L’interview-Gag de Mario Draghi patron de la BCE par le journal Le Monde
À FORCE DE VOULOIR TROP EN FAIRE, MARIO DRAGHI SE PREND LES PIEDS DANS SES PROPRES MENSONGES
La photo représente Mario Draghi, président de la BCE, avec son habituelle tête d’enterrement. Son visage triste est en totale discordance avec l’entretien à l’eau de rose qu’il vient d’accorder au journal Le Monde ; mais il est en parfaite cohérence avec l’ambiance crépusculaire qui règne à la BCE en cet été 2012.
Dans son numéro paru le 21 juillet 2012 au soir, le journal Le Monde accorde sa Une à un entretien avec M. Mario Draghi, président de la BCE : https://www.ecb.europa.eu/press/inter/date/2012/html/sp120721.fr.html
Cet entretien mérite que l’on s’y arrête et qu’on le lise de près, tant il est révélateur de la propagande autistique dans laquelle s’enfonce cette caste européiste aux abois, dont Mario Draghi est l’un des premiers représentants.
Je reprends donc ci-dessous l’intégralité de l’entretien de Mario Draghi, question par question, que je fais suivre à chaque fois de mon commentaire personnel.
ENTRETIEN DE MARIO DRAGHI – LE MONDE 21/07/2012
LE MONDE : De sommets européens en Eurogroupes, la crise de la zone euro continue d’affoler. Jusqu’à présent, seules les actions de la Banque centrale européenne (BCE) ont semblé apaiser les marchés. Aujourd’hui on lui reproche de ne pas en faire plus. Mario Draghi, son président, s’en explique.
QUESTION 1 : Le Fonds monétaire international (FMI) a révisé à la baisse ses prévisions de croissance dans le monde à cause de l’Europe. Risquons-nous une récession ?
MARIO DRAGHI : Non. Depuis le début de l’année, les risques de détérioration de l’économie que nous redoutions se sont certes en partie matérialisés. La situation a graduellement empiré, mais pas au point de plonger l’ensemble des pays de l’Union monétaire dans la récession. Nous envisageons toujours une amélioration très progressive de la situation à la fin de cette année ou au début de la suivante.
=> MON COMMENTAIRE :
M. Draghi ment de façon enfantine. Ce serait comique si ce n’était pas aussi scandaleux et grave.
Je rappelle que le Fonds Monétaire International (FMI), qui est pourtant l’un des principaux soutiens à l’euro, a lui-même publié des prévisions catastrophiques il y a 6 jours. Il a publié le 15 juillet des prévisions de croissance de -0,3% pour 2012 pour l’ensemble de la zone euro. N’en déplaise à M. Draghi et à ses mensonges, c’est très exactement ce que l’on appelle une récession.
En outre, le FMI ne cesse de réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2013 : même si il les laisse en apparence positives pour tenter d’influer positivement sur les anticipations des acteurs économiques, il vient d’abaisser les
+ 0,9 % prévus en 2013 à + 0,7 %. N’en déplaise à M. Draghi et à ses mensonges, c’est la preuve d’une détérioration en cours et non pas d’une amélioration.
Notons au passage que les dernières estimations sur la croissance espagnole prévoient une récession plus sévère encore que prévu en 2014, du fait des mesures récessives que tente d’imposer le gouvernement Rajoy sur le peuple espagnol qui n’en veut pas
(cf. mon article récent sur les manifestations en Espagne).
La probabilité que la zone euro soit globalement en récession est certaine pour 2012, probable pour 2013, et fort possible pour 2014. Voilà la vérité.
QUESTION 2 : Grâce à la BCE ?
MARIO DRAGHI : Les baisses de taux d’intérêt de la fin 2011 et de juillet devraient produire leurs effets. Ainsi que les opérations de prêts à trois ans aux banques menées pour faire face à un risque de restriction du crédit.
=> MON COMMENTAIRE :
Mario Draghi affirmant que la situation s’améliore alors qu’elle empire, la question des journalistes qui fait suite à son mensonge est d’une veulerie et d’une complaisance qui laisse pantois.
Des journalistes dignes de ce nom auraient dû rétorquer à M. Draghi qu’il les prenait pour des imbéciles et lui opposer les chiffres du FMI et de tous les analystes privés de conjoncture. Mais pas les journalistes du Monde. Eux, ils se contentent gentiment de la langue de bois de leur interlocuteur.
Le ton est ainsi donné pour le reste de l’entretien : il ne s’agit pas d’un exercice d’information honnête et critique mais d’une mise en scène propagandiste.
La réponse de Mario Draghi est à la mesure de cette mise en scène. Elle n’a guère de sens.
QUESTION 3 : La BCE ne devrait pas, comme le demande le FMI, faire davantage pour soulager l’économie ?
MARIO DRAGHI : Nous sommes très ouverts et n’avons pas de tabous. Nous avons décidé de réduire les taux d’intérêt à moins de 1 % car nous prédisions que l’inflation serait proche ou inférieure à 2 % début 2013. Il est désormais probable qu’elle reflue dès fin 2012.
Notre mandat est de maintenir la stabilité des prix pour éviter une inflation trop élevée mais aussi une baisse généralisée et globale des prix. Si nous constatons de tels risques de déflation, nous agirons.
=> MON COMMENTAIRE :
Cette question sur le FMI est encore une question de complaisance.
Néanmoins, la réponse de M. Draghi n’en est pas moins un nouveau mensonge car si la BCE a baissé ses taux d’intérêt, ce n’est nullement parce que les taux d’inflation reculent ! C’est parce que le continent est au bord d’une récession catastrophique, du fait des politiques imposées par les traités et par la Commission européenne.
Il eût été beaucoup plus intéressant d’interroger M. Draghi sur ce qu’il pense de la lettre de démission fracassante de M. Peter Doyle, conseiller du département Europe du FMI, qui a donné sa démission le 18 juin en ces termes (extraits) :
« Après 20 ans de service, j’ai honte d’avoir été associé au FMI.
Ce n’est pas uniquement à cause de l’incompétence qui a été partiellement décrite dans le rapport OIA au sujet de la crise mondiale et par le rapport TSR sur les systèmes de surveillance lors de l’entrée dans crise de la zone Euro. Plus encore, c’est parce que les difficultés essentielles dans ces crises, comme cela a été le cas pour d’autres, avaient été identifiées bien avant mais ont été déniées par le FMI. […] Ceci a pour conséquences que beaucoup, y compris la Grèce, souffrent (et risquent bien pire à l’avenir), que la deuxième monnaie mondiale de réserve est au bord du gouffre, et que le FMI ces deux dernières années s’est cantonné a courir après les conséquences et a cherché à réagir sans les ultimes efforts pour la sauver.
De plus, les paramètres qui ont directement produit ces défaillances du système de surveillance du FMI, à savoir la répugnance à prendre des risques, les priorités bilatérales et le parti pris européen, deviennent de fait plus profondément enracinés en dépit d’initiatives qui prétendent les confronter. Ceci est particulièrement clair dans le cas des individus nominés au poste de directeur exécutif, choix qui au cours des dix dernières années, ont été bien évidemment désastreux. »
[ Source : http://www.okeanews.fr/fmi-la-lettre-de-demission-de-peter-doyle-traduction]
« Défaillances du système de surveillance » du FMI, « euro au bord du gouffre », « parti pris européen » du FMI, « choix désastreux » des directeurs généraux du FMI….. Il eût été intéressant de demander à M. Draghi ce qu’il pense de ce diagnostic terrible produit par un économiste chevronné ayant 20 ans d’ancienneté au FMI.
Y a-t-il d’ailleurs quelque chose à répondre ?
QUESTION 4 : Le Conseil européen des 28 et 29 juin a été salué par les marchés qui depuis ont exprimé des doutes…
MARIO DRAGHI : Le sommet a été un succès. Pour la première fois, me semble-t-il, un message clair a été donné : sortir de la crise avec plus d’Europe. En mettant en place une feuille de route pour créer une union à quatre composantes : financière, fiscale, économique et politique. Avec des outils concrets : une union financière, un superviseur bancaire, des fonds de secours à même de recapitaliser les banques quand cette supervision sera en place. Et un calendrier de mise en œuvre.
=> MON COMMENTAIRE :
Il est assez cocasse de lire cette question sous la plume des journalistes du Monde puisque leur journal s’est particulièrement distingué par des compte-rendus délirants d’optimisme sur le prétendu « succès » du Conseil européen des 28 et 29 juin.
Je rappelle que Le Monde du 29 juin a ainsi osé titré en première page que « L’Europe du sud fait plier Mme Merkel ».
À part la faire plier de rire, MM. Hollande, Monti et Rajoy ont surtout été roulés dans la farine comme des Pieds Nickelés, la suite l’a amplement montré.
Quant à M. Draghi, il reprend à son compte sans vergogne le bobard du « succès ». Les « outils concrets » dont il parle n’existent toujours pas et leur logique est stupide dans leur essence puisqu’il s’agit de rembourser des dettes en creusant d’autres dettes et en mutualisant le désastre à l’échelle du continent.
Quant au « calendrier de mise en œuvre », il s’agit probablement d’humour noir. Alors que la situation en Grèce et en Espagne risque de se traduire par un défaut de paiement dans les 24 heures, le Tribunal de Karlsuhe a annoncé qu’il rendrait son verdict dans 3 mois (le 12 septembre).
Du reste, chaque jour qui passe montre que les dirigeants des différents pays ne sont d’accord sur rien : ni les montants, ni les garanties, ni les bénéficiaires, ni le calendrier, etc.
Et bien entendu, M. Draghi fait silence sur le fait que l’Allemagne conservera de toute façon la maîtrise totale du processus (au FESF puis au MES), comme j’ai eu l’occasion de le rappeler récemment :
https://www.upr.fr/actualite/france-europe/mes-allemagne-klaus-regling-europe
QUESTION 5 : Ce sont des solutions de long terme. Ne faut-il pas aussi gérer l’urgence ?
MARIO DRAGHI : Laissez-moi vous parler de mon expérience. En 1988, le comité Delors avait tracé la voie vers l’Union monétaire, avec un objectif, un calendrier, des engagements à respecter. Cette perspective a débouché sur le traité de Maastricht en 1992.
À l’époque, les taux d’emprunts de l’Italie étaient très élevés. Mais ils se sont brusquement réduits, avant même que ne diminue le déficit, qui était à 11 %, du PIB, lorsque l’Italie s’est engagée dans ce projet d’Union monétaire. Cela m’incite à penser que, si les pays s’engagent de façon ferme, même à long terme, cela a des effets sur le court terme.
=> MON COMMENTAIRE :
Si quelqu’un a compris le rapport entre la réponse de Mario Draghi et la question qui lui a été posée, merci de me l’expliquer. Il fait ici allusion à une situation vieille de 24 ans, dans un contexte économique, politique, monétaire et d’endettement public n’ayant à peu près aucun rapport avec la situation actuelle.
Le degré de mépris de M. Draghi pour l’intelligence de ses lecteurs est phénoménal.
Au moment où les taux d’intérêt sur les obligations italiennes explosent, et où leur différentiel avec les taux d’intérêt obtenus par l’Allemagne est la preuve de l’explosion à venir de l’euro, venir parler de la situation d’il y a un quart de siècle est ahurissant.
QUESTION 6 : On reproche à la BCE de ne pas en faire plus pour les États. Attend-elle que les gouvernements fassent des efforts avant d’agir ?
MARIO DRAGHI : Cette idée d’un marchandage entre les États et la BCE est un quiproquo. Notre mandat n’est pas de résoudre les problèmes financiers des États mais d’assurer la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité du système financier en toute indépendance.
=> MON COMMENTAIRE :
Pour une fois, je suis assez d’accord avec M. Draghi. Ce n’est pas aux dirigeants de la BCE qu’il faut adresser ce genre de reproches, c’est aux concepteurs du traité de Maastricht. On ne peut pas reprocher à M. Draghi de ne pas faire quelque chose que le traité a demandé à la BCE de ne pas faire !
Je rappelle que l’article 282 du TFUE précise que :
« alinéa 2 : le Système européen de banques centrales (SEBC) est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne. L’objectif PRINCIPAL du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. »
« alinéa 3 : La Banque centrale européenne a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. Elle est indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance. »
En clair, les traités ne donnent donc à la BCE :
– aucun objectif de taux de change externe de l’euro
– aucun objectif de plein emploi
– aucun objectif de maintien des industries sur le sol national
– aucun objectif de taux de croissance
– mais un seul objectif : la stabilité des prix.
QUESTION 7 : Que pensez-vous du pacte de croissance cher à M. Hollande ?
MARIO DRAGHI : Il aidera sûrement. Mais il faut aller plus loin, chaque Etat doit aussi faire des efforts.
=> MON COMMENTAIRE :
Une réponse en trois mots : « Il » – « aidera » – « sûrement ».
Chapeau !
Sauf à être carrément insultant pour le pauvre François Hollande, il était difficile à M. Draghi de montrer plus ouvertement à quel point il se contrefiche du “pacte de croissance cher à M. Hollande”.
Ce n’est pas très charitable mais c’est logique : M. Draghi est bien placé pour savoir que ce “pacte de croissance” est une pure fumisterie : un mot ronflant pour enfumer les Français, mais qui ne recèle aucun véritable contenu. Des mots.
Ces 3 mots assénés, Mario Draghi change aussitôt de sujet. Façon de dire à ses interlocuteurs : « Soyons sérieux, ne perdons pas notre temps avec le “pacte” pour rire de votre pantin, et passons à autre chose, voulez-vous ? »
Rarement dans notre histoire, le chef de l’exécutif français aura été considéré avec autant de désinvolture par les dirigeants étrangers. De Washington à Berlin et de Francfort à Rome, les dirigeants occidentaux ont vite compris que le nouveau président de la République française est un politicard sans envergure et étonnamment insignifiant.
Dans ces sphères-là, on sait que M. Hollande a pour objectif principal d’être un bon élève aux yeux de l’oligarchie euro-atlantiste qui l’a fait élire grâce au verrouillage total des grands médias français. On ne perd donc pas son temps à faire semblant d’accorder quelque importance à semblable personnage.
QUESTION 8 : Vous pensez à des réformes structurelles plus qu’à de la relance keynésienne ?
MARIO DRAGHI : Oui, même si on se focalise trop souvent sur la réforme du marché du travail qui ne se traduit pas toujours par une amélioration de la compétitivité, car les entreprises profitent parfois de monopoles ou de rentes de situation. Il faut aussi regarder les marchés de produits et services et libéraliser quand c’est nécessaire.
Politiquement, ce sont des décisions difficiles à prendre. Un agenda européen et un renforcement de la prise de décisions communes au niveau européen aideraient grandement dans ces domaines.
=> MON COMMENTAIRE :
Rien de nouveau sous le soleil. Les journalistes sont encore une fois de connivence éhontée avec Mario Draghi puisqu’ils lui posent une question dont tout le monde sait – ou devrait savoir – qu’elle a été tranchée par les traités européens depuis des années.
Les « réformes de structure » sont exigées par les européistes comme des ritournelles depuis deux décennies, notamment en vertu des Grandes Orientations de Politique Économique (GOPÉ) dont le principe est fixé par l’article 121 du TFUE. Je renvoie à ma conférence sur 10 RAISONS DE SORTIR DE L’UE : https://www.upr.fr/videos/conferences/10-raisons-sortie-de-l-union-europeenne
QUESTION 9 : C’est donc la victoire des thèses libérales ?
MARIO DRAGHI : Non. Mettre fin à certaines rentes de situation est une question de justice, pour les employés et les entrepreneurs et pour tous les citoyens.
=> MON COMMENTAIRE :
Mario Draghi ment encore. Car si, bien sûr !, c’est très exactement la victoire des thèses libérales.
Cela étant, les journalistes mentent tout autant que lui puisqu’ils font semblant de s’en étonner alors que, comme je viens de le dire, tout ceci est fixé depuis belle lurette par les traités européens et les “recommandations” de la Commission européenne (cf. par exemple le Rapport COM (2003) du 8 avril 2003 concernant les Grandes orientations des politiques économiques des États-membres (période 2003-2005), pour le cas spécifique à la France).
QUESTION 10 : Que pensez-vous de la politique menée en France ?
MARIO DRAGHI : Je me félicite de la poursuite de l’assainissement budgétaire et salue aussi la priorité accordée à la croissance potentielle qui posera les jalons de la reprise. Le désendettement est indispensable. Et le pays doit respecter son engagement d’un retour du déficit à 3 % du PIB en 2013 et ainsi continuer de profiter de taux d’intérêt faibles.
=> MON COMMENTAIRE :
C’est encore et toujours la langue de bois européiste. Elle n’a pas changé depuis l’édiction des critères de Maastricht il y a 20 ans. Avec le succès que l’on voit !
Il s’agit donc de continuer….
QUESTION 11 : Vous êtes l’un des hommes les plus influents d’Europe mais vous n’êtes pas élu. Cela ne pose-t-il pas un problème de légitimité démocratique ?
MARIO DRAGHI : Je suis conscient de l’importance de rendre des comptes. Je vais une petite dizaine de fois par an devant le Parlement européen, et nous sommes très actifs en termes de communication. Nous sommes prêts à faire davantage, si nos pouvoirs devaient être renforcés.
Dans les conditions extraordinaires actuelles, il est nécessaire de voir la BCE prendre position sur des questions qui ne peuvent pas être réglées par la politique monétaire, comme celles des déficits publics élevés, du manque de compétitivité ou des déséquilibres insoutenables, dès lors que la stabilité financière peut courir un risque. La préservation de l’euro fait partie de notre mandat.
=> MON COMMENTAIRE :
Cette réponse est un véritable scandale puisque M. Draghi confond délibérément le principe de « légitimité démocratique » avec le simple fait de « rendre des comptes », et même, plus simplement encore, d’être « très actifs en termes de communication ».
En passant ainsi par pertes et profits les principes fondamentaux de l’élection, du libre débat et du libre choix entre des programmes électoraux radicalement différents, du respect de la volonté majoritaire mesurée par les urnes, et en croyant avoir une légitimité démocratique parce qu’il est « très actif en termes de communication », M. Draghi jette le masque : c’est tout bonnement un partisan de ce que l’on appelle en bon français : la dictature.
Tous les dictateurs, de tous les pays, réagissent d’ailleurs exactement de la même façon que M. Draghi lorsqu’une équipe de journalistes d’un média à leurs bottes vient les interroger : ils expliquent tous qu’ils font le bien de leur peuple, qu’ils consacrent beaucoup de temps à rendre des comptes, etc., etc.
Mais, de libre débat contradictoire, d’un renvoi des équipes dirigeantes, et d’un changement de politique à 180°, il n’est évidemment jamais question.
Je note par ailleurs que M. Draghi invoque ici le fait que la préservation de l’euro fait partie de son mandat pour justifier que la BCE prenne position sur des questions éminemment politiques, comme celles des déficits publics, du manque de compétitivité ou des déséquilibres.
On ne saurait trouver de meilleur aveu que le fait que M. Draghi craint que l’euro n’éclate. (cf. question 17 ci-infra).
QUESTION 12 : Quand vous êtes arrivé à la tête de la BCE, vous étiez considéré comme le plus Allemand des Italiens. C’est toujours le cas ?
MARIO DRAGHI : C’est à vous de le dire ! Nous devons maintenir la stabilité des prix dans les deux sens, faire face aux problèmes tels qu’ils se posent et agir sans préjugés.
=> MON COMMENTAIRE :
À question sotte et obséquieuse, réponse sotte.
QUESTION 13 : D’une certaine façon, vous êtes très allemand quand vous soutenez les appels à l’Union politique lancés par Angela Merkel…
MARIO DRAGHI : Tout mouvement vers une union financière, budgétaire et politique est à mon sens inévitable et conduira à la création de nouvelles entités supranationales.
Dans certains pays, le transfert de souveraineté – je préfère parler de partage – que cela implique est un enjeu majeur, dans d’autres, non. Avec la mondialisation, c’est précisément en partageant la souveraineté que les pays peuvent mieux la conserver. A long terme, l’euro doit être fondé sur une plus grande intégration.
=> MON COMMENTAIRE :
La question des journalistes est encore une fois sotte. La réponse l’est moins, mais elle a de quoi soulever l’indignation. M. Draghi, qui n’a jamais de sa vie été élu par qui que ce soit, et qui a grandi à l’ombre de Goldman Sachs, somme les peuples d’Europe de procéder à de nouveaux abandons de ce qui leur reste de souveraineté.
Au fond, cette réponse est inquiétante sur la santé mentale de ce petit milieu d’apparatchiks, complètement déconnectés des réalités.
Car ils semblent penser vraiment qu’au moment où tout s’écroule, les peuples vont tomber d’accord pour se ruiner et abolir la démocratie afin de sauver une monnaie qui ne leur a apporté que des malheurs.
QUESTION 14 : Une sortie de Grèce de la zone euro est-elle d’actualité ?
MARIO DRAGHI : Notre préférence, sans équivoque, est que la Grèce reste dans la zone euro. Mais c’est du ressort du gouvernement grec. Il a fait part de son engagement, il doit maintenant donner des résultats. Quant à la renégociation du mémorandum [pour assouplir les réformes imposées au pays], je ne prendrai aucune position avant d’avoir vu le rapport de la “troïka”.
=> MON COMMENTAIRE :
Cette réponse est essentielle pour qui sait lire.
Car non seulement M. Draghi n’écarte pas du tout l’hypothèse que la Grèce puisse sortir de l’euro, mais il n’évoque même désormais qu’une simple « préférence ». Et il renvoie au gouvernement grec pour la suite…
Mine de rien, l’aveu est énorme.
Car, pour bien mesurer le chemin parcouru, il faut se rappeler que l’idée même que la Grèce puisse sortir de l’euro un jour était considérée, il y a encore quelques mois, comme une hérésie absolue en France.
Je suis personnellement bien placé pour savoir que cela suffisait à se voir chasser des médias (sauf bien sûr si l’on s’appelait Marine Le Pen, puisque l’objectif des médias était de faire croire que l’on ne pouvait pas émettre l’hypothèse de sortir de l’euro sans être ipso facto d’extrême droite).
QUESTION 15 : Les ministres des finances de la zone euro ont finalisé vendredi 20 juillet le plan d’aide aux banques espagnoles. Est-ce suffisant pour éviter un naufrage du pays ?
MARIO DRAGHI : Une chose importante concerne l’implication des créanciers seniors des banques : la BCE considère qu’elle doit être possible en cas de liquidation d’une banque. Il faut protéger les épargnants, mais les créanciers devraient être associés à la résolution de la crise pour limiter l’engagement des contribuables. Ils ont déjà beaucoup payé.
=> MON COMMENTAIRE :
Cette volonté d’impliquer les créanciers semble technique mais elle est très importante. Car le souci de M. Draghi et du clan qui dirige l’UE est de faire tout leur possible pour éviter les mises en défaut de paiement officiel de tel État ou de telle banque. Si un créancier est mis devant le fait accompli d’un défaut de paiement, celui-ci est alors prononcé et les conséquences juridiques et politiques sont colossales. Si en revanche, les créanciers font mine de renoncer eux-mêmes à une grande partie de leurs créances, le défaut de paiement n’est pas constaté.
Comme je l’ai rappelé dans l’un de mes derniers articles, c’est le subterfuge qui a été trouvé pour sauver les apparences avec le plan de sauvetage de la Grèce. Rappelons-nous que les banques ont fait semblant de renoncer de leur propre initiative à quelque 75 % de leurs créances.
En bref, voilà à quoi en est réduit le patron de la BCE : à s’inquiéter de savoir comment sauver les apparences en cas de prochaine faillite bancaire…
Notons au passage que les propos de M. Draghi prouvent qu’il n’exclut pas du tout une prochaine « liquidation d’une banque ». Une ou plusieurs ?
QUESTION 16 : Pensez-vous partir serein en vacances cet été ?
MARIO DRAGHI : Je ne prévois jamais mes vacances et ne pars que quelques jours. Une chose est certaine, je n’irai pas en Polynésie, c’est trop loin.
=> MON COMMENTAIRE :
Pour qui sait lire entre les lignes, cela signifie que Mario Draghi :
a)- n’est pas « serein ». Sinon, il l’aurait dit aux journalistes au lieu de répondre par une esquive.
b)- craint que les semaines qui viennent ne soient très mouvementées sur l’euro. D’où la nécessité de ne pas s’éloigner de Francfort. C’est le sens de la remarque incongrue sur la Polynésie.
Mais à part ça, tout va bien et la situation s’améliore, comme il nous l’a dit en réponse à la question 1 !
QUESTION 17 : L’euro est donc toujours en danger ?
MARIO DRAGHI : Non, absolument pas. On voit des analystes imaginer des scénarios d’explosion de la zone euro. C’est méconnaître le capital politique que nos dirigeants ont investi dans cette union et le soutien des Européens. L’euro est irréversible !
=> MON COMMENTAIRE :
Mario Draghi achève ici de se déconsidérer car son propos n’a plus aucun sens.
D’un simple point de vue logique, comment peut-il en effet affirmer que « l’euro est irréversible » alors qu’il vient de passer une partie de l’entretien à expliquer justement que ce n’était pas le cas ?
Je renvoie ici notamment à ses réponses :
– à la question 11 (« Il est nécessaire de voir la BCE prendre position sur des questions [politiques] » car « la préservation de l’euro fait partie de notre mandat »)
– à la question 14 (« Notre préférence, sans équivoque, est que la Grèce reste dans la zone euro. Mais c’est du ressort du gouvernement grec. »)
Si la BCE donne ses instructions pour sauver l’euro conformément à son mandat et si la BCE laisse au gouvernement grec le soin de choisir si la Grèce va ou non sortir de l’euro, c’est bien la preuve aveuglante que l’euro n’est justement pas « irréversible ! »
En bref, et à vouloir trop en faire dans la propagande, Mario Draghi se prend les pieds dans ses propres mensonges.
J’ajoute que le seul argument de M. Draghi pour justifier cette belle assurance est ce que l’on appelle une “tautologie”, c’est-à-dire un raisonnement en boucle : à savoir qu’il affirme que l’euro serait irréversible… parce que les responsables politiques en auraient décidé ainsi. Cela ne prouve évidemment rien du tout.
CONCLUSION : UN NUMÉRO DE CLOWN TRISTE
Lorsque l’on achève de lire cet entretien, on reste sidéré par le numéro de propagande indigne qu’il représente.
Car enfin !
Les soi-disants “journalistes” du Monde n’ont même pas demandé à M. Draghi ce qu’il pensait de l’évolution cataclysmique des soldes divergents des comptes des États de l’euro-zone dans Target 2.
Ils ne l’ont pas davantage interrogé sur l’évolution insoutenable à très court terme des taux d’intérêt sur les obligations à 10 ans entre les États de l’euro-zone.
Pourtant, la semaine qui vient de s’achever nous fournit un panorama éloquent et sans précédent :
a)- d’un côté les taux de l’Allemagne (taux des obligations à 10 ans : 1,167 %) et de la Finlande (taux des obligations à 10 ans : 1,407 %) viennent de battre des records à la baisse. Les Pays-Bas (taux des obligations à 10 ans : 1,594 %), l’Autriche (taux des obligations à 10 ans : 1,890 %) et la France (taux des obligations à 10 ans : 2,073 %) bénéficient aussi de taux très bas.
b)- de l’autre côté, les investisseurs internationaux fuient les Etats européens périphériques. L’Italie a un taux de ses obligations à 10 ans de 6,166 % et l’Espagne un taux de ses obligations à 10 ans de 7,271 %, ce qui est un record historique, j’en ai parlé dans un long article précédent.
Au moment où toute la planète financière s’attend donc à des événements violents sur la zone euro, le prétendu “quotidien de référence” français nous sert un entretien à l’eau de rose, tellement édulcoré et mensonger qu’il en est bouffon.
D’un commun accord entre ce clown triste et les salariés du journal Le Monde, tous les sujets brûlants sont évacués, toutes les oppositions politiques sont ignorées, tous les drames sociaux et humains sont tus, et tous les risques imminents d’éclatement de l’euro sont balayés d’un revers de la main comme s’il s’agissait d’enfantillages.
M. Draghi, et tous les responsables européistes qui l’entourent, ne sont au fond que des responsables aux abois. Devant l’étendue du désastre qu’ils ont créé de toute pièce, ils devaient avoir au moins la décence de se taire.
François ASSELINEAU