Les GOPÉ, ou comment nos gouvernements sont subordonnés à la Commission européenne (suite) La preuve par l’histoire
Depuis le 10 mars 2017, alors que débutait la campagne pour la présidentielle, et à chacune de ses interventions, le candidat François Asselineau évoque le dernier rapport « COM(2016)330 » des grandes orientations des politiques économiques (GOPÉ) émis par la Commission européenne.
Lors de son intervention du 31 mars sur le plateau de LCI, François Asselineau soulignait que les autres candidats persistaient à ne jamais aborder ce sujet. Il en fut de même lors du grand débat du 4 avril entre les 11 candidats.
Certains commentateurs se sont au mieux contentés de prétendre que ce rapport ne comporte que des « recommandations », et que les gouvernements seraient donc libres de s’y soustraire. Ainsi, dans l’émission Écorama du 20 mars dernier, un soi-disant économiste et directeur de l’OFCE a prétendu à propos de ce rapport qu’il « n’en a pas connaissance », pour ensuite expliquer que ce ne sont que des recommandations, et de conclure de façon hallucinante (à 10 min 20) que « le reproche des souverainistes, ce n’est pas tellement que la France est aux ordres de Bruxelles, mais c’est que Bruxelles n’exerce pas suffisamment son souverainisme européen » !…
Or dans un récent article nous démontrions, preuves à l’appui, que nos gouvernements :
- appliquent systématiquement ces prétendues « recommandations » ;
- sont dans l’obligation de le faire ;
- rendent des comptes à la Commission en publiant un programme national de réforme (PNR).
Nous dévoilions ainsi en quoi le programme national de réforme 2016 (PNR 2016) répondait aux GOPÉ 2015.
Dans un autre article, Charles-Henri Gallois1 met au jour les mesures que tout prochain gouvernement devra appliquer (sauf si François Asselineau est élu), en application des GOPÉ 2016, et leurs conséquences sur le peuple français.
Nous allons donc vous exposer ci-après un petit échantillonnage des mesures prises, sur ordre de Bruxelles, par nos pseudo-gouvernements antérieurs.
Pour le PNR 2015, en réponse aux GOPÉ 2014 :
Pour le PNR 2014 (cf. annexe p. 93 et suiv.), en réponse aux GOPÉ 2013 :
Pour le PNR 2011‑2014 (cf. annexe p. 61 et suiv.) :
Et ainsi de suite, on peut remonter dans le temps pendant des années. Cela n’a rien d’étonnant, puisque la notion de GOPÉ est évoquée dès 1992 dans l’article 103 du traité de Maastricht, du reste très similaire à l’article 121 du TFUE.
Cependant, plus on remonte dans le temps, et moins ces recommandations apparaissent comme fournies et spécifiques à chaque pays de l’UE (exemple en 1999).
Il semble donc que ce soit depuis le traité de Lisbonne que la Commission européenne se montre nettement plus autoritaire vis-à-vis des politiques nationales des différents pays de l’UE. Les règles du jeu étaient de toute façon clairement annoncées à la signature du traité de Lisbonne, comme l’indiquait ce communiqué de presse de la Commission du 7 juin 2011, soit un an et demi après son entrée en vigueur :
Enfin, il ne faut pas ignorer que les GOPÉ ne concernent pas uniquement la France, mais que chaque pays membre de l’UE reçoit, chaque année, ses ordres de Bruxelles (exemple4).
Pour résumer :
Quelques mesures non exhaustives émanant directement des GOPÉ | |||
Référence GOPE | Mesure prise | Mise en œuvre juridique | Preuve |
2015 | Baisse de la dotation aux CL4 | Baisse de la dotation aux CL4 | Cf. PNR 2016 p. 133 |
Possibilité de déroger à l’obligation de négocier annuellement les salaires | Loi Rebsamen | Cf. PNR 2016 p. 135 | |
« Modernisation » du code du travail | Loi El Khomri du 9/8/16 | Cf. PNR 2016 p. 135 | |
2014 | Allongement durée de cotisation, hausse des cotisations et report de la date de revalorisation des pensions | Réforme des retraites 2014 | Cf. PNR 2015 p. 161 |
Pour les collectivités locales : Mise en place d’un objectif d’évolution de la dépense publique locale, baisse des concours financiers de l’état aux CT2, réforme de la DGF3 | PLF1 2015, 2016 et 2017 pour la baisse des dotations | Cf. PNR 2015 p. 161 | |
Division par deux du nombre de régions. Incitation et facilitation des fusions de communes | Création de métropoles, division par deux du nombre de régions métropolitaines | Cf. PNR 2015 p. 161 | |
Transferts de compétences des départements vers les régions. Prévision du transfert obligatoire de compétences communales vers les intercommunalités | Loi NOTRe | Cf. PNR 2015 p. 162 | |
Suppression de certains monopoles de distribution des pharmaciens. | Loi du 17/3/14 relative à la consommation | Cf. PNR 2015 p. 165 | |
Modernisation de la règlementation relative aux taxis et VTC | Loi relative aux taxis et VTC | Cf. PNR 2015 p. 165 | |
Hausse de la TVA | Hausse au 1/1/14 | Cf. PNR 2015 p. 167 | |
Réforme ferroviaire | Loi du 4/8/14 | Cf. PNR 2015 p. 167 | |
Libéralisation du transport par autocar | Loi Macron du 6/8/15 | Cf. PNR 2015 p. 167 et PNR 2016 p. 140 | |
Flexibilisation du marché du travail | Loi de sécurisation de l’emploi 14 juin 2013 | Cf. PNR 2015 p. 168 | |
2013 | Réforme de la décentralisation | Loi du 27/1/14 | Cf. PNR 2014 p. 94 |
2010 | Report de 2 ans de l’âge de liquidation de pension | Loi de réforme des retraites du 10/11/10 | Cf. PNR 2011-2014 p. 62 |
Légende :
1 – Projet de Loi des Finances
2 – Collectivités Territoriales
3 – Dotation Globale de Fonctionnement
4 – Collectivités Locales
Conclusion :
Le choix d’un espace économique sans frontières intérieures et l’abandon des monnaies nationales impliquent nécessairement d’harmoniser les politiques économiques des pays de l’UE, au risque de le faire au forceps et de bafouer tous les principes démocratiques5.
Cette union a également renoncé à ses frontières extérieures. L’ensemble ainsi constitué, même dans l’hypothèse, illusoire, où il accéderait à une parfaite homogénéité interne, demeurerait en concurrence frontale avec les économiques périphériques. Ces dernières étant largement moins développées sur le plan des normes sociales et environnementales, cette confrontation oblige inéluctablement l’UE à tirer tout vers le bas, dans une course à l’échalote suicidaire pour les peuples européens. On appelle ça la « compétitivité »…
Extrait débat 4 avril 2017
Notes :
[1] Responsable national de l’UPR chargé des questions économiques.
[2] Pour plus de précisions sur la mise en application des GOPÉ 2014 : https://www.upr.fr/actualite/europe/les-gope-grandes-orientations-politique-economique-feuille-route-economique-matignon.
[3] Observez qu’en 2011 le gouvernement annonce un programme de réforme pour la période allant jusqu’à 2014, même si entre-temps ont lieu des élections présidentielles…
[4] Il est intéressant d’observer dans l’adresse internet de ce document (http://ec.europa.eu/europe2020/making-it-happen/country-specific-recommendations/2011/index_fr.htm) l’expression « making it happen » que l’on pourrait traduire en français, et sans novlangue européiste, par : « à force, ça finira bien par marcher ».
[5] « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés » J.-C. Juncker.
Guillaume PELLISSIER DE FÉLIGONDE