Le Ministre Japonais de l’économie annonce un plan de réduction de l’énergie nucléaire et n’exclut pas sa suppression complète d’ici à 2030
M. YUKIO EDANO, MINISTRE JAPONAIS DE L’ÉCONOMIE ET DE L’INDUSTRIE, ANNONCE UN PLAN DE RÉDUCTION DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE ET N’EXCLUT PAS L’HYPOTHÈSE DE SA SUPPRESSION COMPLÈTE D’ICI À 2030
C’est un pavé dans la mare que le ministre japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, M. Yukio Edano, a lancé à Tokyo,
en ce matin du 7 août 2012, au lendemain des commémorations du 67ème anniversaire du bombardement atomique d’Hiroshima (cf. mon article précédent).
Au cours d’une conférence de presse spéciale, il a en effet :
a)- confirmé que l’accident nucléaire de Fukushima a rendu caduc l’objectif antérieur fixé par les autorités japonaises, qui consistait à vouloir élever la part du nucléaire des quelque 30% de la production d’électricité actuelle à 53% d’ici à 2030.
b)- annoncé que le nouvel objectif du gouvernement japonais a changé à 180° : il est désormais non pas d’accroître, mais de réduire la part de l’énergie nucléaire dans le “bouquet énergétique” de l’archipel.
c)- dévoilé que le gouvernement japonais réfléchit actuellement à la définition d’un nouveau schéma d’approvisionnement énergétique, fondé sur 3 scénarios possibles d’ici à 2030 :
c.1)- réduire seulement un peu la part de l’énergie nucléaire, en la faisant passer des 28-30% actuels à une fourchette comprise entre 20 et 25% de l’électricité produite.
c.2)- réduire plus drastiquement cette part de l’énergie nucléaire à 15% de l’électricité produite, donc en divisant son importance par deux d’ici à une vingtaine d’années.
c.3)- enfin, se passer totalement d’énergie nucléaire.
Cette dernière annonce a particulièrement surpris les journalistes présents car des experts désignés par le gouvernement avaient précédemment affirmé qu’un scénario « zéro nucléaire » réduirait de -1,2% à -7,6% le produit intérieur brut de la troisième puissance économique mondiale en 2030.
Pressé de questions sur ce point, le ministre japonais de l’économie a pris le contrepied de cette étude en affirmant au contraire :
« Je ne pense pas que le scénario “zéro” soit négatif pour l’économie japonaise. Au contraire, il favoriserait la croissance car il faudrait développer les énergies renouvelables et améliorer notre efficacité énergétique, ce qui soutiendrait la demande intérieure. »
UN MINISTRE QUI SAIT PARTICULIÈREMENT DE QUOI IL PARLE
Les révélations de la conférence de presse de M. Edano sont d’autant plus intéressantes que celui-ci n’est pas seulement ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie dans le gouvernement Noda.
Il est aussi “ministre d’État pour les Réponses économiques aux accidents nucléaires et pour la Corporation de soutien aux Compensations des dommages nucléaires” (depuis le 3 octobre 2011). Il s’est en outre fait particulièrement remarquer, dans les jours et les semaines suivant la catastrophe de Fukushima, pour son rôle très dynamique et responsable en tant que porte-parole du Gouvernement Kan lorsque celui-ci dut gérer la crise.
Du fait de sa “double casquette” et de son expérience récente, M. Edano est donc un ministre qui sait particulièrement de quoi il parle, à la fois en matière économique et industrielle, et aussi en matière de sécurité nucléaire. Son avis et ses déclarations n’en sont donc que plus intéressants.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que M. Edano annonce son souhait de restreindre la part de l’énergie nucléaire au Japon. Il en avait déjà fait état plusieurs fois auparavant, et notamment il y a une quinzaine de jours, lors d’un discours à Utsunomiya, préfecture de Tochigi, le 21 juillet dernier.
Il avait ainsi déclaré : «Je pense que nous devrons finir par fermer toutes les centrales nucléaires. Personnellement, j’aimerais pouvoir les arrêter dès demain », avant de préciser que le Japon était contraint de continuer à s’appuyer encore sur l’énergie nucléaire pour le moment.
[ source : dépêche de l’agence Kyodo : http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fenglish.kyodonews.jp%2Fnews%2F2012%2F07%2F170844.html&title=%5B1%5D]
CONCLUSION : LA POSITION DE L’UPR UNE NOUVELLE FOIS CONFORTÉE
On me permettra de faire remarquer que cette position très responsable de M. Edano est une illustration parfaite de la position que je ne cesse de défendre moi-même, depuis l’annonce de notre programme le 3 décembre 2011.
Nos lecteurs ont d’ailleurs pu en prendre connaissance de façon approfondie au cours de mes articles et commentaires publiés sur la présente page depuis plusieurs jours, et cela alors que j’ignorais évidemment totalement ce qu’allait annoncer aujourd’hui le ministre japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie.
Je note donc avec un intérêt d’autant plus vif que M. Edano se garde à la fois de tenir des propos anti-nucléaires irréalistes d’un côté, et de se faire le simple porte-parole du lobby pro-nucléaire de l’autre. Avec pondération et le sens des responsabilités, il étudie sans a priori, et avec ses services, différents types de scénarios évolutifs pour les 20 ans qui viennent. Scénarios qui visent tous à une moindre dépendance de l’énergie nucléaire, mais selon des proportions très variables.
Les lecteurs de la présente page sont témoins que je ne cesse de dire la même chose et que je propose, de surcroît, qu’un grand débat public sur ces questions essentielles soit présenté aux Français, de façon exhaustive, en laissant s’exprimer tous les points de vue et toutes les expertises.
Je note enfin que le Japon, qui est l’une des toutes premières puissances économiques, industrielles et technologiques de la planète, se fixe désormais comme objectif de diminuer la part de l’énergie nucléaire dans tous les cas de figure. Le Japon rejoint donc en cela la même position que l’Allemagne, autre puissance économique, industrielle et technologique de tout premier plan.
Ce simple constat nous prouve que, contrairement à ce que veulent faire croire les partisans les plus acharnés du lobby nucléaire en France, il est parfaitement responsable d’envisager la décrue de cette source d’énergie plutôt que son renforcement. À qui fera-t-on croire que les autorités allemandes et japonaises sont composées de dingues, d'”émotifs” et d’illuminés ?
En d’autres termes, les inflexions très importantes de la stratégie énergétique actuellement en cours en Allemagne et au Japon doivent nous mettre la puce à l’oreille : elles révèlent que le débat, sur ce sujet comme sur presque tous les sujets, n’est pas libre dans notre pays.
Tout cela n’en renforce que davantage encore la pertinence de la position de l’UPR sur l’ensemble de ces questions.
François ASSELINEAU
Sources :
– extrait vidéo de la conférence de presse en japonais, sur le site du Nihon Keizai Shinbun (le 日本経済新聞 = Journal économique du Japon, également appelé de façon courte “Nikkei” (日経), est le quotidien économique le plus important de l’archipel) : http://www.nikkei.com/video/?bclid=67421386001&bctid=249133622002&scrl=1
– nombreux articles de la presse internationale, notamment dans le journal français Libération de ce matin : http://www.liberation.fr/monde/2012/08/07/un-japon-sans-nucleaire-est-possible-pour-2030-estime-un-ministre_838202 ]