Un gouvernement « de combat » ? Mais de combat contre qui ?

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Communiqué

Quatorze secrétaires d’État ont été nommés mercredi 9 avril 2014. Par rapport au précédent, l’effectif global du nouveau gouvernement passe ainsi de trente-huit à trente membres, ce qui donne une haute idée de l’utilité des 8 portefeuilles passés à la trappe.

En sus des départs déjà annoncés la semaine dernière de Vincent Peillon (Éducation nationale), Pierre Moscovici (Économie et finances) et Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement), ce sont 13 autres personnalités qui ont été priées de dégager les lieux par François Hollande et Manuel Valls.

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La République va donc devoir se passer de l’immense talent de Philippe Martin (Écologie, Développement durable et Énergie), Thierry Repentin (affaires européennes), Alain Vidalies (chargé des Relations avec le Parlement), François Lamy (délégué à la Ville), Michèle Delaunay (Personnes âgées), Dominique Bertinotti (Famille), Marie-Arlette Carlotti (Personnes handicapées), Pascal Canfin (délégué au Développement), Anne-Marie Escoffier (Décentralisation), Guillaume Garot (délégué à l’Agroalimentaire) et Hélène Conway-Mouret (Français de l’étranger). C’est à vrai dire dans l’indifférence générale que toutes ces Excellences vont retrouver le salutaire anonymat dont elles n’étaient d’ailleurs jamais sorties.

L’éviction de Yamina Benguigui (Francophonie), suspectée « d’omission d’une partie substantielle ou d’évaluation mensongère » de son patrimoine pour avoir dissimulé des actions en Belgique d’une valeur de 430 000 euros, et menacée de ce fait d’un maximum de trois ans d’emprisonnement, de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans, va lui permettre d’avoir enfin les coudées franches pour laver son honneur.

Quant au départ de Nicole Bricq, qui laisse derrière elle une traînée de scandales dans les deux ministères qu’elle a occupés (Environnement puis Commerce extérieur), elle pourra désormais se nourrir de repas plus à même de satisfaire ses délicates papilles que ceux, qu’elle jugeait publiquement « dégueulasses », servis à l’Élysée.

Le nettoyage par le vide qui vient d’être effectué est cependant très incomplet : plusieurs figures de l’équipe sortante restent dans les meubles, toute honte bue, puisqu’elles sont méchamment ravalées au rang de secrétaires d’État :

– Geneviève Fioraso est conservée à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, malgré les pétitions qui ont circulé pendant une semaine pour supplier qu’on la remplace, du fait de son incompétence attestée par tout le monde universitaire ;

– Kader Arif est gardé aux Anciens combattants alors qu’il avait annoncé, le 21 février 2013 lors d’une séance de questions au gouvernement, la libération de sept otages français enlevés au Cameroun, information qui s’était révélée fausse. Cet épisode avait crûment révélé la course au « coup de com’ » qui anime les membres inconnus du gouvernement pour « faire l’actu’ » quelques minutes à la télévision et à la radio ;

– Frédéric Cuvillier est reconduit aux Transports et va pouvoir continuer à présider au démantèlement de la SNCF. François Hollande n’a cependant pas manqué de le placer sous l’autorité de Ségolène Royal, qui a d’ores et déjà démontré par ses déclarations qu’elle était hors de tout contrôle.

– L’inénarrable Valérie Fourneyron a été exfiltrée des Sports, où ses bourdes à répétition avaient soulevé des tempêtes. La voici désormais recasée au Commerce, à l’Artisanat et à l’Économie sociale et solidaire, ce qui montre le grand cas que François Hollande fait des commerçants et artisans.

La réembauche en CDD de ces personnalités sans envergure et au bilan désastreux témoigne de l’étroitesse du vivier de « talents » dont dispose le Président de la République. Dans son entourage et sa majorité, il n’a pas trouvé mieux pour tenter de réanimer un gouvernement déjà moribond sitôt constitué.

C’est d’ailleurs ce désert de compétences qui explique qu’il soit allé chercher Jean-Pierre Jouyet pour en faire le nouveau Secrétaire général de l’Élysée. Ancien chef adjoint du cabinet de Jacques Delors à la Commission européenne, ancien directeur adjoint de cabinet du Premier ministre Lionel Jospin, et l’un des principaux artisans de l’entrée de la France dans la zone euro, Jean-Pierre Jouyet fut aussi l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy et François Fillon pour les affaires européennes.

Ces allers et retours entre “droite” et “gauche” montrent, s’il en fallait une nouvelle preuve, que le prétendu « changement » de 2012 n’était qu’un enfumage du peuple français. Comme l’avait déjà prouvé de façon éclatante la ratification du Traité de Lisbonne en février 2008 par l’UMP et une grande partie du PS, ces deux partis conduisent les affaires de la France en parfaite complicité, pour le compte de l’oligarchie euro-atlantiste.

Dès lors, les nouvelles nominations au gouvernement n’ont pas d’autre intérêt que d’observer d’un œil morne comment évolue le panier de crabes dénommé Parti Socialiste. Jean-Marie le Guen et André Vallini, qui piaffaient d’impatience depuis longtemps devant la soupe ministérielle, ont fini par décrocher la timbale, en devenant secrétaires d’État, respectivement aux relations avec le Parlement et à la Réforme territoriale. La belle affaire !

Les élus socialistes, qui paniquent à l’idée des futures législatives, ont obtenu la tête de Harlem Désir, le fade et inconsistant Premier secrétaire du PS. François Hollande lui a fait une petite place au chaud au gouvernement, mais en lui refilant pour la peine le mistigri dont personne ne veut, tant ce poste est à la fois vide de tout pouvoir et à mourir d’ennui : secrétaire d’État aux affaires européennes.

Enfin, ce n’est pas une fleur qui est faite à Mme Pellerin de la nommer au poste de secrétaire d’État chargée du Commerce extérieur sous l’autorité de Laurent Fabius. Car il ne faut rien connaître au fonctionnement de l’État pour imaginer un instant que le Quai d’Orsay pourra imposer quoi que ce soit de sérieux aux fonctionnaires du commerce extérieur qui relèvent tous, pour leur statut et leur avancement de carrière, du Ministère de l’Économie et des Finances. À défaut d’avoir pu lancer sa guerre en Syrie et en Ukraine, Laurent Fabius vient donc de déclencher une guerre contre Bercy et contre Arnaud Montebourg. Entre ces deux capitaines qui se haïssent, Mme Pellerin risque fort d’être prise entre deux feux.

Au total, la montagne du remaniement accouche donc une nouvelle fois d’une souris. Pour tenter de donner à cette pantalonnade une dimension épique, les services de presse de l’Élysée et de Matignon assurent depuis 24 heures à tous leurs interlocuteurs qu’il s’agirait d’un « gouvernement de combat ».

Mais d’un combat contre qui, sinon contre le peuple français ?

L’impasse dans laquelle se trouve François Hollande est la même que celle dans laquelle se trouvaient ses deux prédécesseurs. Quel que soit l’enrobage dans lequel on le présente, aucun remaniement ne parviendra à faire accepter durablement aux Français les politiques imposées par l’oligarchie euro-atlantiste sous couvert de « construction européenne ».