionnent sur le schéma de deux partis qui s’opposent de façon factice.

Cependant cette décision sans précédent de la Russie d’envoyer des observateurs du processus électoral aux États-Unis, et le fait qu’une telle information ne soit pas jugée provocatrice et burlesque ( comme elle aurait pu l’être si elle avait été formulée du temps de l’Union soviétique brejnévienne), est un signal qui ne doit pas être passé sous silence.

  • Cette décision témoigne d’une part que la Russie retrouve peu à peu des marges de manœuvre de grande puissance.

Il est d’ailleurs notable que ce soit l’agence officielle chinoise qui se soit précipitée pour s’en faire l’écho la première. Preuve que la Chine, aussi, brûle d’impatience de voir le jour où elle pourra, elle aussi, s’offrir le plaisir raffiné de faire la fine bouche devant la pseudo-démocratie états-unienne.      

  • Cette décision témoigne d’autre part de la dégradation de plus en plus marquée de l’image des États-Unis d’Amérique dans le monde.

Si les États-Unis apparaissaient encore aux yeux du public occidental comme « le » pays de la Liberté dans les années 70 (et cela en dépit de la guerre au Vietnam), leur image ne cesse de se dégrader depuis le tournant des années 2000. En particulier depuis la présidence de George W. Bush, des attentats du 11 septembre 2001, et du Patriot Act qui a commencé à limiter sérieusement les libertés publiques outre-Atlantique.

C’est la raison pour laquelle cette décision russe m’apparaît comme le symptôme révélateur d’une évolution historique majeure : le vent de la Liberté tourne et le camp des pays considérés traditionnellement comme des démocraties est en train de basculer dans son inverse même.

Comme le sentent confusément un nombre croissant de nos concitoyens, les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne qui en est le glacis géopolitique en Europe, sont de plus en plus perçus comme des dictatures en cours d’installation.

Il nous appartient de nous mobiliser pour contrecarrer cette évolution funeste.

François ASSELINEAU