Le Mur du son de la politique : Félix Baumgartner se déclare partisan d’une dictature modérée
Symbole de l’effondrement politique, philosophique et moral du monde occidental : le premier homme à avoir franchi le mur du son en chute libre, – qui a fait la Une des médias du monde entier – se déclare sans vergogne partisan d’une « dictature modérée dirigée par des personnalités expérimentées issues de l’économie privée ».
Et aucun responsable politique français ou européen ne réagit !
Félix Baumgartner, citoyen autrichien, porte un tatouage en américain sur son bras droit : “Born to fly” (= “Né pour voler”)
Le sportif autrichien Felix Baumgartner, premier homme au monde à avoir franchi le mur du son en chute libre, le 14 octobre dernier aux États-Unis, a affirmé dimanche 28 octobre que « nous aurions besoin d’une dictature modérée » (« Wir würden eine gemäßigte Diktatur brauchen ») pour résoudre les problèmes économiques et sociaux d’aujourd’hui.
Cette profonde pensée a été formulée dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien autrichien “Kleine Zeitung” (“Le Petit Journal”). Il a précisé que cette « dictature modérée » devrait être « dirigée par des personnalités expérimentées issues de l’économie privée ».
Pour justifier ces déclarations, il a souligné que l’exemple de l’acteur américain d’origine autrichienne Arnold Schwarzenegger comme Gouverneur de l’État américain de Californie avait démontré que « tu ne peux rien modifier dans une démocratie ».
BAUMGARTNER, UN NOUVEAU LINDBERGH ?
Il ne s’agit bien entendu que de la déclaration d’un sportif isolé, et non de la déclaration d’un responsable politique. Mais…
Mais il n’en demeure pas moins que, dans la bouche d’un homme qui a réalisé un exploit de retentissement planétaire voici quelques jours, une telle déclaration ne laisse pas d’inquiéter. Elle eût été tout simplement inconcevable voici encore une dizaine d’années, et voici même encore cinq ans. Elle aurait alors soulevé un tollé.
Cette déclaration témoigne du climat crépusculaire dans lequel est en train de plonger l’ensemble de l’Occident, et tout spécialement les pays de l’Union européenne, plus spécialement encore ceux de la zone euro.
Pour ceux qui connaissent l’histoire, elle fait penser aux déclarations favorables au régime nazi d’un autre héros des airs, Charles Lindbergh. Félix Baumgartner partage plusieurs spécificités avec celui qui traversa pour la première fois l’Atlantique en avion :
■ d’une part un goût prononcé pour les États-Unis d’Amérique et pour les régimes à poigne,
■ d’autre part la volonté de mettre à profit sa soudaine notoriété mondiale, due à un exploit sportif exceptionnel, au profit d’une cause politique beaucoup plus trouble.
Juste après son atterrissage au Bourget le 21 mai 1927, à bord du “Spirit of St Louis”, Charles Lindbergh fut entouré par une foule immense. Il devint aussitôt un héros mondial.
En visite à Berlin le 28 juillet 1936, Charles Lindbergh (à gauche sur la photo) fut reçu par le Maréchal Hermann Göring (en costume clair), n°2 du régime nazi, dans son bureau.
28 juillet 1936 : le n°2 du Troisième Reich remet une épée et décore Lindbergh de l’ordre de l’Aigle allemand au nom d’Adolf Hitler. À cette occasion, le héros de la traversée de l’Atlantique qualifia Hitler de « grand homme ». Sur ce cliché, on voit Anne Lindbergh à l’extrême gauche.
Lindbergh prenant la parole à un meeting de l’America First. De retour aux États-Unis après sa réception à Berlin, Liindbergh s’engagea de plus en plus en politique. Farouche partisan de la neutralité américaine au début de la guerre, il devint, de 1940 à 1941, l’un des principaux porte-paroles du mouvement isolationniste America First En octobre 1940, Lindbergh préconisa que l’Amérique « reconnaisse les nouvelles puissances en Europe ». En mai 1941, Roosevelt lui demanda de renvoyer la « médaille de la honte » reçue des mains d’Hermann Göring, ce qu’il refusa de faire, préférant démissionner de son poste de colonel au département de la Guerre. Le 11 septembre 1941, à Des Moines, lors du meeting America First, il déclara dans un discours radiodiffusé que « les agitateurs bellicistes » étaient « les Britanniques, les Juifs et l’administration Roosevelt. »
On remarquera au passage que Felix Baumgartner a réalisé son exploit au-dessus du désert du Nevada, avec le parrainage financier et publicitaire d’une entreprise autrichienne au nom américain (Red Bull), et une démonstration ostentatoire de toute la technologie et de tout l’appareil médiatique des États-Unis.
Grâce à son exploit, aussi sensationnel en 2012 que le fut la première traversée de l’Atlantique en avion en 1927, l’Autrichien Félix Baumgartner est devenu en quelques minutes un héros aux yeux de plusieurs milliards d’êtres humains. Cette série de clichés spectaculaires montre le sauteur en parachute s’approcher du gouffre, puis s’élancer dans le vide à plus de 39 km d’altitude pour entamer une chute verticale qui l’a catapulté vers le sol à 1 342,8 km/h soit Mach 1,24.
Soit dit en passant, on remarquera que l’exploit réalisé par Charles Lindbergh en 1927 avait du sens – puisqu’il préfigurait ce qu’allaient devenir les grands voyages aériens intercontinentaux – alors que l’exploit réalisé par Félix Baumgartner en 2012 n’en a à peu près aucun, puisqu’il ne s’agit au fond que d’une prouesse de cascadeur. Le saut d’un homme de 39 km dans le vide n’a aucune application concrète prévisible pour l’humanité et n’a donc guère plus de sens que si l’on s’était avisé de jeter un réfrigérateur ou une machine à café depuis la stratosphère.
On remarquera aussi que l’exploit de Lindbergh de 1927 était marqué du sceau de la gratuité, tandis que celui de Baumgartner de 2012 s’inscrit dans le cadre d’une opération publicitaire aux visées hautement commerciales.
Les deux événements sportifs ne sont donc pas exactement comparables. Leurs différences témoignent de la marchandisation et de la futilité du monde contemporain.
UNE DÉCLARATION LARGEMENT MÉDIATISÉE
La déclaration de Félix Baumgartner sur l’opportunité d’établir une dictature a bénéficié d’une très large médiatisation mondiale, et a été particulièrement reprise dans les médias du monde germanophone :
La Une du Kleine Zeitung : Baumgartner : « Nous aurions besoin d’une dictature modérée »
La Une de Die Presse : Baumgartner, pour la dictature au lieu de la démocratie ?
La Une de News AT « Besoin d’une dictature »
Le plus curieux de cette déclaration, c’est que celui qui l’a faite ne semble pas se rendre compte que la « dictature modérée dirigée par des personnalités expérimentées issues de l’économie privée » qu’il appelle de ses vœux est exactement le régime qui est en train de s’installer, depuis déjà plusieurs semestres, dans la plupart des pays de l’Union européenne.
J’ignore quant à moi ce que signifie précisément une « dictature modérée ». C’est un oxymore lénifiant, dont la formulation fait penser, en miroir, à celle de « démocratie apaisée » dont les médias nous ont rebattu les oreilles lors de la récente élection de François Hollande.
Mais ce qui est sûr, c’est que, dans l’esprit du sauteur en parachute sponsorisé par une boisson énergétique, cette « modération » de la dictature découle du fait que le sort des peuples serait enfin remis à « des personnalités expérimentées issues de l’économie privée ». De telle sorte que la pensée qu’il exprime, et qu’il croit sans doute originale, pourrait fort bien être une déclaration issue directement du conseil d’administration de Goldman Sachs.
Enfin, on notera que, si Félix Baumgartner a affirmé qu’il ne comptait pas faire de la politique, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas donné cette impression depuis son exploit.
Le 24 octobre, dix jours après son saut, il a en effet été reçu par rien moins que le secrétaire général de l’ONU, au siège des Nations Unies à New York. Et M. Ban Ki-moon, posant pour la photo avec le sauteur en parachute, a affirmé à la presse internationale que Félix Baumgartner était « l’homme le plus courageux du monde ».
Félix Baumgartner reçu par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki Moon, le 24 octobre 2012 au siège des Nations Unies à New York.
Quatre jours après, « l’homme le plus courageux du monde » – selon le jugement du plus haut fonctionnaire international de la planète – a donc appelé à l’instauration d’une « dictature modérée dirigée par des personnalités expérimentées issues de l’économie privée »….
Ainsi donc, comme Charles Lindbergh trois quarts de siècle avant lui, Félix Baumgartner a donc jugé utile et opportun de tirer profit de la notoriété mondiale que lui vaut son exceptionnel exploit sportif pour donner un semblant de légitimité et de respectabilité à des idées politiques nauséabondes. L’histoire, décidément, ne se répète jamais mais elle bégaie tout le temps.
CONCLUSION : UN SIGNAL SUPPLÉMENTAIRE POUR SE RASSEMBLER AFIN DE RÉTABLIR LA DÉMOCRATIE MORIBONDE
Détail de l’actualité, mais détail ô combien chargé de sens, l’appel de Félix Baumgartner à l’instauration d’une dictature doit être fermement dénoncé comme scandaleux et considéré comme une preuve supplémentaire de l’urgence qu’il y a à se rassembler pour rétablir la démocratie.
A cet égard, compte tenu du retentissement de cette déclaration, en particulier dans tout le monde germanophone, on s’étonne qu’aucun responsable politique français n’ait fait part de son indignation et de sa réprobation.
Depuis 2000 ans, l’histoire a amplement montré que la volonté de « bâtir l’Europe » se termine toujours par la décision d’y imposer un régime dictatorial.
L’histoire a également montré qu’il faut toujours se méfier des apprentis dictateurs autrichiens.
François ASSELINEAU