Royaume-Uni : pourquoi l’on se dirige vers un Brexit sans accord.
L’élection – attendue – de Boris Johnson au poste de Premier ministre a douché les espoirs de ceux qui croyaient encore à une remise en question du Brexit. Le Brexit aura bien lieu, n’en déplaise aux Européistes.
Celui qui fut le leader de la campagne Leave en 2016 et qui fut maire de Londres pendant 8 ans a surpris les observateurs par un score plus élevé qu’attendu, en obtenant les deux tiers (66,4 %) des 160 000 voix des membres du parti conservateur.
À en croire les grands médias, Boris Johnson est une personnalité atypique et « controversée ». Mais quelle personnalité politique n’est pas « controversée », selon les grands médias, dès lors qu’elle s’oppose au dogme de la construction européenne ? Quel que soit le jugement qu’il peut susciter, il n’en demeure pas moins que son capital de sympathie auprès du peuple britannique n’a pas été entamé. Ceci malgré les nombreuses tentatives de ses opposants pour le discréditer et l’empêcher d’accéder à la fonction suprême (cf. l’affaire du bus de campagne qui aurait affiché un coût mensonger de l’UE pour le Royaume-Uni, l’affaire de son algarade avec sa compagne, etc.).
Plus de trois ans après le vote des Britanniques pour sortir de l’Union européenne, il est plus que temps que cette décision se concrétise, sauf à considérer que la démocratie n’existe plus au Royaume-Uni. L’accord de sortie-sans-sortie négocié, pour ne pas dire saboté, par Theresa May ayant été définitivement enterré, Boris Johnson peut désormais utiliser tous les moyens à sa disposition pour faire sortir le Royaume-Uni de l’UE le 31 octobre 2019.
À commencer par la menace d’une sortie sans accord (le fameux « no-deal »), hypothèse systématiquement écartée par le gouvernement précédent, et aujourd’hui option la plus vraisemblable.
Sans surprise, quelques heures à peine après la nomination de Boris Johnson, le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, annonçait que l’UE ne renégocierait pas l’accord de Theresa May avec le Royaume-Uni. Le ton était donné. Avec un hard brexiter au pouvoir il est désormais improbable que l’UE se montre coopérative et accepte de faire les concessions qu’elle a toujours refusées sous l’ère Theresa May. Comme Michel Barnier le rappelait le 24 juillet 2019 : « L’UE est prête pour un no-deal ».
L’autre élément qui va jouer en faveur d’un no-deal est le temps.
Il reste désormais moins de 98 jours avant la date du 31 octobre pour parvenir à un accord (en supposant que cela soit faisable). Après deux ans passés à tergiverser sur les conditions du retrait, il semble exclu que l’UE et le Royaume-Uni puissent négocier et ratifier un accord en moins de trois mois. D’autant plus que les vacances parlementaires, d’un côté, et le discours d’ouverture de la Reine marquant le début de la session parlementaire, de l’autre côté, pourraient venir perturber le calendrier et réduire encore le peu de temps disponible.
Enfin, Boris Johnson a dit et redit pendant toute la campagne électorale qu’il concrétisera le Brexit pour le 31 octobre. Mieux encore, il a enfoncé le clou lors de son premier discours en tant que Premier ministre, devant le 10 Downing street et la presse du monde entier : « Les gens qui parient contre la Grande-Bretagne vont y laisser leur chemise parce que nous allons restaurer la confiance en notre démocratie. Et nous allons réaliser les promesses répétées du Parlement au peuple et sortir de l’Union européenne le 31 octobre, point à la ligne. »
Sauf à se déconsidérer complètement, Boris Johnson a donc désormais l’obligation absolue de respecter cette échéance.
Il le doit aussi s’il veut sauver son parti conservateur d’une déroute historique aux prochaines élections législatives, une déroute qui laisserait du même coup le champ libre aux Travaillistes de l’opposition.
Il le doit encore s’il veut ôter la raison d’être du très populaire Brexit party de Nigel Farage et s’il veut regagner la confiance des électeurs au prochain scrutin.
En bref, Boris Johnson n’a donc pas d’autre choix que d’appliquer une politique très stricte à l’égard de l’UE si les conditions de retrait demeurent substantiellement inchangées et ne sont pas satisfaisantes pour le Royaume-Uni.
C’est pourquoi il n’a logiquement pas repris dans son gouvernement les ministres anti-Brexit qui y pullulaient sous Theresa May (à commencer par le Chancelier de l’Échiquier Philip Hammond, véritable « taupe » anti-Brexit).
C’est pourquoi il a aussi nommé des partisans du Brexit de longue date a des postes clés du gouvernement :
- Dominic Raab, ancien Secrétaire d’État pour la sortie de l’Union européenne, qui avait claqué la porte devant l’accord négocié par Theresa May, devient ministre des Affaires étrangères,
- tandis que Jacob Rees-Mogg, ardent brexiter, obtient les postes éminents de Leader de la Chambre des communes et Lord président du Conseil.
De façon moins visible, Boris Johnson s’entoure de conseillers résolument favorables à un Brexit sans accord, comme Daniel Moylan ou Dominic Cummings.
Certes, Boris Johnson peut maintenant faire face à une motion de censure de la part des députés rebelles ou de l’opposition pour empêcher un retrait sans accord. Mais une telle initiative ne serait pas sans risques pour ces mêmes députés, qui risqueraient fort de perdre leur siège à la prochaine élection pour avoir tenté de faire dérailler le Brexit.
Par ailleurs, selon David Jones (député conservateur pour la circonscription de Clwyd West que j’ai personnellement rencontré), les possibilités légales pour le Parlement de bloquer un no-deal décidé par le gouvernement pro-Brexit de Boris Johnson sont très limitées. Il faudrait pour cela que le gouvernement soit disposé à modifier la législation, donnant la possibilité au Parlement de prendre le contrôle sur le processus de sortie. Ce qui est hautement improbable.
Reste la question irlandaise, pierre d’achoppement de la stratégie de Theresa May. Pour Owen Paterson, député conservateur pour la circonscription du North Shropshire et ancien Secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, avec lequel je me suis également entretenu, il existe des solutions immédiatement disponibles et applicables pour éviter le retour d’une frontière physique entre les deux Irlande. Par exemple, l’utilisation de technologies permettant des contrôles à distance (comme celles utilisées aux Pays-Bas pour les porte-conteneurs) serait privilégiée. Les contrôles de flux par échantillonnage sont également envisagés.
Enfin, en cas de sortie sans accord, le Royaume-Uni continuera d’appliquer les directives européennes à moyen terme afin de limiter les possibles perturbations aux frontières.
Certes, les trois ans écoulés ont réservé tant de rebondissements qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours. Cependant, et contrairement aux prophéties d’Apocalypse, le Brexit sans accord de sortie apparaît aujourd’hui comme la seule solution viable, possible, et raisonnable pour résoudre la crise ouverte par le référendum du 23 juin 2016 en faveur du Brexit.
Comme l’a rappelé Boris Johnson sur le perron du 10 Downing street, c’est aussi le moyen de « restaurer la confiance en notre démocratie. »
Comme le disent aujourd’hui les millions de Britanniques qui ont voté majoritairement pour le Brexit il y a 3 ans, et qui sont ulcérés que leur vote n’ait toujours pas été suivi d’effet : Keep calm and carry on Boris* !
Le Royaume-Uni va larguer les amarres. Il ne reste plus à Boris qu’à tenir le cap.
Dimitri de VISMES
Délégué de l’UPR pour le Royaume-Uni
26 juillet 2019
* Traduction « Reste calme et va de l’avant, Boris »
François Asselineau, président de l’Union populaire républicaine. La France doit se libérer de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan.