30 ans après le 10 mai 1981 : Ce que la Gauche française ne commémorera pas (pas plus que la droite d’ailleurs)
Ce 10 mai 2011 a été l’occasion, pour une partie de la gauche française, de célébrer le trentième anniversaire de l’élection de François Mitterrand à l’Élysée.
Le bilan de Mitterrand est pourtant peu reluisant : outre que les mesures sociales qu’il avait mises en œuvre lors de son élection ont été remises en cause depuis lors, du moins pour la plupart d’entre elles (les privatisations massives succédant aux nationalisations par exemple), il faut rappeler ici que François Mitterrand a commis de nombreuses erreurs tragiques tout au long de sa carrière.
1°) UN BILAN PEU RELUISANT
Sans être exhaustif, citons :
- – son passé pétainiste (décoré de la francique n°2202 en avril 1943)
- – son faux attentat de l’avenue de l’Observatoire
- – l’affaire des Irlandais de Vincennes,
- – les milliers d’écoutes téléphoniques,
- – ses amitiés scandaleuses (avec Bernard Tapie, René Bousquet, organisateur de la “Rafle du Vel d’Hiv”,etc.),
- – les étranges morts par crises cardiaques ou par suicide de “ses amis”,
- – ses mensonges sur sa santé,
- – son absence de vision de l’histoire et de flair des événements (il se félicita de la tentative de Coup d’état en URSS, il refusa de recevoir Boris Eltsine alors membre de l’opposition en URSS, etc…)
- – sa volonté de créer une extrême droite puissante afin de salir toute idée de patriotisme et de neutraliser toute résistance à l’européisme (il demanda aux media de promouvoir le FN, il relançait dans un but uniquement polémique la question du vote des étrangers à quelques jours de chaque nouvelle élection, etc.)
- – son népotisme (il plaça de nombreux membres de sa famille ainsi que des maîtresses à des postes de responsabilités)
- – la multiplication des “affaires” (Crédit Lyonnais, Frégates de Taïwan, Société Générale)
- – l’explosion du Rainbow Warrior
- – etc.
2°) UNE INDÉCENTE FOIRE D’EMPOIGNE POUR CAPTER L’HÉRITAGE
En dépit de ce bilan peu reluisant, l’époque Mitterrand apparaît néanmoins comme moins désastreuse que celle à laquelle nous vivons. C’est pourquoi ce 10 mai 2011 a été aussi l’occasion d’une véritable foire d’empoigne entre les prétendants à l’investiture socialiste pour l’élection présidentielle de 2012. C’est à qui sera le détenteur de la “Vraie Croix mitterrandiste”.
Résumons les péripéties de cette farce indécente :
a) – C’est Hollande qui “se rapproche le plus de François Mitterrand”
Chaque camp s’envoie à la tête son lot de sondages bidons : ainsi, pour le Nouvel Observateur, qui fait état de deux sondages (TNS Sofres, BVA) publiés hier 9 mai, c’est François Hollande qui serait, pour les Français, le leader socialiste qui “se rapproche le plus” de François Mitterrand. Il ferait mieux que Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry, ses rivaux potentiels pour la primaire PS.
Notons que ces pseudo “sondages” ont été “réalisés les 3 et 4 mai par téléphone auprès d’un échantillon de 975 personnes représentatif de l’ensemble de la population française âgée de 18 ans et plus”. 975 personnes par téléphone, cela fait 2 fois moins de personnes interrogées que le sondage en ligne de la Fondation Fondapol sur le sentiment des Français vis-à-vis de l’Europe (cf. notre autre article de ce jour).
b) – Non ! C’est Strauss-Kahn qui “est l’héritier le plus fidèle de François Mitterrand”
Que nenni ! Selon un sondage Ifop publié ce mardi 10 mai par France Soir, ce serait Dominique Strauss-Kahn qui apparaîtrait à nos concitoyens comme “l’héritier le plus fidèle” de François Mitterrand, devant François Hollande et Lionel Jospin.
Une enquête dont la scientificité ne fait bien sûr pas plus de doute que la précédente puisqu’il s’est agi d’une “enquête réalisée par questionnaire auto-administré en ligne sur un échantillon de 1.042 personnes âgées de 18 ans et plus”
c) – Pas du tout ! C’est Ségolène Royal “Le vrai successeur de François Mitterrand”
Ces sondages laissent de marbre d’autres caciques qui en pincent quant à eux pour Mlle Royal. “Le vrai successeur de François Mitterrand s’appelle Ségolène Royal”, a ainsi lancé l’homme d’affaires milliardaire et mécène Pierre Bergé (actionnaire du Monde), venu s’exprimer à la tribune de “l’université populaire” “Désirs d’avenir” avant-hier 8 mai.
Il faut “faire pousser de nouvelles branches sur l’arbre de la démocratie, dans le droit fil de la victoire de François Mitterrand (…) que nous fêtons aujourd’hui, et c’est tout naturel, autour de Ségolène Royal”, a ajouté Charles Fiterman, un des ministres communistes du gouvernement Mauroy (1981-1984).
d) Aubry entend “s’inspirer de la méthode” de François Mitterrand
Quant à Martine Aubry, elle n’a pas voulu manquer l’occasion de tenter de s’approprier aussi les reliques du défunt. Lors d’une ouverture au grand public du siège du PS à l’occasion de l’anniversaire du 10 mai 1981, la première secrétaire du PS a lancé :
“La France a besoin de se retrouver, de retrouver ses valeurs. Mitterrand lorsqu’il a été élu, son souci a été de réconcilier la France avec elle-même. […] On ne va pas dupliquer ce qui s’est fait mais on va s’inspirer de la méthode, de la mobilisation d’un homme qui incarnait vraiment la France et qui est entré à l’Elysée – on ne peut pas en dire autant aujourd’hui – d’un homme qui n’a jamais oublié ses valeurs et qui les a défendues”.
3°) CE QUE LA GAUCHE NE COMMÉMORERA PAS
En tentant de s’accaparer l’héritage de Mitterrand, les responsables du PS ne tisonnent pas seulement de vieux souvenirs dans l’espoir sordide d’en tirer un profit personnel.
Ils espèrent sans doute aussi leurrer les Français – et se leurrer eux-mêmes – sur le désastre historique dans lequel la France a sombré au cours des 30 dernières années. Car on sent bien que le cœur n’y est plus. Tous ces responsables du PS commémorent une époque qu’ils ont très largement contribué à détruire, celle où le vote des Français avait du sens, où les élections pouvaient changer réellement les politiques suivies, bref l’époque d’avant le traité de Maastricht et des traités ultérieurs, lorsque la France était encore à peu près maîtresse de son destin.
C’est là le grand non-dit de ces commémorations. Cette époque n’est plus parce que François Mitterrand a été l’apôtre de la construction européenne. Il a été le chantre du déclin de la France, le promoteur de l’euro et du traité de Maastricht. En bref, le fossoyeur de notre démocratie, en parfaite connivence avec les responsables de la droite RPR-UDF.
En ce 10 mai 2011, on remarquera d’ailleurs à quel point les dignitaires du PS se sont tous faits pathétiquement discrets sur ces choix européistes calamiteux. Ils ont approuvé et soutenu ces choix. Ils savent confusément qu’ils mènent la France à l’autodestruction. Mais ils ne peuvent pas les renier car ils collent désormais à leurs destins respectifs comme la tunique de Nessus.
CONCLUSION : L’OMERTA GÉNÉRALE SUR LE TESTAMENT POLITIQUE DE MITTERRAND
Enfin, il est une dernière chose, essentielle, que les responsables du PS ne commémoreront pas , pas plus que ne le feront les responsables des autres partis de droite et de gauche. C’est le remords tardif qui saisit François Mitterrand au seuil de la mort dans les toutes dernières semaines de 1995. Il livra en effet son testament politique aux Français, en se confiant ainsi au journaliste Georges-Marc Benamou :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique.
Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort…apparemment.
Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde…
C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ! »
Quelques jours avant de mourir, Mitterrand livrait ainsi le secret ultime de ce qu’il avait découvert après 14 années passées à l’Élysée. Taraudé par le remords, il comprenait enfin, au seuil de la mort, que la construction dite “européenne” n’était en réalité qu’une “guerre inconnue” menée par les Américains contre la France, dans le cadre plus global d’une volonté de “pouvoir sans partage sur le monde”.
Dans toute démocratie normalement constituée, un testament politique aussi extraordinaire fait par le chef d’Etat sortant aurait dû faire l’objet de très nombreux débats publics, de recherches journalistiques et universitaires, de programmes politiques rénovés.
Il n’en a rien été. À ce jour, l’UPR est et reste le seul mouvement politique français à avoir étudié de près ce testament politique, à en expliquer le sens aux Français et à en tirer la conclusion imparable : sous peine de succomber, la France doit sortir de l’ensemble des traités européens.
François Asselineau