=== NON-ASSISTANCE À PEUPLE FRANÇAIS EN DANGER === Les ravages provoqués par l’ouragan Irma aux Antilles françaises révèlent le scandale des choix budgétaires de Macron.

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Mis sur cale le 15 décembre 1980 aux Ateliers Français de l’Ouest de Grand-Quevilly (Seine-Maritime), le bâtiment de transport léger (BATRAL) Dumont d’Urville avait été admis au service actif le 4 février 1983.

Le lundi 19 juin 2017, ce bâtiment – qui était le dernier des cinq BATRAL de type Champlain de la Marine nationale -, a appareillé de la base navale de Fort-de-France (Martinique) pour un dernier déploiement en direction de la métropole où il a été désarmé, après 34 années de service.

Du fait des restrictions budgétaires continuelles affectant le ministère de la Défense, que Macron a spectaculairement décidé d’aggraver encore cet été, la marine nationale ne dispose plus, actuellement, de navire comparable dans les Antilles.

Alors que l’une des tâches essentielles de ce type de navire est de porter secours aux populations en cas de catastrophes naturelles, cette absence se fait cruellement sentir après que l’ouragan Irma, d’une force prodigieuse, vient tout juste de dévaster les îles françaises de Saint Martin et de Saint-Barthélémy.

Il est utile de revenir sur le rôle exact de ce genre de bâtiment afin de mieux faire comprendre le scandale national que représente la politique de Sarkozy, Hollande et Macron vis-à-vis du budget des armées.

1) Le Batral Dumont d’Urville avait contribué à assurer la présence de la France dans le Pacifique sud pendant 27 ans.

Affecté initialement à Papeete en Polynésie française du 13 juin 1983 au 9 novembre 2010, le BATRAL a participé à de nombreuses missions de présence et de renfort en Nouvelle-Calédonie (en raison de la situation intérieure de l’époque), mais également à des missions de soutien et de secours aux populations locales dans tout le Pacifique sud.

Le Batral Dumont d’Urville embossé dans la “baie invisible” à Ua Huka, archipel des Marquises (mai 1999).

 

En particulier, le Batral Dumont d’Urville a :

  • a) porté assistance aux populations des Samoa occidentales frappées par les cyclones Ofa puis Peni (1990)

En février 1990, les grandes îles des Samoa occidentales (au centre du Pacifique sud) furent frappées par le cyclone Ofa, suivi peu après par le cyclone Peni qui affecta également la Polynésie française mais dans une moindre mesure. Avec des rafales de vents à plus de 200 km/h, le territoire des Samoa fut gravement endommagé.

La France envoya alors le Batral Dumont d’Urville pour une mission d’assistance humanitaire. Le navire quitta le port de Papeete (Tahiti) le 21 février avec un lot de médicaments et accosta à Apia, capitale des Samoa occidentales le 26 février. Sa mission consista à transporter du personnel et du matériel de premier secours entre les deux îles principales des Samoa, Sava’i et Upolu, (distantes de 17 km), soulageant ainsi grandement le seul ferry qui était encore disponible.

Mission humanitaire aux Samoa occidentales réalisé par le Batral Dumont d’Urville suite au passage des cyclones Ofa puis Peni en février 1990.

 

b) porté assistance aux populations des Îles Australes (Polynésie française) après le passage de la dépression tropicale William (1995)

c) porté assistance aux populations des îles-sous-le-Vent (Polynésie française) après le passage des cyclones Martin et Osea (1997)

d) assuré le sauvetage de l’équipage du cargo Vae Anu en avarie sur les récifs de l’île de Tahaa (Polynésie française, 1998)

e) mené des missions à caractère scientifique

Parmi elles, figure le soutien logistique crucial apporté par le Batral Dumont d’Urville à l’association Salomon pour des recherches archéologiques sous-marines sur l’ile de Vanikoro (Îles Salomon) afin d’éclaircir une partie du mystère de la disparition de la célèbre mission de La Pérouse en 1788.

Louis XVI donnant des instructions à La Pérouse, le 29 juin 1785″ : Tableau de Nicolas-André Monsiau exposé au Château de VersaillesL’expédition confiée par Louis XVI en 1785 à Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse, est considérée comme le plus grand voyage d’exploration scientifique jamais organisé par la France du XVIIIe siècle. Sa fin tragique marqua durablement les esprits, nul ne sachant ce qu’il avait pu advenir de La Pérouse, des deux navires et de leur équipage après que l’on eut constaté – à partir de 1788 – que l’expédition ne faisait plus relâche dans des ports connus et n’envoyait plus aucune  nouvelle. Selon une anecdote à l’authenticité invérifiable, Louis XVI, passionné par la marine et l’exploration des mers, aurait demandé à ses gardiens, avant de monter sur l’échafaud le 21 janvier 1793 : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ? ». Cinq ans après la disparition subite et mystérieuse, celle-ci continuait en effet toujours à faire l’objet de tous les espoirs et de toutes les interrogations. Le lieu de la disparition ne commença à être soupçonné qu’à partir de près de quarante ans après, lorsque le capitaine marchand Peter Dillon découvrit en 1826 les premiers restes du naufrage à Vanikoro, archipel des Îles Santa Cruz (archipel des Îles Salomon), au nord de l’actuelle République du Vanuatu. Plusieurs plongées sur le site permirent de localiser les épaves dans les années 1960, ainsi que plusieurs missions d’archéologie sous-marine, conduites par l’association Salomon, entre 1981 et 2009, avec l’appui logistique indispensable du Batral Dumont d’Urville de la marine nationale. On a trouvé aujourd’hui des preuves de survie de quelques rescapés de l’expédition La Pérouse et de nouveaux indices suggèrent désormais que certains marins seraient parvenus à quitter l’île de Vanikoro.

Le Batral Dumont d’Urville de la marine nationale sur le lieu du naufrage des navires La Boussole et L’Astrolabe au large de l’île de Vanikoro (Îles Salomon), en 2008.

Une équipe de plongeurs archéologues embarquée à bord du Batral Dumont-d’Urville sur le site du naufrage de La Pérouse en 1788.

Les fouilles sur le site du naufrage de La Pérouse.

La partie inférieure d’une bonbonnière du XVIIIe siècle retrouvée sur par les recherches sous-marines conduites depuis le Batral Dumont d’Urville sur le lieu du naufrage de l’expédition de La Pérouse.

Un graphomètre retrouvé dans les épaves de l’expédition La Pérouse, au large de Vanikoro.

Émouvante médaille représentant Louis XVI et Marie-Antoinette retrouvée sur le lieu du naufrage de l’expédition de La Pérouse.

La présence de la marine française permet aussi de rendre des services aux populations locales. Sur ce cliché, on voit Jean-Pierre Thomas, médecin embarqué à bord du Batral Dumont d’Urville, soigner les plus jeunes patients de l’île de Vanikoro. Ce type d’action, très appréciée localement, fait partie intégrante d’une diplomatie de terrain intelligente et d’une politique de rayonnement de l’image de la France dans le monde.

 

2) Le Batral Dumont d’Urville avait contribué à assurer la présence de la France dans la Caraïbe pendant 7 ans.

Parti le 9 novembre 2010 de Polynésie, le Batral Dumont d’Urville a rallié une nouvelle affectation : Fort-de-France en Martinique, qu’il a atteint le 14 décembre 2010 après une navigation de 40 jours à travers l’océan Pacifique.

Agissant en mission interalliés ou en mission nationale, le Batral Dumont d’Urville a démontré, durant 7 ans (jusqu’en juin 2017), la pertinence de ses capacités en termes de secours aux populations (transport de troupes, de matériels et de véhicules notamment), en exercice comme en opérations réelles.

Bâtiment amphibie, le BATRAL a également réalisé de nombreuses missions de reconnaissance, lui permettant d’ouvrir de nouveaux sites de plageage et d’entretenir des sites existants afin de conforter la capacité des FAA à projeter des moyens, avec ou sans infrastructures portuaires, dans la quasi-totalité des îles des petites Antilles.

Comme on le voit parfaitement bien sur cette photo prise en Martinique, le Batral Dumont d’Urville permettait d’aborder des plage sans aucune infrastructure portuaire, notamment pour porter des secours (vivres, médicaments) aux populations ou pour embarquer des malades ou des blessés.

 

Être en mesure de mener des opérations de secours d’urgence (assistance humanitaire, catastrophe naturelles) est en effet une des deux missions principales des forces armées aux Antilles.

Le Dumont d’Urville a été par exemple utilisé lors de l’alerte cyclonique suite au passage de la tempête tropicale, transformée en ouragan classe 4 ensuite, appelée Matthew en 2016.

Comme tout bâtiment de la Marine nationale, le Dumont d’Urville a également été un ambassadeur de choix pour représenter la France, la Martinique, la ville du Carbet et les forces armées aux Antilles à travers la Caraïbe et ses escales à l’étranger dont Cuba, Puerto Rico, Saint Domingue, Aruba ou encore la Barbade pour n’en citer que quelques-unes.

Dans les îles françaises du Nord (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe et ses dépendances), le Dumont d’Urville aura participé aux missions de souveraineté des forces armées aux Antilles, et démontrer la capacité de projection et la réactivité d’intervention des militaires basés en Martinique.

 

3) Les ravages provoqués par l’ouragan Irma révèlent le scandale des choix budgétaires de Macron

Face au désastre qui a frappé Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le départ de Martinique, il y a à peine plus de deux mois, du navire qui aurait été probablement le plus utile aujourd’hui apparaît comme un véritable scandale, et cela d’autant qu’il n’a pas de remplaçant pour cause de réductions budgétaires.

Comme déjà précisé, le Batral Dumont d’Urville était spécialement conçu pour la projection de troupes et de matériel dans les territoires ultramarins, avec une coque lui permettant de s’échouer sur une plage afin d’y débarquer hommes et véhicules.

Long de 80 mètres, équipé d’une grue pour la manutention de lourdes charges, de petits chalands de débarquement et d’une plateforme hélicoptère, le bâtiment était capable d’embarquer une cargaison de plusieurs centaines de tonnes, dont une douzaine de véhicules. De plus, il effectuait régulièrement des exercices, appelés Cyclonex, dédiés précisément aux interventions en cas de cyclone, y compris là où les infrastructures portuaires étaient devenues inutilisables.

À titre d’exemple, le Batral Francis Garnier était intervenu après le séisme ayant ravagé Haïti en 2010, et le Batral Dumont d’Urville (qui lui avait succédé) y était retourné cinq fois avec du fret humanitaire en 2011, 2014 et 2017.

Avec le désarmement du Batral Dumont d’Urville il y a deux mois, Macron, le Premier ministre et la ministre des armées (Mme Parly, originaire du Budget) ont pris délibérément la responsabilité :

  • a) de retirer ce moyen capital de sauvetage des populations après le passage d’un ouragan
  • b) de faire disparaître une expertise très importante dans ces situations critiques de cataclysme naturel.

Le passage dévastateur de l’ouragan Irma sur Saint-Barthélémy et Saint-Martin vient de révéler aux Français – sur cette question comme sur déjà tant d’autres – les erreurs de gestion colossales et l’amateurisme criminel de Macron et de son gouvernement de pieds-nickelés.

Images du désastre provoqué par le passage de l’ouragan Irma sur l’île française de Saint-Barthélémy le 6 septembre 2017. La marine nationale ne dispose plus du navire idoine pour y faire face.

Passage de l’ouragan Irma sur l’île franco-néerlandaise de Saint-Martin.

Scènes de désolation après les ravages provoqués par l’ouragan Irma sur l’île de Saint-Martin.

Avec le départ non encore remplacé du Batral Dumont d’Urville, La marine nationale est privée de son moyen d’intervention essentiel pour faire face à ce type de catastrophes naturelles.

 

4) Macron , Philippe, Collomb et Parly coupables de non-assistance à populations en danger

Pour succéder aux Batral, un autre type de bateau a vu le jour, le bâtiment multi-missions (B2M), issu d’un compromis intégrant la nécessité de disposer d’une plateforme plus adaptée aux longues patrouilles en mer. Le nouveau modèle dispose d’importantes capacités logistiques, sans pouvoir, contrairement à son aîné, effectuer des manœuvres de “plageage”. Il peut transporter des conteneurs et des véhicules, dont des bulldozers, mais doit les débarquer à quai ou sur une barge, son unique chaland, de petite taille (9 mètres), n’étant dimensionné que pour un engin léger de type 4×4.

Si le remplacement des anciens Batral par des B2M a été acté dès 2014, avec la commande de trois nouvelles unités pour Nouméa, Papeete et La Réunion, la succession du Dumont d’Urville aux Antilles était loin d’être acquise. Il a fallu que la marine national bataille dur pour l’obtenir. Une demande frappée du sceau du bon sens et finalement acceptée, avec l’ajout d’un quatrième B2M.

Toutefois, alors que la livraison des trois premiers bâtiments est intervenue en 2016/2017, la commande du quatrième n’a été notifiée qu’en janvier dernier (sous la présidence de François Hollande), renvoyant sa mise en service à la fin 2018. (source ici)

Entretemps, la planification de la mise en retraite du Dumont d’Urville avait été intégrée au budget des armées – encore amputé par Macron – et le bâtiment s’en est donc allé cet été, laissant comme on dit chez les militaires un « trou dans la raquette » dans le dispositif antillais.

Résultat ?

Quelques jours après le passage de l’ouragan Irma, les populations de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy sont dans un état d’extrême colère contre les autorités publiques. Et elles ont raison de l’être. Non seulement la marine nationale n’a plus le bâtiment idoine, mais les dysfonctionnements de l’appareil d’État sont devenus béants.

Gendarmes, militaires, préfectures, sont de plus en plus  dépourvus à la fois de moyen et, constamment ignorés sinon méprisés par les dirigeants politiques, sont également de plus en plus démotivés.

Cette situation de débandade et d’impréparation générale donne lieu à l’explosion de la criminalité sur place et à la floraison de rumeurs, notamment la rumeur (fausse, semble-t-il), selon laquelle 250 détenus de la prison de Saint-Martin auraient profité de la destruction de leur prison pour s’enfuir et commettre des crimes.

Quoi qu’il en soit, le cynisme ambiant, l’absence de crédits budgétaires dans tous les ministères qui désorganise complètement l’Etat, et la personnalité de plus en plus odieuse du dandy maquillé et méprisant de l’Élysée, constituent un cocktail ravageur dont portent témoignage, notamment :

a) cette vidéo d’un certain Hervé Meunier, qui fait actuellement le buzz sur Internet :

 

b) cette vidéo d’une résidente de Saint-Martin qui circule aussi beaucoup sur Internet et qui dénonce les scène de pillage qui ont lieu dans l’île après le passage de l’ouragan :

 

c) cette réaction des journalistes guadeloupéens, extrêmement remontés contre Macron, son gouvernement et ses représentants.

CONCLUSION : Macron va bientôt devoir affronter un ouragan politique.

Des « trous dans la raquette », il y en a malheureusement de plus en plus dans les armées françaises, et dans tous les services de l’Etat.

L’absence de l’ancien Batral Dumont d’Urville, ou celle de son successeur, constitue le symbole d’un sommet de l’État complètement défaillant. Car cette capacité fait véritablement défaut au moment où il faut gérer l’une des pires catastrophes naturelles ayant frappé la région.

Il en va de même pour l’armée de l’Air, qui avait auparavant un avion de transport lourd Transall positionné aux Antilles et qui doit maintenant se contenter d’un petit Casa, aux capacités bien limitées.

Il en va de même pour l’armée de Terre, qui ne dispose plus sur place d’hélicoptères de manœuvre, les deux Puma mobilisés actuellement provenant de Guyane.

Ce constat accablant met en lumière l’extrême faiblesse – pour ne pas dire la quasi-disparition – des ressources militaires françaises dans la région caraïbe.

Cette situation, ce n’est un secret pour personne, est essentiellement liée à de nombreuses vagues de restrictions budgétaires qui, au fil du temps, ont réduit les moyens. Une décrue que les élus locaux, notamment, ne cessent de dénoncer depuis des années. Et qui n’est aujourd’hui pas sans conséquence puisque ce sont précisément ces moyens, positionnés au plus près, qui sont censés intervenir en premier avant l’arrivée des renforts métropolitains.

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Au total, sur ce dossier comme sur bien d’autres, Macron va bientôt devoir rendre des comptes, et cela d’autant plus que son incompétence notoire et son narcissisme maladif lui font désormais commettre erreur sur erreur.

 

 

Tout se met ainsi en place pour que Macron affronte bientôt un ouragan politique bien plus dévastateur encore que l’ouragan Irma.

François Asselineau

10 septembre 2017