GESTION DU COVID-19 : Gouvernement et Conseil d’État préférant développer l’anxiété plutôt que défendre les libertés publiques, la situation risque de dégénérer.
Résumé : Tout en interdisant théoriquement la généralisation absolue du port du masque en extérieur, le Conseil d’État a laissé en pratique la liberté aux Préfets de l’imposer pour des motifs non-scientifiques. Les autorités laissent ainsi se développer un discours anxiogène, complètement déconnecté de la réalité vécue par les habitants et par les personnels soignants.
Car dans les hôpitaux, on ne constate pas l’Apocalypse sanitaire décrite par le gouvernement et relayée par les grands médias.
Cette situation insensée, quasiment hors de contrôle, est en train de détruire l’économie du pays, de piétiner les libertés publiques, et de soulever un vent de révolte général.
La situation risque maintenant de dégénérer, comme on le voit en région PACA.
Introduction : face à la Covid-19, où en est-on du point de vue du droit ?
Le Conseil d’État était saisi de deux recours contre les décisions rendues par le Tribunal administratif de Lyon et celui de Strasbourg, ensuite de deux requêtes en référé liberté tendant à vouloir suspendre et à modifier l’arrêté du 31 août 2020 par lequel le préfet du Rhône, motivé par la prévention des risques de propagation de l’épidémie du Covid-19, a imposé le port du masque de protection sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public pour les personnes âgées de 11 ans au moins sur les territoires des villes de Lyon et de Villeurbanne.
Une autre requête en référé consistait à demander la suspension et à ordonner la modification de l’arrêté préfectoral du Bas-Rhin rendu le 28 août 2020, lequel consistait, pour le même motif que le précédent, à imposer le port du masque à compter du 29 août 2020 jusqu’au 30 septembre 2020 à tout piéton âgé d’au moins 11 ans sur la voie publique et dans l’ensemble des lieux ouverts au public dans différentes communes, exception faite des personnes en situation de handicap muni d’un certificat médical justifiant de cette dérogation .
Le Tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de modifier les arrêtés critiqués et d’édicter de nouveaux arrêtés afin d’exclure l’obligation du port du masque :
- d’une part dans les communes concernées qui ne sont pas caractérisées par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du Covid-19,
- d’autre part pendant les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n’existe.
Le Tribunal administratif de Strasbourg, quant à lui, a pris une décision quasi identique avec une motivation analogue portant sur les circonstances locales, sur la période horaire et la forte densité de population susceptibles de favoriser la propagation du Covid-19.
Autrement dit, le juge administratif a exercé un contrôle de proportionnalité entre le risque sanitaire encouru et les atteintes à deux libertés fondamentales :
- celle d’aller et venir librement
- et la protection de la vie privée.
Le Conseil d’État a par deux Ordonnances statuant en référé jugé que « les Préfets du Bas Rhin et du Rhône pouvaient imposer le port du masque constatant que la circulation du Covid-19 augmentait dans les deux départements et que porter un masque peut être imposé dans un périmètre cohérent englobant les zones dans lesquelles le risque de contamination est le plus fort ».
Le Conseil d’État relève également que la détermination des plages horaires dans lesquelles le port du masque est obligatoire doit tenir compte de la contrainte que cela représente pour les habitants qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun, dans les établissements scolaires et universités et sur leur lieu de travail.
Le Conseil d’État a donc validé l’obligation de porter le masque sur l’ensemble du territoire de Lyon et de Villeurbanne. En revanche, le préfet doit prévoir une dispense pour les activités physiques ou sportives.
Le Conseil d’État a validé également l’arrêté du préfet du Bas-Rhin.
Toutefois, le préfet doit prendre en considération le fait que dans certaines communes moins densément peuplées et dont les centres ville sont faciles à délimiter, le port du masque ne peut être imposé sur l’ensemble du territoire.
1 – Une délégation – trop large – consentie au Préfet
Aux termes des dispositions de l’ Article L3131-1 du code de la santé publique modifié par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 :
« En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d’assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire.
Le ministre peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures font immédiatement l’objet d’une information du procureur de la République ».
Dans un second temps, le § 1de l’article I° de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire autorise le Premier ministre à compter du 11 juillet 2020 et jusqu’au 30 octobre 2020 à réglementer la circulation des personnes dans l’intérêt de la santé publique et aux seuls fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Cet article précise que : « Le Premier ministre peut habiliter les Préfets à prendre toutes mesures générales et individuelles d’application. Toutefois, ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai, lorsqu’elles ne sont plus nécessaire. »
D’ores et déjà, cette latitude d’action dans la lutte contre la Covid-19 laissée à l’administration préfectorale pose question, en ce qu’elle pourrait conduire à une application différenciée de la loi et des incohérences entre les territoires.
On observe d’ailleurs depuis la fin août l’émergence de tensions entre les élus locaux, les Préfets et l’administration d’État, rappelées encore hier, 23 septembre 2020, par les échanges de mots très durs entre les Mairies d’Aix-en-Provence et Marseille d’une part et le Ministre de la Santé d’autre part auxquels ont pu assister des français médusés.
C’est dans ce contexte que l’analyse de l’arrêt du Conseil d’État rendu le 6 septembre 2020 présente un intérêt particulier.
2 – Les juges administratifs de première instance ont joué leur rôle
Rappelons que le juge administratif exerce un contrôle de proportionnalité entre les interdictions et contraintes imposées à la population et le risque sanitaire encouru.
Les critères à prendre en considération sont, au regard du texte précité :
- Le caractère approprié des mesures au regard des circonstances de temps et de lieu ;
- leur caractère provisoire.
C’est précisément ce qu’avaient fait les juges administratifs de Strasbourg et de Lyon en enjoignant les préfets du Rhône et du Bas Rhin d’édicter un nouvel arrêté excluant l’obligation du port du masque dans certaines communes et pendant les périodes horaires qui ne sont pas caractérisées par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la propagation du Covid-19, laissant un délai aux Préfets pour reprendre un arrêté conforme.
3 – Le Conseil d’État a globalement donné raison au gouvernement en suivant des motivations douteuses
En prenant des arrêtés d’interdiction ou de restriction de libertés, les préfets prennent des actes de police administrative soumis au contrôle du juge administratif.
Le Conseil d’État statuant en cause d’appel, qui est à la fois la juridiction suprême administrative et conseil du gouvernement a relevé dans sa décision du 6 septembre 2020 que le port du masque peut être imposé dans un périmètre cohérent englobant les zones dans lesquelles le risque de contamination est le plus fort puisque la circulation du Covid-19 s’accélérait dans les deux départements.
Le Conseil d’État argue de ce que :« La lisibilité d’une obligation, comme celle de porter le masque sont nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les habitants »
Ainsi, si le Conseil d’État effectue formellement son contrôle en considérant que le masque ne doit en théorie pas être imposé dans l’espace public de manière générale et absolue, il a considéré qu’il est justifié que le port du masque soit imposé dans des périmètres suffisamment larges pour englober de façon cohérente les zones à risque, afin que les personnes qui s’y rendent connaissent facilement la règle applicable et ne soient pas inciter à enlever puis à remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie.
Autrement dit, le Conseil d’État admet une justification autre que médicale à l’imposition du port du masque dans tout l’espace public des villes denses : celle fondée sur la lisibilité de l’interdiction pour les citoyens.
Autrement dit, le Conseil d’État s’est prononcé en suivant une considération frisant l’ingénierie sociale, arguant en creux que les Français seraient trop bêtes pour s’astreindre à porter le masque dans les seuls lieux où les contacts ne sauraient réellement être évités.
Pour la même raison, les horaires de l’obligation peuvent être définis de façon uniforme pour toute commune, voire pour l’ensemble du département.
En délégant aux Préfets la possibilité de mettre en œuvre les mesures de sortie de crise sanitaire, le Premier ministre prétend vouloir adapter ces mesures avec les spécificités locales.
Par sa décision, le Conseil d’État permet aux Préfets d’imposer le port du masque dans un périmètre large et à des horaires uniformes.
Certes, la cour suprême administrative a astreint les Préfets à un contrôle minimal, leur imposant de tenir compte des circonstances locales et de les justifier.
En conséquence, si les Préfets disposent d’un pouvoir de police générale pour réglementer la libre circulation des personnes dans le département et l’obligation pour elles de porter un masque, ce pouvoir n’est toutefois pas absolu.
C’est toujours cet exercice subtil et peu aisé que le juge administratif doit faire et qui consiste en permanence à concilier des libertés individuelles et des impératifs d’ordre public telle que la santé publique.
Les motifs de la décision du Conseil d’État posent question, puisque le Conseil semble avoir démonétisé le principe d’interdiction d’une généralisation absolue du port du masque en extérieur immédiatement après l’avoir énoncé, permettant aux Préfets de justifier cette obligation non par des seules considérations de santé publique, mais pour s’assurer du respect de l’obligation, lorsque celui-ci est nécessaire, par une population jugée inapte de déterminer avec bon sens quand le masque peut présenter un intérêt ou non.
4 – Gouvernement et Conseil d’État fuient leurs responsabilités de défenseurs des libertés publiques
Que retenir alors de tout cela ?
Premièrement, qu’en diluant les responsabilités par de larges délégations aux Préfets comme il le fait, au risque de créer une application de la loi « à la carte » en fonction des territoires sans justification sanitaire réelle, le gouvernement cherche surtout à se déresponsabiliser.
Il faut dire que la crise sanitaire avait été gérée dans ses débuts d’une façon calamiteuse, le gouvernement faisant valoir dans un premier temps que le port du masque n’était pas utile et qu’il ne fallait rien changer à nos habitudes en dépit des exemples chinois et italien qui faisaient des milliers de morts au plus fort de la crise.
Ceci pour dissimuler, bien sûr, notre incapacité à produire des masques et des tests en nombre suffisant.
Puis on nous a expliqué ensuite qu’il était impératif de porter un masque et qu’il fallait que nous restions chez nous…
Deuxièmement, que le Conseil d’État exerce un contrôle de proportionnalité a minima alors que sont en jeu des libertés fondamentales, celles d’aller et venir et le respect de la vie privée.
En effet, il faut rappeler qu’au mois de mars et avril 2020, seules les personnes hospitalisées et dans un état grave étaient testées. Or, il est fallacieux et intellectuellement malhonnête de dire que la circulation du Covid19 a augmenté, puisqu’en définitive au pic de la pandémie la population n’était pas testée dans son ensemble.
Le Conseil d’État aurait dû exercer son contrôle sur des éléments vérifiables et comparables, c’est-à-dire sur le taux de létalité engendré par le virus et non sur une prétendue augmentation de sa circulation.
Force est d’admettre que les conseillers d’État ont voulu se dégager de toute responsabilité morale dans cette affaire au cas où le taux de mortalité aurait été amené à augmenter.
Pourtant, les deux arrêtés préfectoraux ont été pris pour une durée déterminée, et il était toujours possible, si la situation vient à s’aggraver de prendre des arrêtés plus contraignants : c’est ce qu’ont démontré les faits, des durcissements sérieux de la règlementation dans certains départements, aboutissant dans deux départements à un début de reconfinement qui ne dit pas son nom, ayant été annoncés hier.
CONCLUSION : La situation risque de dégénérer
La faiblesse du contrôle exercé par le Conseil d’État ne peut conduire qu’à voir s’accumuler des troubles à l’ordre public parce que les décisions sanitaires sont prises dans des cénacles fermés, de façon autoritaire et arbitraire, sans concertation avec les élus ni avec les personnels soignants sur le terrain.
Ces décisions erratiques et brouillonnes sont prises sur des coups de tête, par un gouvernement qui préfère entretenir un climat systématiquement anxiogène plutôt que d’encourir le reproche de n’avoir pas été assez prudent.
Au moment où ces lignes sont achevées, la toute dernière décision prise par Olivier Véran de fermer autoritairement les restaurants et bars de Marseille et d’Aix-en-Provence est d’ailleurs en train de mettre le feu au poudre.
Non seulement cette décision a été prise sans la moindre concertation avec les élus locaux, mais elle scandalise tout le monde : élus de toutes étiquettes politiques, professionnels de la restauration, personnels soignants, nombreux habitants. Car l’alarmisme qui la motive – relayé par les préfets et les ARS – semble complètement disproportionné par rapport à la situation réelle.
Le président de la région PACA, Renaud Muselier, vient ainsi d’annoncer qu’il va déposer ce 25 septembre, avec des restaurateurs et des cafetiers, « un recours en référé liberté devant le tribunal administratif de Marseille contre tout acte restreignant l’exercice de la liberté d’entreprendre, d’industrie et du commerce de façon disproportionnée » .
Très en colère également, la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, s’est fait menaçante en déclarant que « la parole du gouvernement n’est aujourd’hui plus crédible. Faites très attention aux décisions que vous allez prendre car vous devrez en répondre. Nous, élus locaux, ne sommes pas là pour aggraver la situation, bien au contraire. Mais comment voulez-vous que j’explique à une population de 150 000 habitants que l’on confine économiquement notre territoire alors même que nous avons 8 personnes en réanimation et 11 patients COVID hospitalisés » ?
La maire d’Aix a d’ailleurs mis les points sur les i avec une virulence extrême. Estimant que “ça va trop loin” et que le gouvernement est en train d’instaurer “un climat anxiogène”, elle assure que “Les gens ne vont plus vouloir mettre leurs enfants à l’école, les commerçants vont faire faillite ! Il faut calmer les gens, ils font tout le contraire… Là on dérape, moi je dis: ferme-là Véran ! La haute administration est en train de devenir folle.”
Médecin de profession, la maire de Marseille, Michèle Rubirola, a fait part elle aussi de sa « colère » devant « une décision pour laquelle la Mairie de Marseille n’a pas été consultée. Rien dans la situation sanitaire ne justifie cette annonce. Je n’accepte pas que les Marseillais soient victimes de décisions politiques que personne ne peut comprendre. »
Bref, du fait que Gouvernement et Conseil d’État fuient leurs responsabilités et ne défendent plus vraiment les libertés publiques et la liberté du commerce, un vent de révolte générale est en train de se lever face au gouvernement.
Emmanuel Macron devrait y faire très attention.
Bruno AUBRY
Avocat et consultant
Membre du Bureau national de l’UPR
Responsable national de l’UPR pour la Justice
25 septembre 2020
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