Les réunions publiques consternantes du « Mouvement européen » – un exemple dans le Morbihan… – par Nathan Leblond
Témoignage d’un militant de l’UPR
À l’occasion des vacances, et du temps qu’elles laissent libre pour des lectures plus légères, nous publions ci-après un reportage-témoignage réalisé par Nathan Leblond, un de nos jeunes militants du Morbihan. Il nous relate, avec une double dose d’humour et de consternation, le déroulement d’une réunion publique du Mouvement européen à laquelle il avait participé en mars dernier à Vannes pendant la campagne des élections européennes. C’est pour le moins édifiant…
Une réunion publique du « Mouvement européen » sur le thème : « L’Europe, plus que jamais nécessaire » avait été organisée le 15 mars 2019 à 18h au Palais des Arts de Vannes sous la présidence de François Goulard, président du Conseil départemental du Morbihan (56).
Ancien Ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, ancien Secrétaire d’État, ancien député du Morbihan, ancien maire de Vannes, M. Goulard est le beau-frère de Sylvie Goulard, qui fut l’éphémère ministre des Armées dans le premier gouvernement Édouard Philippe, contrainte à la démission au bout d’un mois par l’affaire des assistants parlementaires du MoDem.
François Goulard a été successivement membre de Démocratie libérale, le parti créé par Alain Madelin, puis de l’UMP, puis du parti Les Républicains, navire en perdition qu’il a quitté en 2018 pour se réfugier dans une chaloupe, le parti Objectif France présidé par Rafik Smati.
La réunion publique était introduite par :
- François-Xavier Camenen, président de la Maison de l’Europe du Morbihan, qui avait interpellé directement quelques jours plus tôt François Asselineau lors de la réunion publique de l’UPR à Surzur, le 24 février 2019 pendant la campagne pour les élections européennes.
- Christian Tabiasco, président du « Mouvement européen » France du Morbihan
Contexte
La réunion publique, dont l’entrée était gratuite, s’est déroulée le 15 mars 2019 à 18h, au Palais des Arts de Vannes (Morbihan). Elle était organisée par la délégation du « Mouvement européen » du Morbihan. Dans le bâtiment, la réunion publique s’est tenue dans l’amphithéâtre Ropartz, dont les tarifs de location à la demi-journée sont élevés.
En mon for intérieur, je me suis demandé comment le Mouvement européen pouvait ainsi débourser plus de 600 € pour une salle louée pendant 2 heures 30 un après-midi, alors que c’est le type de somme que l’UPR, forte de près de 38 000 adhérents, estime hors budget à dépenser, sauf pour ses quelques très grands meetings de campagne électorale.
Faute de pouvoir connaître l’origine et le montant des recettes du Mouvement européen (le site du Mouvement européen France – si ce n’est cette page, tout comme sa notice Wikipedia, sont d’une grande discrétion sur la question), il ne nous reste qu’à espérer que cette réunion n’ait pas bénéficié d’une ristourne de la part de la municipalité pour pouvoir emprunter la salle.
Cette interrogation permet au passage de se remémorer que le “Mouvement européen international” – dont le “Mouvement européen France” est la branche française – a bénéficié quant à lui de largesses financières venues de Washington depuis des décennies, ce que même sa notice Wikipedia consent à reconnaître.
Parmi les personnes présentes lors de cette soirée, force fut de constater qu’il s’agissait d’une assemblée de personnes majoritairement retraitées. Moi compris, il ne devait pas y avoir plus de 3 ou 4 personnes de moins de 26 ans dans l’assistance.
Je ne nie évidemment pas que les seniors aient toute leur place dans la société française et notamment dans la vie politique. Mais cela fait quand même un drôle d’effet de venir assister à une réunion publique censée représenter la France du futur et la mobilisation de la jeunesse en faveur des lendemains qui chantent de la « construction européenne », et y découvrir que la moyenne d’âge de l’assistance est de l’ordre de 70 ans.
Par ailleurs, 2 autres adhérents de l’UPR étaient venus assister avec moi à cette réunion publique. Nous étions donc au moins 3 adhérents de l’UPR venus à cette réunion, à ma connaissance, et cela non pas pour la soutenir, mais pour l’observer de façon précise et critique.
En termes de présence médiatique, aucun média, même local, n’avait fait le déplacement, toujours à ma connaissance. Pourtant, la réunion publique avait été annoncée dans la presse locale, de même que sur le site internet du Mouvement européen du Morbihan.
Par ailleurs, je n’ai pas aperçu de caméra. Pas même une caméra portable tenue par l’un des adhérents du “Mouvement européen” du Morbihan pour filmer officiellement la réunion publique, au fond de l’amphi comme devant. Il est d’ailleurs étonnant que les animateurs de la soirée n’aient pas pris la peine de se filmer eux-mêmes, au moins pour leur album de photo de famille, en souvenir.
En revanche, j’avais, moi, prévu de quoi enregistrer. Ainsi, j’ai pu filmer presque l’intégralité de cette soirée. Je mets à disposition de quoi récupérer les captations vidéos réalisées lors de cette soirée à la fin de cet article, captations qui ont été regroupées en une unique vidéo.
Désormais, les organisateurs ne peuvent plus cacher leurs pratiques. Les captations que j’ai réalisées parlent d’elles-mêmes. De très nombreux passages sont parfaitement audibles et saisissants, pour ne pas dire assez terrifiants à entendre.
Explications et analyses du déroulé de la soirée
Comme je viens de le dire, la première chose qui saisissait le nouveau venu à son entrée dans l’amphithéâtre, c’était la composition de l’assistance : presque exclusivement des personnes du troisième, voire du quatrième âge. Et des personnes dont la mise plutôt soignée, la façon de s’exprimer, les références, donnaient à penser qu’elles étaient majoritairement issues de catégories plutôt aisées, voire très aisées, de la population. Il en était de même des intervenants sur l’estrade. On n’y remarquait en revanche quasiment aucun jeune – je l’ai dit -, et absolument aucun « Gilet jaune ».
Un doute me monta à la tête un instant : ne m’étais-je pas trompé de salle ? Ne s’agissait-il pas d’un club du troisième âge venu assister à une conférence d’histoire de l’art sur le trésor de Toutankhamon, ou une amicale de cadres supérieurs retraités venus assister à la présentation d’une société de conseil en patrimoine ?
En balayant l’amphi du regard – d’une capacité de 288 fauteuils et 26 strapontins -, je constatai tout de suite qu’il n’était pas rempli, et que les rangs du fond étaient bien clairsemés. J’ai évalué le public, essentiellement massé dans les premiers rangs, à quelque 200 personnes, en comptant large.
Ce n’est certes pas négligeable. Mais, en pleine campagne pour les élections européennes, et pour une réunion présidée par un ancien ministre bien connu localement, de surcroît président du conseil départemental du Morbihan et qui devait à ce titre pouvoir compter sur de nombreux obligés, ce n’était quand même pas énorme.
A titre de comparaison, François Asselineau, lors de sa venue dans le Morbihan (à Surzur) le 24 février dernier, dans une salle municipale beaucoup moins somptueuse que celle du Palais des Arts de la ville-préfecture, avait rassemblé plus de 300 personnes, dont beaucoup de jeunes et au moins une quinzaine de “Gilets jaunes”.
En entrant dans l’amphi, il était 18h, on pouvait distinguer 3 personnes sur l’estrade : François Goulard, François-Xavier Camenen, et Christian Tabiasco (photo ci-contre).
Les deux derniers jouèrent essentiellement les pots de fleurs puisqu’ils restèrent assis sur les fauteuils-canapés tout au long de la réunion publique, regards et sourires bienheureux tournés vers l’orateur et maître de séance : François Goulard.
La réunion publique dura près de 1h30, avant de s’étendre à un jeu de questions-réponses avec la salle.
Durant tout ce temps, tout se déroula comme si un mot d’ordre implicite avait été convenu à l’avance : surtout ne pas être clair ni précis, mais au contraire faire peur à l’auditoire, l’embrouiller par des slogans, noyer le poisson, esquiver, manipuler.
Quelques outils dialectiques furent employés à cette fin : recours constant à la langue de bois, infantilisation de l’auditoire, usage fréquent du registre émotionnel, et emploi d’une gestuelle de pitre.
Je ne me prends pas pour un Prix Nobel. Mais, du haut de mes 25 ans, j’ai pu constater que le niveau de culture générale, de culture politique, historique et géopolitique des différentes personnes qui prirent la parole était affligeant alors qu’elles étaient de l’âge de mes parents, sinon de mes grands-parents. À l’évidence, personne dans cette assistance ne s’était jamais donné la peine de visionner la moindre conférence en ligne de l’UPR, ni de réfléchir en conscience au moindre des arguments de notre mouvement politique.
De telle sorte que je fus au supplice de voir des cadres retraités intervenir d’un air supérieur pour asséner les poncifs les plus éculés de la propagande européiste : “l’Europe-c’est-la-paix !”, “la-France-est-trop-petite-pour”, “il-faut-changer-d’Europe”, “l’Europe-est-indispensable-pour-faire-contrepoids-aux-États-Unis-et-à-la-Chine”, etc. Tous ces stéréotypes étaient lancés crânement dans la salle, comme s’il s’agissait d’idées originales ayant soudain germé dans leur esprit, et que nul ne saurait contester ! Misère….
La réécriture de l’histoire et la vérité arrangée pour le discours politicien, furent ainsi constamment au rendez-vous. Sans cesse revenaient les mots « croyance », « profonde conviction », « évidence », « foi » : on n’était pas en présence de raisonnements rationnels, originaux, argumentés, précis et nuancés, mais face à une litanie de dogmes, assénés par des prêcheurs de religion.
Bien entendu, les problèmes que connaît l’Europe furent évoqués. Il eût été quand même bien difficile de ne pas en parler du tout ! Mais la réponse, invariable, était qu’il allait falloir “réformer tout cela” et “changer l’Europe”.
À aucun moment l’idée même que la « construction européenne » puisse être une idée erronée depuis le départ, une utopie irréalisable, une stratégie intrinsèquement perdante posant des problèmes toujours plus insurmontables, ne fut envisagée. Et encore moins l’idée que l’on puisse, posément et rationnellement, vouloir et pouvoir en sortir !
Tous les intervenants, sur scène et dans le public, avaient à cœur ce soir-là de défendre à tout prix « la belle idée européenne » , même s’il fallait continuer encore à ramer plusieurs siècles. Du reste, tout cela était conforme au titre de la réunion publique : « L’Europe, plus que jamais nécessaire ».
Jamais durant celle-ci ne furent prononcées des expressions telles que « Gilet jaune », « contestation », « révolte populaire », « patrie », « peuple français », « autoritarisme », « dictature », « mutilations », etc. Pourtant, le contexte, depuis le mois de novembre 2018, s’y prêtait fortement.
Jamais non plus ne fut prononcé le mot « Frexit ». Encore moins, bien sûr, l’acronyme « UPR ».
Seule l’évocation du « Brexit » fit son apparition à un moment, mais ce fut dans un concert d’indignations, comme si l’on s’était avisé de faire la promotion de Barbe bleue. Tous nos septuagénaires en dénoncèrent en chœur l’horreur, sous un déchaînement d’imprécations, de calomnies, ou de « fake news », comme on dit aujourd’hui.
Et pourtant… l’animateur de la soirée, M. François-Xavier Camenen, président de la Maison de l’Europe du département, était venu, quelques jours plus tôt, le 24 février 2019, se glisser dans l’assistance parmi les plus de 300 personnes présentes dans la salle des fêtes de Surzur (Morbihan), pleine à craquer de personnes – notamment des Gilets jaunes – venues assister ce jour-là à la réunion publique donnée par François Asselineau.
À la fin de cette dernière, il avait même interpellé le président de l’UPR pour tenter de lui apporter la contradiction sur « les heureux bienfaits de la construction européenne ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que son intervention n’avait pas convaincu grand-monde et que les réponses de François Asselineau l’avaient laissé KO debout. Mais les arguments rationnels, sourcés, précis, de l’UPR glissent à l’évidence sur l’esprit sectaire des européistes comme l’eau sur les plumes d’un canard.
En fait, toute cette vaine propagande tournant en rond et toutes ces indignations collectives ne témoignèrent que d’une chose : au fond, les européistes ont peur. Tout simplement. Leur rêve commence à s’effondrer et ils refusent de l’admettre.
Les questions-réponses, l’occasion d’intervenir !
Pendant la séance de questions-réponses, je décidai de me lancer. Je me saisis du micro qui circulait dans la salle (photo de cette séance illustrée ci-dessous). L’étiquette « jeune » m’aida grandement à l’obtenir si gracieusement, le temps d’une question “innocente”.
J’improvisais une question, adressée à François Goulard. Voici comment elle était formulée : « Vous nous rappeliez ce soir que finalement pas grand-chose ne marche actuellement en Europe, et que les traités nécessitent l’unanimité pour être changés. Comment alors, dans ce cas, peut-on très concrètement changer l’Europe ? »
C’est peu dire que l’écrasante majorité des participants semblaient n’avoir jamais réfléchi à cette question toute bête.
Bien entendu, la réponse, gênée, n’en fut pas une : trois phrases prononcées sans conviction et à la va-vite sur le thème “quand-on-veut-on-peut”… même si le président du Conseil départemental avoua, en concluant, « qu’à 28, c’est plus compliqué… c’est incontestable ! ». Bref, totalement à côté de la plaque. L’impossibilité pratique et juridique de mettre tout le monde d’accord, afin de modifier les traités de fond en comble pour satisfaire les seuls intérêts de la France, fut totalement esquivée.
C’est ce que l’on appelle de la « langue de bois ». Prière de s’en contenter, d’acquiescer, et d’applaudir sans état d’âme : pas de place aux questions qui fâchent et orientées contre « la construction européenne ». Sacrilège !
À peine avais-je commencé à prononcer ces quelques mots que je fus d’ailleurs interrompu par des rires gras, et moqué par l’ensemble de la salle. Comment pouvais-je être aussi sot pour poser une telle question ? J’eus ainsi le plaisir et le mérite de provoquer l’hilarité de la soirée sans le vouloir, au sein de cette assemblée. Une hilarité nerveuse, celle de personnes qui n’ont pas la conscience tranquille, celle de personnes qui préfèrent rire plutôt que réfléchir.
Des brebis égarées
Le fait que le seul « jeune » qui ait pris la parole – moi en l’occurrence – ait été tourné en dérision par l’assistance parce qu’il posait une question honteusement “populiste” n’empêcha nullement cette même assistance de pousser des soupirs de Tartuffe : il fut ainsi déploré plus d’une fois, au cours de la réunion publique puis lors de la séance de questions-réponses, « l’absence des jeunes ce soir, qui ne s’intéressent pas à la politique ».
En réalité, les seuls « jeunes » que les européistes tolèrent sont des « jeunes » vieux. Des « jeunes » qui auraient en 2018 le même enthousiasme pro-européen que des « jeunes » de 1950, comme si on les sortait du formol soixante-huit ans après la “Déclaration Schuman”, et comme s’ils étaient incapables de voir la catastrophe tous azimuts de la « construction européenne », qui crève les yeux.
Je dirais quant à moi plutôt : heureusement que « les jeunes » ne viennent pas s’intéresser à « leur » politique, mais préfèrent davantage entrer en Résistance.
Force est de constater, quelles que soient nos opinions, que l’on se trouve face à des gourous, affaiblisseurs de pensée critique, qui sont capables de dire tout et son contraire dans la même phrase, prêchant face à des adeptes, pour les maintenir en haleine, pour en faire une clientèle électorale solidement acquise au moyen de la peur. Le public est ainsi conquis d’avance. C’est l’illustration typique de la technique du « Projet peur » (ou Project Fear).
En bref, on l’aura compris, il n’y eut aucun débat de fond. Seulement quelques légères mais gentillettes critiques éparses sur le déroulement de la « construction européenne ». Ce qui importait, c’était de se regarder tous ensemble le nombril, pour savoir qui disposait du plus beau.
En ce sens, on pourrait dire qu’il s’agissait bel et bien d’une réunion de prosélytisme en public, plus que d’une réunion politique digne de ce nom. C’est peu dire que l’on est à des années-lumière des réunions publiques qu’est parvenue à organiser l’UPR partout en France depuis douze ans, pour faire de l’éducation populaire, pour élever le niveau de conscience, de connaissance et de compréhension des évolutions du monde présent.
Épilogue
Une fois la séance de questions-réponses épuisée, tout le monde se leva pour repartir chez soi. Le prêche était terminé. Je fus toutefois interpellé par une personne, deux fauteuils plus loin à ma gauche. C’était un homme d’un certain âge qui m’aborda bien gentiment, en souriant. Il souhaitait apporter une réponse plus précise à ma question, celle-là même qui avait suscité des lazzis.
Dès les premiers instants, je devinai avoir affaire à un militant européiste chevronné. Gagné ! Vous aviez beau lui parler de la règle de l’unanimité qui prévaut pour tout changement structurel au sein de l’Union européenne, il n’écoutait pas, et détournait la conversation pour s’évertuer obstinément dans le déni. Il « faudra convaincre » les 28 États membres, on « y arrivera », il « faudra » y arriver, il le « faudra bien », cela « arrivera », nous devons « y croire » absolument, exprimait-il.
Ne souhaitant pas poursuivre inutilement un tel dialogue de sourds, je finis par le laisser s’épuiser à me parler de ses croyances. Je garderai en tête une seule chose tout de même de ses propos : « il ne faut pas perdre de vue que notre objectif, souvenez-vous, est d’établir les États-Unis d’Europe en poursuivant l’œuvre de Giscard d’Estaing ».
En se quittant, à ma demande insistante, il finit par se présenter. Il s’agissait en fait de… l’un des 4 administrateurs de la Maison de l’Europe du Morbihan. Une secte, vous dis-je.
Nathan LEBLOND
Jeune adhérent de l’UPR du Morbihan
30 juillet 2019
Post Scriptum
Les passionnés pourront regarder la vidéo affligeante de cette soirée en la visionnant ci-dessous :