Le mythe du couple franco-allemand – Traité de l’Elysée
LES 50 ANS DE MYSTIFICATION DU TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND DE L’ÉLYSÉE
Partie 1 – La vidéo explicative
Signature du traité franco-allemand dit “de l’Élysée” le 22 janvier 1963. De gauche à droite, assis autour de la table :
- Gerhrard Schroeder, ministre des affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne
- Konrad Adenauer, chancelier de la République fédérale d’Allemagne, en train de signer le traité
- Charles de Gaulle, président de la République française, en train de signer l’autre copie du traité
- Georges Pompidou, Premier ministre de la République française
- Maurice Couve de Murville,ministre des affaires étrangères de la République française
Une observation minutieuse de la photo donne l’impression que les deux ministres des affaires étrangères, allemand et français, prennent un air absent, ou songeur. Comme s’ils savaient déjà parfaitement, l’un et l’autre, que ce traité serait vidé de sens par la partie allemande lors de sa ratification quelques mois après.
Le 22 janvier 2013 marquera donc le 50ème anniversaire de la signature de ce traité et l’on peut prévoir que les plus hautes autorités françaises vont vouloir « fêter » cet événement.
Les médias vont certainement consacrer quelques émissions ou articles de presse pour relayer ces commémorations, chanter les louanges du prétendu « couple franco-allemand » « malgré-quelques-ratés », et surtout pour en tirer argument sur la prétendue nécessité de « poursuivre-la-construction-européenne-malgré-les-difficultés-actuelles ».
Comme antidote au nouveau déferlement de propagande à prévoir, nous mettons en ligne un dossier spécial sur les « 50 ans du traité de l’Élysée », afin d’expliquer à nos lecteurs :
- 1) ce que recherchait le fondateur de la France Libre en négociant et signant ce traité : déjouer la stratégie de domination américaine dite de « construction européenne » en tentant de la faire échapper à la vassalisation par Washington grâce à une alliance franco-allemande,
- 2) comment les Américains – avec la totale duplicité des Allemands – ont aussitôt contrecarré la stratégie gaullienne, en vidant la substance de ce traité, pour replacer délibérément la « construction européenne » sous les ordres de Washington.
Dans cette Partie 1, nous présentons une brève vidéo explicative de moins de 12 minutes (11’45”), (montée, illustrée et extraite de la longue conférence de François Asselineau « Qui gouverne la France et l’Europe »).
Par ailleurs, nous rappelons à nos lecteurs qu’ils peuvent replacer cette explication dans une perspective plus générale, en visionnant l’ensemble de la conférence.
Le passage concernant plus spécifiquement la question du traité de l’Élysée se trouve dans le 2ème épisode de cette conférence.
Partie 2 – 15 pièces à conviction pour démonter la propagande :
À l’occasion du 50e anniversaire de la signature du traité franco-allemand de l’Élysée le 22 janvier 1963 et du nouveau flot de propagande européiste qui a envahi les médias français à cette occasion, je crois utile de fournir à mes lecteurs un antidote.
Il s’agit d’une chronologie éclairante des événements qui ont entouré ce fameux traité et le non moins fameux “couple franco-allemand” qui est censé en être résulté.
Fondée sur 15 documents sourcés et irréfutables, cette chronologie leur permettra de démasquer minutieusement et précisément les mensonges éhontés dont les médias et les dirigeants politiques les abreuvent.
DOCUMENT N°1
- 15 mai 1962 = CONFÉRENCE DE PRESSE DE CHARLES DE GAULLE À L’ÉLYSÉE
Pendant ses quatre premières années passées à l’Élysée (du 13 mai 1958 jusqu’aux Accords d’Évian de 1962), la principale des préoccupations de de Gaulle fut de régler – avec les difficultés et les erreurs que l’on sait – la très grave question algérienne. Pendant cette période, il n’avait les moyens politiques, ni de s’intéresser de près à la question européenne, ni de heurter frontalement les ministres centristes ( MRP, ultra-européistes) de son gouvernement.
Ayant trop besoin d’unité nationale, il garda donc un profil bas sur ce sujet. Il pouvait d’autant mieux le faire que la question européenne était encore mineure, puisque le traité de Rome – qui avait été signé et ratifié en 1957 avant son retour au pouvoir – en était encore à ses balbutiements et qu’elle ne concernait encore que Six États.
Mais, dès que la guerre d’Algérie fut finie, Charles de Gaulle prit alors à bras-le-corps la question européenne, sans plus s’embarrasser des états d’âme du MRP.
La chronologie des événements en fournit la preuve : les Accords d’Evian furent signés le 18 mars 1962 et ratifiés par référendum le 8 avril. A peine cinq semaines après, le 15 mai, Charles de Gaulle mit les pieds dans le plat de la « construction européenne » lors d’une conférence de presse restée célèbre.
Avec une justesse d’analyse réellement prophétique, il y dénonça publiquement l’Europe intégrée, et implicitement la puissance américaine qui en tirait les ficelles, en usant d’un euphémisme : « un fédérateur qui ne serait pas européen ».
L’impact international de cette déclaration fut énorme et les députés MRP quittèrent le gouvernement sur-le-champ.
Voici ci-dessous à la fois le verbatim de cette déclaration cruciale et le lien vers la vidéo correspondante.
« Je voudrais parler plus spécialement de l’objection de l’intégration.
On nous l’oppose en nous disant : « Fondons ensemble les six États dans quelque chose de supranational, dans une entité supranationale. Et ainsi tout sera très simple et très pratique. »
Cette entité supranationale, on ne la propose pas parce qu’elle n’existe pas. Il n’y a pas de fédérateur, aujourd’hui – en Europe ! -, qui ait la force, le crédit et l’attrait suffisants.
Alors on se rabat sur une espèce hybride et on dit : « eh bien tout au moins que les six États acceptent, s’engagent, à se soumettre à ce qui sera décidé par une certaine majorité. »
En même temps, on dit : Il y a déjà six parlements européens, – six parlements nationaux plus exactement -, une assemblée parlementaire européenne, il y a même une assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui, il est vrai, est antérieure à la conception des Six et qui, me dit-on, se meurt aux bords où elle fut laissée.
Eh bien, malgré tout cela, élisons un parlement de plus, que nous qualifierons d’« européen » et qui fera la loi aux six États !
Ce sont des idées qui peuvent peut-être charmer quelques esprits mais je ne vois pas du tout comment on pourrait les réaliser pratiquement, quand bien même on aurait six signatures au bas d’un papier.
Y a-t-il une France, y a-t-il une Allemagne, y a-t-il une Italie, y a-t-il une Hollande, y a-t-il une Belgique, y a-t-il un Luxembourg qui soient prêts à faire, sur une question importante pour eux au point de vue national et au point de vue international, ce qui leur paraîtrait mauvais parce que ça leur serait commandé par d’autres ?
Est-ce que le peuple français, le peuple allemand le peuple italien, le peuple hollandais, le peuple belge, le peuple luxembourgeois, sont prêts à se soumettre à des lois que voteraient des députés étrangers, dès lors que ces lois iraient à l’encontre de leur volonté profonde ?
Mais, ce n’est pas vrai. Il n’y a pas moyen, à l’heure qu’il est, de faire en sorte qu’une majorité puisse contraindre – une majorité étrangère ! -, puisse contraindre des nations récalcitrantes.
Il est vrai que dans cette « Europe intégrée » comme on dit, ben il n’y aurait peut-être pas de politique du tout. Ça simplifierait beaucoup les choses. Et puis, en effet, dès lors qu’il n’y aurait pas de France, pas d’Europe qui auraient une politique, faute qu’on puisse en imposer une à chacun des six États, on s’abstiendrait d’en faire.
Mais alors, peut-être, tout ce monde se mettrait-il à la suite de quelqu’un du dehors, et qui – lui – en aurait une.
Il y aurait peut-être un fédérateur, mais il ne serait pas européen. Et ça ne serait pas « l’Europe intégrée », ce serait tout autre chose, de beaucoup plus large et de beaucoup plus étendu, avec je le répète un fédérateur.
Charles de Gaulle
Conférence de presse du 15 mai 1962
La vidéo correspondante peut être visionnée ici :
La démission des ministres MRP du gouvernement, et la crise politique qui en résulta, conduisirent Charles de Gaulle à changer de tactique, sans changer de stratégie.
Plutôt que de dénoncer la construction européenne comme une machination ourdie par le « fédérateur qui ne serait pas européen », il se résolut à se proclamer lui-même pro-Européen, afin de subvertir le projet américain.
L’objectif qu’il se fixa, c’était de bâtir une « Europe indépendante » ou une « Europe européenne », c’est-à-dire en réalité une Europe sous influence française, qui se serait opposée à la fois à l’Europe soviétique située derrière le Rideau de fer et à l’Europe américaine refoulée dans les limites du seul Royaume-Uni.
Il développa donc une énergie considérable pour tenter de couper les liens de subordination que les cinq autres États membres de la CEE entretenaient avec les États-Unis d’Amérique.
Le pari du président français était que, s’il parvenait à opérer ce découplage autant psychologique que politique et militaire, les cinq États rechercheraient un autre mentor pour les protéger de l’URSS, et celui-ci ne pourrait être que la France. Ils se tourneraient d’ailleurs d’autant plus nécessairement vers Paris que nous disposerions de notre propre force de frappe nucléaire.
C’est ce calcul de joueur d’échecs que de Gaulle confia sans fioritures à Peyrefitte : « Dans cette Europe, en réalité, nous tiendrons les rênes parce que nous aurons la bombe [atomique] » [C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, Partie III, p. 262 ; Charles de Gaulle précise dans la même confidence que « Les Allemands, ça les embête de nous être inférieurs. Dans notre attelage, ils ne sont pas le cheval de tête, ça les embête ».]
C’est en application de ce calcul que Charles de Gaulle proposa aux Allemands, – et au Chancelier Konrad Adenauer – de mettre au point un “traité d’amitié et de coopération” franco-allemand. Ce traité, qui allait être signé à l’Élysée le 22 janvier 1963, visait ni plus ni moins qu’à séparer l’Allemagne de l’Ouest de son protecteur américain.
C’est la raison pour laquelle le texte élaboré par les deux parties – mais où la France posait ses conditions – prit un soin tout particulier à ne mentionner ni les États-Unis d’Amérique, ni la Grande-Bretagne, ni la prétendue nécessité de se placer sous la subordination de l’OTAN, ni la prétendue nécessité de démanteler les réglementations des échanges commerciaux dans le cadre du GATT.
DOCUMENT N°2
- 19 janvier 1963 = TÉLÉGRAMME DIPLOMATIQUE DU COMPTE-RENDU DE L’AUDIENCE DE M. KNAPPSTEIN, AMBASSADEUR D’ALLEMAGNE AUX ÉTATS-UNIS, AVEC LE PRÉSIDENT KENNEDY
Des agents de renseignements, placés probablement dans des postes de responsabilité à la fois au ministère français des affaires étrangères et dans les rouages de l’État ouest-allemand, avaient tenu le gouvernement américain informé, à la fois du projet de traité franco-allemand et des exigences de la partie française.
Washington comprit naturellement quel était l’objectif que visait ainsi Charles-de-Gaulle : l’éviction des États-Unis d’Amérique de leur influence sur la “construction européenne”, en procédant à un découplage entre l’Allemagne de l’Ouest et les États-Unis.
C’est la raison pour laquelle, trois jours avant la signature officielle du traité – le 19 janvier 1963 – le président Kennedy convoqua au bureau ovale de la Maison-Blanche l’ambassadeur allemand Karl-Heinrich Knappstein pour lui faire part expressément de ses doléances.
Le télégramme diplomatique envoyé par le diplomate ouest-allemand à ses autorités de tutelle pour rendre compte de cet entretien capital est disponible en ligne sur Internet. En voici l’extrait le plus significatif :
Le président [Kennedy] était visiblement de mauvaise humeur; à plusieurs reprises, il a exprimé clairement ses critiques quant à l’état interne de l’Alliance [Atlantique] et affiché ses préoccupations vis-à-vis de la conclusion du traité [de l’Élysée] .
Au cours de l’entretien, je me suis efforcé plusieurs fois – certes avec un succès mitigé – de persuader le président du bien-fondé de la conclusion du traité ; j’ai mis en avant la signification positive du traité pour la politique européenne et l’avenir de l’Alliance, et j’ai évoqué le fait qu’une étroite collaboration franco-allemande était susceptible d’être fructueuse pour l’ensemble de l’Alliance, précisément en ce qui concerne les aspects de la politique du général de Gaulle qui irritaient le président.
Source : http://www.cvce.eu/viewer/-/content/48045302-9605-4905-a37e-96b85fdb9a67/fr
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Pour qui sait lire entre les lignes, on voit que l’ambassadeur allemand avait eu pour consigne de rassurer le président des États-Unis d’Amérique, en laissant pointer le double jeu que l’Allemagne de l’Ouest s’apprêtait à mettre en œuvre.
Comme l’écrit l’ambassadeur Knappstein, la collaboration franco-allemande pourrait finir par être fructueuse pour l’ensemble de l’Alliance atlantique parce que les Allemands se faisaient fort d’attirer Paris contre son gré dans une collaboration avec les États-Unis.
DOCUMENT N°3
- 22 janvier 1963 = TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND DE L’ÉLYSÉE
Trois jours après l’entretien entre l’ambassadeur allemand et le président des États-Unis à Washington, le traité franco-allemand fut néanmoins signé, le 22 janvier 1963, dans les formes requises par la partie française.
Je joins ici l’intégralité de ce traité mais le lecteur pressé pourra maintenant parcourir que la partie en gras.
Il faut en retenir que, conformément à ce qui avait été prévu, ce traité ne mentionne à aucun moment :
- ni les États-Unis d’Amérique,
- ni la Grande-Bretagne,
- ni la prétendue nécessité de coopérer avec l’OTAN – ou de se placer sous sa subordination,
- ni la prétendue nécessité de démanteler les réglementations des échanges commerciaux dans le cadre du GATT,
Il n’est question de l’Alliance atlantique qu’à un seul moment, dans le cadre de simple « consultation sur des questions d’intérêt commun ». Tout comme il est prévu que les deux parties ne se consultent sur les activités du Conseil de l’Europe, de l’OCDE, de l’UEO (Union de l’Europe occidentale – qui a disparu en juin 2011), de l’ONU et de ses institutions spécialisées (FMI, Banque Mondiale etc.)
======= TEXTE COMPLET DU TRAITÉ =========
À la suite de la déclaration commune du Président de la République française et du Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne en date du 22 janvier 1963, sur l’organisation et les principes de la coopération entre les deux États, les dispositions suivantes ont été agréées :
I. – ORGANISATION
1. Les Chefs d’État et de Gouvernement donneront en tant que de besoin les directives nécessaires et suivront régulièrement la mise en œuvre du programme fixé ci-après. Ils se réuniront à cet effet chaque fois que cela sera nécessaire et, en principe, au moins deux fois par an.
2. Les Ministres des Affaires étrangères veilleront à l’exécution du programme dans son ensemble. Ils se réuniront au moins tous les trois mois. Sans préjudice des contacts normalement établis par la voie des ambassades, les hauts fonctionnaires des deux Ministères des Affaires étrangères, chargés respectivement des affaires politiques, économiques et culturelles, se rencontreront chaque mois alternativement à Paris et à Bonn pour faire le point des problèmes en cours et préparer la réunion des Ministres. D’autre part, les missions diplomatiques et les consulats des deux pays ainsi que leurs représentations permanentes auprès des organisations internationales prendront tous les contacts nécessaires sur les problèmes d’intérêt commun.
3. Des rencontres régulières auront lieu entre autorités responsables des deux pays dans les domaines de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Elles n’affecteront en rien le fonctionnement des organismes déjà existants – commission culturelle franco-allemande, groupe permanent d’État-major – dont les activités seront au contraire développées. Les Ministres des Affaires étrangères seront représentés à ces rencontres pour assurer la coordination d’ensemble de la coopération ;
a) les Ministres des Armées ou de la Défense se réuniront au moins une fois tous les trois mois. De même, le Ministre français de l’Éducation nationale rencontrera, suivant le même rythme, la personnalité qui sera désignée du côté allemand pour suivre le programme de coopération sur le plan culturel ;
b) les Chefs d’État-major des deux pays se réuniront au moins une fois tous les deux mois ; en cas d’empêchement, ils seront remplacés par leurs représentants responsables ;
c) le haut-commissaire français à la Jeunesse et aux Sports rencontrera, au moins une fois tous les deux mois, le Ministre fédéral de la Famille et de la Jeunesse ou son représentant.
4. Dans chacun des deux pays, une commission interministérielle sera chargée de suivre les problèmes de la coopération. Elle sera présidée par un haut fonctionnaire des Affaires étrangères et comprendra des représentants de toutes les administrations intéressées. Son rôle sera de coordonner l’action des ministères intéressés et de faire périodiquement rapport à son Gouvernement sur l’état de la coopération franco-allemande. Elle aura également pour tâche de présenter toutes suggestions utiles en vue de l’exécution du programme de coopération et de son extension éventuelle à de nouveaux domaines.
II. PROGRAMME
A. – Affaires étrangères
1. Les deux Gouvernements se consulteront, avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun, en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue. Cette consultation portera entre autres sur les sujets suivants : Problèmes relatifs aux communautés européennes et à la coopération politique européenne ; Relations Est-Ouest, à la fois sur le plan politique et sur le plan économique ; Affaires traitées au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et des diverses organisations internationales auxquelles les deux Gouvernements sont intéressés, notamment le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe Occidentale, l’Organisation de coopération et de développement économique, les Nations Unies et leurs institutions spécialisées.
2. La collaboration, déjà établie dans le domaine de l’information, sera poursuivie et développée entre les services intéressés à Paris et à Bonn et entre les missions dans les pays tiers.
3. En ce qui concerne l’aide aux pays en voie de développement, les deux Gouvernements confronteront systématiquement leurs programmes en vue de maintenir une étroite coordination. Ils étudieront la possibilité d’entreprendre des réalisations en commun. Plusieurs départements ministériels étant compétents pour ces questions, du côté français comme du côté allemand, il appartiendra aux deux ministères des Affaires étrangères de déterminer ensemble les bases pratiques de cette collaboration.
4. Les deux Gouvernements étudieront en commun les moyens de renforcer leur coopération dans d’autres secteurs importants de la politique économique, tels que la politique agricole et forestière, la politique énergétique, les problèmes de communications et de transports et le développement industriel, dans le cadre du Marché commun, ainsi que la politique des crédits à l’exportation.
B. – Défense
I. – Les objectifs poursuivis dans ce domaine seront les suivants :
1. Sur le plan de la stratégie et de la tactique, les autorités compétentes des deux pays s’attacheront à rapprocher leurs doctrines en vue d’aboutir à des conceptions communes. Des instituts franco-allemands de recherche opérationnelle seront créés.
2. Les échanges de personnel entre les armées seront multipliés ; ils concerneront en particulier les professeurs et les élèves des écoles d’État-major ; ils pourront comporter des détachements temporaires d’unités entières. Afin de faciliter ces échanges, un effort sera fait de part et d’autre pour l’enseignement pratique des langues chez les stagiaires.
3. En matière d’armements, les deux Gouvernements s’efforceront d’organiser un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armement appropriés et de la préparation des plans de financement. A cette fin, des commissions mixtes étudieront les recherches en cours sur ces projets dans les deux pays et procéderont à leur examen comparé. Elles soumettront des propositions aux ministres qui les examineront lors de leurs rencontres trimestrielles et donneront les directives d’application nécessaires.
II. – Les gouvernements mettront à l’étude les conditions dans lesquelles une collaboration franco-allemande pourra être établie dans le domaine de la défense civile.
C. – Éducation et Jeunesse
En matière d’éducation et de jeunesse, les propositions contenues dans les mémorandums français et allemand des 19 septembre et 8 novembre 1962 seront mises à l’étude selon les procédures indiquées plus haut :
1. Dans le domaine de l’éducation, l’effort portera principalement sur les points suivants :
a) Enseignement des langues :
Les deux Gouvernements reconnaissent l’importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l’autre. Ils s’efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d’accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande. Le Gouvernement fédéral examinera, avec les gouvernements des Länder, compétents en la matière, comment il est possible d’introduire une réglementation qui permette d’atteindre cet objectif. Dans tous les établissements d’enseignement supérieur, il conviendra d’organiser un enseignement pratique de la langue française en Allemagne et de la langue allemande en France, qui sera ouvert à tous les étudiants.
b) Problème des équivalences :
Les autorités compétentes des deux pays seront invitées à accélérer l’adoption des dispositions concernant l’équivalence des périodes de scolarité, des examens, des titres et diplômes universitaires.
c) Coopération en matière de recherche scientifique :
Les organismes de recherches et les instituts scientifiques développeront leurs contacts en commençant par une information réciproque plus poussée, des programmes de recherches concertées seront établis dans les disciplines où cela se révélera possible.
2. Toutes les possibilités seront offertes aux jeunes des deux pays pour resserrer les liens qui les unissent et pour renforcer leur compréhension mutuelle. Les échanges collectifs seront en particulier multipliés. Un organisme destiné à développer ces possibilités et à promouvoir les échanges sera créé par les deux pays avec, à sa tête, un conseil d’administration autonome. Cet organisme disposera d’un fonds commun franco-allemand qui servira aux échanges entre les deux pays d’écoliers, d’étudiants, de jeunes artisans et de jeunes travailleurs.
III. – DISPOSITIONS FINALES
1. Les directives nécessaires seront données dans chaque pays pour la mise en œuvre immédiate de ce qui précède. Les Ministres des Affaires étrangères feront le point des réalisations acquises à chacune de leurs rencontres.
2. Les deux Gouvernements tiendront les Gouvernements des autres États membres des Communautés européennes informés du développement de la coopération franco-allemande.
3. A l’exception des clauses concernant la défense, le présent Traité s’appliquera également au Land de Berlin, sauf déclaration contraire faite par le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne au Gouvernement de la République française dans les trois mois qui suivront l’entrée en vigueur du présent Traité.
4. Les deux Gouvernements pourront apporter les aménagements qui se révéleraient désirables pour la mise en application du présent Traité.
5. Le présent Traité entrera en vigueur dès que chacun des deux Gouvernements aura fait savoir à l’autre que, sur le plan interne, les conditions nécessaires à sa mise en œuvre ont été remplies.
Fait à Paris, le 22 janvier 1963, en double exemplaire, en langue française et en langue allemande, les deux textes faisant également foi.
Le Président de la République française
Charles de GAULLE
Le Premier Ministre français
Georges POMPIDOU
Le Ministre français des Affaires étrangères
Maurice COUVE de MURVILLE
Le Chancelier de la République fédérale d’Allemagne
Konrad ADENAUER
Le Ministre fédéral des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne
Gerhard SCHROEDER
*** ***
DOCUMENT N°4
- 24 avril 1963 = PREMIÈRE RÉACTION DE CHARLES DE GAULLE À L’ANNONCE PAR LES ALLEMANDS QU’ILS VONT AJOUTER UN PRÉAMBULE INTERPRÉTATIF AU TRAITE
« Les Américains essaient de vider notre traité de son contenu. […] Les Allemands se conduisent comme des cochons ! Ils mériteraient que nous dénoncions le traité et que nous fassions un renversement d’alliance en nous entendant avec les Russes ! »
Dans les semaines qui suivirent la signature du traité de l’Élysée le 22 janvier 1963, les Américains ne restèrent pas inactifs. Conformément aux préoccupations insistantes que le président Kennedy avait fait valoir à l’ambassadeur Knappstein, et conformément à la promesse voilée que celui-ci avait faite au président américain, il apparut que la tactique allemande allait consister à utiliser un subterfuge pour vider le sens le traité signé par le chancelier allemand à Paris.
Le chancelier allemand Konrad Adenauer, ancien opposant historique à Hitler, était à l’époque un homme âgé entouré par des collaborateurs qui étaient tous très proches des intérêts américains. Il se laissa donc facilement circonvenir, en acceptant que les députés du Bundestag allemand adoptent un « protocole interprétatif » en même temps que la ratification du traité de l’Élysée.
Ce « protocole interprétatif » avait en réalité pour objet, non pas d’« interpréter » ledit traité, mais de le dénaturer de fond en comble.
Comment ? En invoquant expressément et explicitement toutes les sujétions à l’égard des États-Unis d’Amérique, de la Grande Bretagne, de l’OTAN et du GATT que la partie française avait justement expressément refusées.
C’est au cours de la troisième semaine du mois d’avril 1963 que les autorités françaises furent informées, par le gouvernement allemand, de ce projet de « protocole interprétatif », attribué au Bundestag allemand, qui constituait en réalité une véritable dénonciation du texte signé le 22 janvier.
Dans son livre C’était De Gaulle, l’ancien ministre Alain Peyrefitte rapporte en ces termes ce que fut la réaction de Charles-de-Gaulle lorsqu’il apprit ce coup de poignard dans le dos :
Salon doré [de l’Élysée], 24 avril 1963.
Pour obtenir, du Bundestag méfiant, une large ratification, Adenauer s’est résigné à adjoindre au traité un préambule unilatéral qui affirme la solidarité « Atlantique » de l’Allemagne, réduisant ainsi la portée européenne (au sens gaullien) du traité.
Le Général me charge de présenter à la presse cette version officielle de notre réaction :
« La France a fait connaître au gouvernement allemand qu’elle n’avait pas d’objection à l’inclusion dans la loi de ratification allemande d’un préambule réaffirmant la fidélité de la République fédérale à son engagement Atlantique et européen. »
Mais la vérité ressentie par le Général est tout autre :« Les Américains essaient de vider notre traité de son contenu. Ils veulent en faire une coquille vide. Tout ça, pourquoi ? Parce que les politiciens allemands ont peur de ne pas s’aplatir suffisamment devant les Anglo-Saxons !
Ils se conduisent comme des cochons ! Il mériterait que nous dénoncions le traité et que nous Fassions un renversement d’alliance en nous entendant avec les Russes ! »
Ce n’est pas tout à fait paroles en l’air : il s’en entretient aussi avec Pompidou, qui me confie dans le surlendemain sa préoccupation : « le Général éprouve une profonde déception. Il songe à faire machine arrière. »
Pourtant, en public, le Général continue à clamer sa foi dans la « réconciliation en profondeur » dont Adenauer et lui-même ont été les ouvriers. À Vitry-le-François, il se félicite que la France ait noué une amitié solide avec son ancienne ennemie, surmontant « toute espèce de séquelles d’un passé cruel et sanglant ».
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 228
La remarque finale que fait Alain Peyrefitte dans cet extrait que je viens de citer est très importante. Elle révèle que Charles de Gaulle a eu le souci de sauver les apparences pendant cette période cruciale de l’année 1963.
Il y a plusieurs raisons que l’on peut avancer pour cela :
- d’une part le président de la République française avait certainement le souci de ne pas passer pour un novice qui venait de se faire rouler dans la farine par les Anglo-Saxons : sauf à paraître ridicule, il lui était extrêmement difficile de désavouer publiquement, dès la fin avril 1963, le traité qu’il avait signé en grandes pompes trois mois auparavant ;
- d’autre part, il devait avoir le souci de ménager les forces qui, en Allemagne, auraient peut-être pu souhaiter se rapprocher de la vision
française ;
- enfin et surtout, Charles de Gaulle voulait certainement attendre et voir quelle serait l’évolution des événements, voir si le Protocole interprétatif serait en effet voté et dans quels termes, et cela afin de réfléchir au changement de stratégie qu’il serait alors amené à envisager.
Il est néanmoins important de comprendre qu’en faisant ces déclarations lénifiantes en public, de Gaulle a pris un risque pour la postérité.
Ce risque était de voir les dirigeants français des décennies suivantes se livrer à un véritable détournement d’héritage et présenter le chef de la France libre et le fondateur de la Ve République comme un ardent pro-européen, en ne retenant que des morceaux vicieusement sélectionnés de certaines de ses déclarations publiques, en taisant le fait qu’elles n’étaient faites que pour donner le change.
Ce risque, hélas, s’est bel et bien concrétisé.
DOCUMENT N°5
- 12/15 juin 1963 = DOUBLE DISCOURS PUBLIC/PRIVÉ DE CHARLES DE GAULLE POUR SAUVER LES APPARENCES ET SE DONNER LE TEMPS DE RÉFLÉCHIR À UNE STRATÉGIE ALTERNATIVE
Au cours de sa visite dans les Charentes, […] le Général a encore exalté la réconciliation, avec une conviction qui retentit étrangement à mes oreilles […] Une fois de plus, il fait « comme si ».
Charles de Gaulle poursuivit d’ailleurs cette tactique du double discours – fustigeant les Allemands en privé et faisant comme si il n’y avait pas de problème en public – au cours des jours qui précédèrent le vote du « Protocole interprétatif » et du traité d’amitié franco-allemand par le Bundestag le 15 juin 1963.
C’est ce que nous révèle, une fois encore, Alain Peyrefitte qui faisait partie de son entourage le plus proche et qui résume la situation d’une formule pathétique : De Gaulle faisait « comme si »:
Ces doutes et ces anathèmes ne sont pas faits pour le public. Du 12 au 16 juin, au cours de sa visite dans les Charentes, notamment à Saint-Jean-d’Angély le 14, le Général a encore exalté la réconciliation, avec une conviction qui retentit étrangement à mes oreilles :
« L’Allemagne et la France ont conclu l’une avec l’autre, après l’immense malheur, non seulement la paix, mais un traité pour coopérer. Si on y réfléchit bien, c’est une révolution qu’elles ont accomplie et un magnifique exemple qu’elles ont donné. »
De village en village, il célèbre cette « révolution », cet exemple. « La France a accompli la une des plus grandes actions de son Histoire. »
Une fois de plus, il fait « comme si ».
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 230
DOCUMENT N°6
- 15 juin 1963 = PRÉAMBULE INTERPRÉTATIF VOTÉ UNILATÉRALEMENT LE 15 JUIN 1963 PAR LES DÉPUTÉS ALLEMANDS DU BUNDESTAG LORS DE LA RATIFICATION DU TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND DE L’ÉLYSÉE
Le 15 juin 1963, les députés allemands du Bundestag votent le « préambule interprétatif » avant de ratifier le traité franco-allemand de l’Élysée, ce qui revient à vider complètement de substance et à dénaturer les objectifs de ce dernier.
Ce document introduit expressément et explicitement les mots et les concepts mêmes que Charles de Gaulle avait opiniâtrement écartés :
- « étroite association entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique »,
- « admission de la Grande Bretagne »,
- « défense commune dans le cadre de l’Alliance de l’Atlantique nord »,
- « abaissement des barrières douanières avec la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique, ainsi que d’autres États, dans le cadre du GATT »
- etc.
Cette fois-ci, le bras d’honneur de l’Allemagne à la France est consommé.
PRÉAMBULE À LA LOI PORTANT RATIFICATION DU TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND VOTÉ PAR LE BUNDESTAG (Bonn, 15 juin 1963)
Convaincu que le traité du 22 janvier 1963 entre la République fédérale d’Allemagne et la République française renforcera et rendra effective la réconciliation et l’amitié entre le peuple allemand et le peuple français,
Constatant que les droits et les obligations découlant pour la République fédérale des traités multilatéraux auxquels elle est partie ne seront pas modifiés par ce traité,
Manifestant la volonté de diriger l’application de ce traité vers les principaux buts que la République fédérale d’Allemagne poursuit depuis des années en union avec ses autres alliés et qui déterminent sa politique, à savoir:
- le maintien et le renforcement de l’Alliance des peuples libres et, en particulier, une étroite association entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique,
- l’obtention du droit d’autodétermination pour le peuple allemand et le rétablissement de l’unité allemande,
- la défense commune dans le cadre de l’Alliance de l’Atlantique nord et l’intégration des forces armées des États membres du pacte,
- l’unification de l’Europe selon la voie tracée par la création des Communautés européennes, en y admettant la Grande-Bretagne et les autres États désirant s’y joindre et le renforcement des Communautés existantes,
- l’abaissement des barrières douanières par des négociations entre la Communauté économique européenne, la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique, ainsi que d’autres États, dans le cadre du GATT.
Conscient qu’une coopération franco-allemande conduite selon ces buts sera bénéfique pour tous les peuples, servira au maintien de la paix dans le monde et contribuera par là simultanément au bien des peuples français et allemand,
Le Bundestag ratifie la loi suivante.
DOCUMENT N°7
- 19 juin 1963 = FUREUR DE CHARLES DE GAULLE DEVANT LA POSITION PUBLIQUE DU SÉNAT AMÉRICAIN SUR LA « CONSTRUCTION EUROPÉENNE » APRES LE VOTE DU « PROTOCOLE INTERPRÉTATIF » ALLEMAND
« Le tout, pour que les États-Unis puissent mieux gouverner l’Europe. Dans ce cas, l’Europe disparaît, la France est abolie. Ceux qui ont renoncé à la France depuis longtemps, cherchent une situation qui noie la France dans des systèmes politiques où la France n’existerait pas. […] Ça leur est égal. Leur instinct est que la France disparaisse. »
Le vote du protocole interprétatif par les parlementaires allemands, qui vide de substance toute la portée du traité de l’Élysée suscita, on s’en doute, une très grande satisfaction aux États-Unis.Du coup, la commission des Affaires étrangères du Sénat américain rendit publique une analyse, dans laquelle elle mettait en quelque sorte en demeure les Six États du Marché commun de choisir entre :
- une « Europe autarcique » ; c’est-à-dire, en langage codé, une Europe qui rejetterait la domination des États-Unis) ;
- et une Europe « Atlantique » ; c’est-à-dire une Europe placée sous la domination américaine comme venait de le décider la République fédérale d’Allemagne
C’est Maurice Couve de Murville, ministre des affaires étrangères, qui fit un compte rendu de ce rapport sensationnel du Sénat américain lors du Conseil des ministres du 19 juin 1963, qui se réunit quatre jours après le vote allemand du 15 juin 1963.
Au Conseil [des ministres] du 19 juin 1963
Couve [de Murville] évoque un rapport publié par la commission des Affaires étrangères du Sénat américain : « Ce document demande : “Que va choisir l’Europe, entre la communauté Atlantique et l’Europe autarcique ?”. Autrement dit, l’Europe sera-t-elle dans un ensemble commandé par les Américains, où formera-t-elle elle-même un ensemble indépendant des États-Unis ?
Ce document pose bien le problème. Mais naturellement, ses conclusions ne sont pas les nôtres. Il compte sur “la résistance que les Allemands opposeront à l’Élysée”. Elle serait seule capable de “surmonter les difficultés que les États-Unis rencontrent en Europe du fait du hiatus gaulliste”. Quant au “veto français à l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun, c’était autant un soufflet sur la joue des États-Unis que sur celle de la Grande-Bretagne” .
Cette présentation de la position américaine provoqua la fureur du président de la République française, qui n’y alla pas par quatre chemins pour expliquer, devant ses ministres, quel était le fin mot de toute cette histoire.
Cette déclaration de Charles de Gaulle, faite solennellement en Conseil des ministres, a été rapportée par Alain Peyrefitte : elle mérite d’être lue et relue car elle apparaît de nos jours, avec le recul d’un demi-siècle, comme terriblement prémonitoire :
Charles De Gaulle – Il n’y a pas de doute. Le problème s’est déjà posé au moment de l’institution de l’OTAN. Il s’est aussi posé pour la CED, c’est ce que les Européens appellent « l’intégration européenne », sans se préoccuper de savoir s’il y a une politique européenne. L’entrée des Anglais aurait évidemment anéanti cette Europe en train de se constituer de manière autonome.
« Le tout, pour que les États-Unis puissent mieux gouverner l’Europe. Dans ce cas, l’Europe disparaît, la France est abolie. Ceux qui ont renoncé à la France depuis longtemps, cherchent une situation qui noie la France dans des systèmes politiques où la France n’existerait pas.
« C’est pourquoi ils sont ivres de l’ONU, de l’OTAN, de “l’intégration européenne”. Ils se ruent pour faire entrer la Grande-Bretagne, alors qu’ils savent qu’il n’y aura pas d’intégration si l’Angleterre est dans l’Europe. Ça leur est égal. Leur instinct est que la France disparaisse.
« Mais ils se sont faits des illusions, ils ont commis une erreur sur notre capacité de les en empêcher ! C’est ce que tout le monde commence à admettre. »
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, pages 229-230
Cette dernière remarque de Charles de Gaulle revêt un caractère profondément tragique.
Car, s’il est vrai que le Fondateur de la Résistance eut la force morale, le courage et la capacité d’empêcher d’agir tous ceux qui avaient « renoncé à la France depuis longtemps » et tous ceux qui « cherchent une situation qui noie la France dans des systèmes politiques ou la France n’existerait pas », force est de constater – hélas ! – que ses successeurs à l’Élysée ont perdu cette capacité.
Force est aussi de constater que les derniers en date de nos Chefs d’État se sont même faits les champions de l’abolition de la France.
DOCUMENT N°8
- 3 juillet 1963 = DÉCEPTION DE CHARLES DE GAULLE, AVOUÉE EN PRIVÉ ET EN PUBLIC
« Je ne vous le cacherai pas. Déçu par le préambule qu’à imposé le Bundestag. Déçu par la mécanique de la coopération franco-allemande. […] Si le traité allemand n’était pas appliqué, ce ne serait pas le premier dans l’Histoire. »
L’atroce déception de Charles de Gaulle, roulé dans la farine par les Anglo-Saxons, devint de plus en plus manifeste à la fin du mois de juin 1963 et au début du mois de juillet. Il ne pouvait plus s’en cacher et il finit par l’avouer, à la fois en privé à Alain Peyrefitte, mais aussi en public devant les députés de sa propre majorité :
Au Conseil [des ministres] du 3 juillet 1963 [… ]
Après le conseil, je demande au Général : « Moins de six mois après la signature du traité de l’Élysée, vous donnez l’impression d’être déçu.
Charles-de-Gaulle – Je ne vous le cacherai pas. Déçu par le préambule qu’à imposé le Bundestag. Déçu par la mécanique de la coopération franco-allemande : elle n’est pas aussi efficace que je l’imaginais. Et pourtant, Adenauer est encore là. Que sera-ce quand il sera parti ? »
Le même soir, au cours d’un dîner à l’Élysée qu’il a offert en l’honneur des bureaux des deux chambres du Parlement, quelques députés, devant lui, se montrent sceptiques envers la solidité du traité franco-allemand. Le Général répond sur le même ton, dans une parabole mélancolique : « Les traités sont comme les jeunes filles et les roses : ça dure ce que ça dure. Si le traité allemand n’était pas appliqué, ce ne serait pas le premier dans l’Histoire. »
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 231
DOCUMENT N°9
- 14 novembre 1963 : COLÈRE DE CHARLES DE GAULLE DEVANT LA VOLONTÉ ALLEMANDE DE DÉTOURNER LES OBJECTIFS DE L’OFFICE FRANCO-ALLEMAND DE LA JEUNESSE (OFAJ)
« C’est une mauvaise plaisanterie ! C’est contraire au traité ! Ne réintroduisons par l’Angleterre par ce biais ! Les Allemands, il faut les envoyer promener, ce ne sera pas la première fois dans l’Histoire. Il suffit de dire non, il suffit de ne pas se coucher. »
Quelques mois après, le président de la République française eut l’occasion de mesurer très concrètement le détournement complet d’objectif fourberie que les Allemands entendaient appliquer au traité de l’Élysée.
C’est Maurice Herzog, secrétaire d’État à la jeunesse au sport et président de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ) créée par le traité, qui le révéla en Conseil des ministres, en posant ingénument la question de savoir si l’OFAJ pouvait s’occuper de développer les relations entre Européens, et notamment avec des jeunes Britanniques, et cela à la demande des Allemands.
Ce qui lui valut la volée de bois vert que rapporte Alain Peyrefitte :
Au Conseil [des ministres] du jeudi 14 novembre 1963
Maurice Herzog [ministre de la jeunesse des sports] rend compte de la mise en place du tout nouvel Office franco-allemand pour la jeunesse – cette création du traité :
« Le gouvernement allemand est sensible aux pressions du Bundestag et veut mettre l’accent sur l’aspect européen du nouvel Office. Il a demandé qu’une part des crédits favorise des échanges avec de jeunes Européens, surtout de jeunes Anglais, histoire de compenser leur exclusion du marché commun. J’ai cru devoir accepter le principe de quelques déplacements de Français et d’Allemands dans des pays européens autres que la France et l’Allemagne. »
Le Général explose : « C’est une mauvaise plaisanterie ! C’est contraire au traité ! Ne réintroduisons par l’Angleterre par ce biais ! Les Allemands, il faut les envoyer promener, ce ne sera pas la première fois dans l’Histoire.
Herzog – Donc, je reste ferme.
Charles-de-Gaulle – Naturellement ! Ou devenez-le, si vous ne l’avez pas été ! Il suffit de dire non, il suffit de ne pas se coucher. C’est quand même moins difficile que de monter sur l’Himalaya ! »
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 245
Maurice Herzog (1919 – 2012) [ à gauche sur la photo du bas] était un alpiniste et un homme politique français. Nommé secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports de 1958 à 1966, il présida à partir de 1964 l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) créé par le traité de L’Elysée. Avec une expédition française, Maurice Herzog avait été le premier à gravir un sommet de plus de 8 000 mètres, l’Annapurna, le 3 juin 1950 ( Ce n’est que trois ans après, le 29 mai 1953, que le Néo-Zélandais Edmund Hillary et le sherpa Tensing Norgay vainquirent l’Everest (Chomolungma en tibétain / Sagarmatha en népalais).
L’exploit de Maurice Herzog, qui eut les orteils et les doigts gelés lors de cette expédition, fut largement popularisé en France par la Une de Paris Match, le film “Victoire sur l’Annapurna” et le livre “Annapurna premier 8000”. C’est à cet exploit que Charles de Gaulle fait ici allusion de façon ironique.
DOCUMENT N°10
- 11 décembre 1963 : CHARLES DE GAULLE EXPLIQUE EN PRIVÉ LA NOUVELLE STRATÉGIE QU’IL A DÉCIDÉ DE SUIVRE POUR FAIRE ÉCHAPPER LA FRANCE AU PROCESSUS DE DOMINATION ENGAGÉ PAR LES AMÉRICAINS ET LES ALLEMANDS : DES ALLIANCES DE REVERS.
« La fin du Marché commun, ça ne nous contrarie pas. Si [le traité de Rome, ayant créé le Marché commun et la CEE le 25 mars 1957] n’est pas appliqué, la France s’en tirera très bien autrement. […] Nous avons les moyens de nous retourner ! Le monde est vaste et la France a un grand jeu à jouer. »
Dès la fin de l’année 1963 il apparut clairement à Charles de Gaulle qu’il devait nécessairement adopter une nouvelle stratégie, s’il voulait faire échapper la France au processus de domination engagé par les Américains et les Allemands, sous la forme d’une prise en tenailles.
C’est ce qu’il dévoila dans une conversation privée à son ministre Alain Peyrefitte, qui l’a consigné dans son ouvrage.
Cette conversation est d’un intérêt exceptionnel puisqu’elle montre que le fondateur de la France libre avait parfaitement à l’esprit l’hypothèse de faire sortir la France de la prétendue « construction européenne », et de mettre en œuvre à la place un système d’alliances de revers.
Alain Peyrefitte : – Est-ce que nous pourrons changer de fusil d’épaule ? »
Charles de Gaulle : – Mais bien sûr ! Croyez-vous que nous ayons besoin du Marché commun pour respirer ? En face de la manœuvre des Anglais, des Américains et des Allemands, notre manœuvre à nous ce sera de dire : « la fin du Marché commun, ça ne nous contrarie pas.»
« Je n’avais pas été favorable à l’intégration européenne. Mais dès lors qu’on avait signé le traité de Rome, j’ai pensé, quand je suis arrivé aux affaires, qu’il fallait qu’on l’applique. S’il n’est pas appliqué, la France s’en tirera très bien autrement. »
Alain Peyrefitte : – Il y a une conviction répandue dans les esprits, surtout dans la jeunesse, c’est que, sans l’Europe, la France ne sera plus rien ».
Charles de Gaulle : – Il est possible que la fin du Marché commun, ce soit justement la fin de ce mythe. Ce serait heureux : il a été forgé par les fumistes qui ont voulu faire croire à l’Europe supranationale. […] Nous avons voulu faire une politique d’entente avec les Allemands. Si les Allemands nous glissent entre les doigts, eh bien, nous avons les moyens de nous retourner !
Le monde est vaste et la France a un grand jeu à jouer. »
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, pages 253 – 254
DOCUMENT N°11
- janvier 1964 : CHARLES DE GAULLE PREND LA DÉCISION DE RECONNAÎTRE DIPLOMATIQUEMENT LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
« [ Les Cinq autres États du Marché commun ont] typiquement un comportement de valets ! […] Ils ne se courbent jamais assez par devant, tout en faisant des grimaces par derrière. Et ils se disent Européens !»
Décidant de mettre en œuvre la contre-stratégie et le renversement des alliances qu’il avait esquissées dans le secret de son bureau élyséen devant Alain Peyrefitte le 11 décembre 1963, Charles de Gaulle décida de commencer l’année 1964 par un coup d’éclat mondial, en reconnaissant diplomatiquement le régime de la République populaire de Chine.
Il faut rappeler qu’à l’époque, le régime communiste installé par Mao Zedong (Mao Tsé-toung selon l’ancienne translittération) en 1949 faisait l’objet d’un boycott total des pays occidentaux sous la pression américaine. Cela durait donc depuis 15 ans. En décidant de reconnaître « la Chine de Mao », Charles de Gaulle prenait donc le contre-pied délibéré des États-Unis d’Amérique et des Cinq partenaires du Marché commun. Il prouvait à la planète entière que la France était une puissance indépendante et souveraine, qui n’a d’instructions – notamment diplomatiques et militaires – à recevoir de personne.
Il est intéressant de lire comment Charles de Gaulle commenta cette affaire en Conseil des ministres le 22 janvier 1964, et en particulier l’attitude des Cinq membres du Marché commun, totalement serviles vis-à-vis de Washington :
Après le Conseil : […]
Alain Peyrefitte : – Est-ce que je dis qu’il doit y avoir un communiqué ?
Charles-de-Gaulle – Ne dites rien du tout ! On vous demandera si le Général a l’intention d’en parler dans sa conférence de presse. Vous direz que ça ne vous étonnerait pas. Tant que les gouvernements n’ont pas publié ensemble qu’ils échangeaient des ambassadeurs, on ne peut pas annoncer : « Nous le faisons. » Tout ce qu’on peut dire, c’est que nous avons évidemment averti des gouvernements qui nous sont chers, y compris la Russie soviétique. [Rire.]
Alain Peyrefitte – Comment jugez-vous la conduite des Cinq européens ?
Charles-de-Gaulle : – à voix basse, ils nous disent : « Bravo, comme vous avez raison, nous allons vous imiter dès que nous ne pourrons ! » A voix haute, il proclame : « Quelle erreur ! Ce n’était pas le moment ! C’est un coup de poignard dans le dos des Américains ! »
C’est typiquement un comportement de valets, qui tremblent de peur à l’idée de contrarier leur maîtres mais par en-dessous manifeste leur satisfaction de voir qu’on lui joue un mauvais tour. Des valets ! Ils ne se courbent jamais assez par devant, tout en faisant des grimaces par derrière. Et ils se disent Européens ! »
C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 492
DOCUMENT N°12
- 13 mai 1964 : CHARLES DE GAULLE DÉCRIT PRÉCISÉMENT LE PROCESSUS DE DOMINATION ENGAGÉ PAR LES AMÉRICAINS
« Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain.»
Quelques mois après, toujours dans le secret de son bureau, le fondateur de la Ve République expliqua àAlain Peyrefitte, en quelques phrases lapidaires et précises, ce qui se cachait en réalité derrière la construction d’une Europe supranationale.
C’est un extrait du livre de Peyrefitte que je cite souvent dans mes conférences, et que je cite de nouveau ici car il ôte définitivement toute ambiguïté sur ce que pensait, pour de bon, Charles de Gaulle de la prétendue « construction européenne ».
Comme tous ceux que j’ai cités auparavant dans le présent dossier, ce passage décisif n’est absolument jamais repris ni commenté par quelque responsable que ce soit sur la scène politique française. Non seulement, bien entendu, dans le camp des européistes acharnés (UMP, PS, EELV, MoDem, centristes, etc.), mais également dans le camp des « alter-européistes », des « eurocritiques », des « gaullistes » autoproclamés et des prétendus « patriotes ».
Pourquoi ce silence abyssal ?
Pourquoi sinon parce qu’ils sont tous terrorisés à l’idée de dire aux Français la réalité ?
« Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain.
Les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays Bas sont dominés par les Américains. Les Anglais aussi, mais d’une autre manière, parce qu’ils sont de la même famille.
Alors, il n’y a que la France qui ne soit pas dominée. Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington.
De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. Mais plus on veut le faire, et plus la France devient un centre d’attraction.»
C’était de Gaulle, Editions de Fallois, Fayard, 1997, tome 2, p.217
DOCUMENT N°13
- 13 octobre 1965 : DÉCISION DE CHARLES DE GAULLE D’ENTAMER UN CHANGEMENT D’ALLIANCE, EN SE RAPPROCHANT DE l’URSS.
« Ce n’est pas fait pour faire plaisir [aux Allemands]. [Ils] ont pris maintenant une position de dissidence par rapport à notre traité de coopération et d’amitié. Nous ne pouvons pas les en empêcher. L’Allemagne suit sa voie et ce n’est pas la nôtre. […]. Ils avaient été mon grand espoir. Ils sont mon grand désappointement.». »
Quelques mois après le coup d’éclat de la reconnaissance diplomatique de la République populaire de Chine, Charles de Gaulle se décida à briser un autre tabou diplomatique imposé par les Américains : celui dit du « containment », c’est-à-dire l’interdiction d’avoir, avec l’Union soviétique et ses satellites, des relations autres que purement diplomatiques et formelles.
C’est la raison pour laquelle il reçut le ministre des affaires étrangères soviétiques à Paris, Alexeï Gromyko, en 1965, puis qu’il demanda à Maurice Couve de Murville, ministre français des affaires étrangères, de se rendre à son tour à Moscou en octobre 1965.
L’objectif qu’il poursuivait – et qu’il réalisa en effet au cours de l’année 1966 -, était d’entamer une politique de rapprochement spectaculaire avec l’Union soviétique. Son voyage en URSS, qui donna lieu à une couverture médiatique mondiale, posa le principe d’échanges et de consultations réguliers à très haut niveau (la « Grande commission franco-soviétique » notamment).
Ce dispositif n’était pas sans rappeler les intentions formulées dans le traité franco-allemand de l’Élysée du 22 janvier 1963, mais que l’Allemagne avait pour son compte détournées de leur objet comme je l’ai rappelé précédemment. Il s’agissait bien, dans l’esprit de Charles de Gaulle, d’un changement stratégique destiné à contre la manœuvre allemande :
Salon doré [de l’Élysée], 13 octobre 1965Alain Peyrefitte : « Les journalistes sont très impressionnés par la visite que Couve [de Murville] va faire à Moscou ; certains, même, lui donnent un sens électoral et vous prêtent l’idée d’empêcher que les communistes soutiennent Mitterrand [à la prochaine élection présidentielle prévue en décembre 1965]
Charles-de-Gaulle – C’est stupide. Ça avait été décidé au moment de la venue de Gromyko [ministre des affaires étrangères de l’URSS] à Paris. Il lui rend tout simplement sa visite. Seulement, c’est important pour le développement de nos relations avec l’Union soviétique.
Alain Peyrefitte – Ça ne va pas faire plaisir aux Allemands.
Charles-de-Gaulle – Ce n’est pas fait pour leur faire plaisir. Mais les Allemands ont pris maintenant une position de dissidence par rapport à notre traité de coopération et d’amitié. Nous ne pouvons pas les en empêcher. L’Allemagne suit sa voie et ce n’est pas la nôtre. […] Alors, nous ne pouvons plus avoir une politique commune avec elle. […] Les Allemands ont vite oublié. On ne peut pas compter sur eux. Ils avaient été mon grand espoir. Ils sont mon grand désappointement.»
C’était de Gaulle, Editions de Fallois, Fayard, 1997, tome 2, pp.303 305
DOCUMENT N°14
- 27 février 2004 : SIGNATURE DE L’ALLIANCE STRATÉGIQUE GERMANO-AMÉRICAINE POUR LE XXIe SIÈCLE ENTRE LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN GEORGE W. BUSH ET LE CHANCELIER D’ALLEMAGNE GERHARD SCHRÖDER.
Le temps a passé. Charles-de-Gaulle est mort le 9 novembre 1970 et ses successeurs ont très rapidement dilapidé son héritage.À commencer par Georges Pompidou qui, dès le 1er décembre 1969 lors du Sommet européen de La Haye, décida de « relancer la construction européenne » en acceptant le principe de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.
Le 27 février 2004, c’est-à-dire 41 ans après la signature du traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, le chancelier d’Allemagne Gerhard Schröder s’est rendu à Washington pour signer, avec le président américain George W. Bush, un document capital baptisé « Alliance germano-américaine pour le XXIe siècle »
Il est intéressant de lire ce document et de réaliser qu’il grave dans le marbre d’un accord bilatéral entre Washington et Berlin, la même stratégie que celle qui ressortait clairement dans le fameux « protocole interprétatif » voté par le Bundestag allemand le 15 juin 1963. Preuve est ainsi faite que c’est la France qui a changé, ce n’est pas l’Allemagne. Nos voisins d’outre-Rhin ont toujours privilégié – et continuent de privilégier, une alliance avec les États-Unis d’Amérique sur tout autre chose, et en particulier sur la France.
Cette alliance stratégique, qui constitue un véritable bras d’honneur à l’égard des autres pays européens, et en premier lieu à l’égard de la France, fait l’objet d’un consensus CDU-SPD. Elle constitue la négation même du traité de l’Elysée du 22 janvier 1963.
En voici quelques extraits :
« Nous renforçons notre attachement à l’égard de l’OTAN comme point d’ancrage de notre défense commune et comme forum incontournable des consultations transatlantiques.
Nous soutenons le processus en cours d’intégration européenne et soulignons qu’il est important que l’Europe et l’Amérique travaillent ensemble comme partenaires au sein d’une communauté de valeurs.
Nous saluons l’élargissement historique aussi bien de l’OTAN que de l’Union européenne ».
[ Source et texte complet : http://www.diploweb.com/forum/hillard3.htm ]
Cette alliance – qu’aucun parti politique français ne veut présenter à nos concitoyens par peur de briser le mythe du « couple franco-allemand » – constitue le plus bel hommage posthume à la lucidité de Charles de Gaulle.
Elle représente aussi le plus cinglant désaveu pour tous ces contradicteurs qui osaient – et qui osent encore parfois – présenter la prétendue « construction européenne » comme ayant vocation à faire « contrepoids » à l’influence américaine.
L’affiche du Parti Socialiste pour appeler les Français à voter Oui au référendum sur le traité de Maastricht le 20 septembre 1992 apparaît, avec le recul du temps, comme une véritable escroquerie morale et politique. Le PS, avec d’ailleurs beaucoup d’autres forces politiques françaises, a prétendu à nos concitoyens que la « construction européenne » permettrait de « faire le poids » face à l’influence américaine. 31 ans après, le masque est tombé. C’est exactement le contraire qui était vrai, et seul Charles de Gaulle l’avait compris.
DOCUMENT N°15
- 12 novembre 2004 : PLAN DE “RELANCE” DE L’ENSEIGNEMENT DE L’ALLEMAND EN FRANCE ET DU FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
Fondé sur une contradiction de départ, dépourvu de tout soutien politique réel du côté allemand, déconnecté du sentiment réel des populations, le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963 s’est révélé un traité mort-né. Ses réalisations concrètes se sont rapidement effilochées, pour ne plus guère se limiter désormais qu’à des consultations régulières entre dirigeants, comme il en existe avec bien d’autres États du monde.
Aussi, les objectifs poursuivis par le traité de 1963, notamment par l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse, ont-ils été démentis par les faits. Le nombre de jeunes Français qui apprennent l’allemand est passé d’environ 40 % d’une tranche d’âge au milieu des années 60 à environ 15 % à notre époque.
De l’autre côté du Rhin, il en est de même avec la langue de Molière dont l’enseignement est en chute libre.
L’allemand est “devenu une langue rare en France” , tout comme le français est en train de devenir une “langue rare” en Allemagne. Le principal bénéficiaire de cet effondrement étant évidemment l’anglo-américain.
[ Sources nombreuses, et par exemple : http://www.lexiophiles.com/francais/l%E2%80%99allemand-une-langue-rare-en-france ]
L’effondrement de part et d’autre du Rhin est tellement catastrophique que les ministres français et allemand de l’Éducation ont décidé, à l’occasion du 40e anniversaire du traité de l’Élysée en 2003, de procéder à un « Plan de relance de l’allemand en France et du français en Allemagne » : http://eduscol.education.fr/cid45746/plan-de-relance-in-extenso.html
Plus de huit ans après ce document, le constat est encore plus accablant : les deux langues continuent de régresser dans l’enseignement respectif des deux pays, tandis que les deux peuples se tournent de plus en plus le dos, en dépit des dérisoires démonstrations du contraire, avec quelques centaines de jeunes convoqués tout exprès devant les caméras.
CONCLUSION : LE “COUPLE FRANCO-ALLEMAND” EST UN MENSONGE FRANÇAIS
Le plus pathétique dans toute cette affaire, c’est que seuls les Français parlent du « couple franco-allemand ». On l’a vu d’innombrables fois – et on le voit encore ces jours-ci en constatant que la presse et les médias français multiplient les commémorations sur le Traité de l’Élysée de 1963, alors que les médias allemands lui consacrent une part beaucoup plus limitée.
Car le problème des Français, c’est que, pour former un couple, il faut que les deux conjoints soient d’accord.
Or les Allemands ont toujours préféré, – et continuent de préférer -, une alliance avec les États-Unis d’Amérique. Pour de très nombreuses raisons, ils se se sentent beaucoup plus proches des Américains que des Français, notamment par les liens migratoires historiques, et aussi par une plus grande proximité de conception du monde.
Les Allemands sont d’ailleurs à la manœuvre pour mettre sur pied, – à l’insu des peuples et notamment du peuple français -, le « Grand Marché transatlantique » qui devrait consacrer, d’ici quelques années, l’abolition définitive de toute souveraineté politique de l’Europe et de la France vis-à-vis de Washington et de Berlin.
Dès lors, les commémorations officielles des « noces d’or » de ce prétendu « couple franco-allemand » revêtent quelque chose de terriblement artificieux et mensonger. Elles tournent à vide, pendant que la désintégration de notre tissu industriel, la montée en flèche du chômage et l’extension de la pauvreté témoignent de l’absurdité de vouloir « coûte que coûte » que la France ait la même monnaie que l’Allemagne.
Le couple franco-allemand est fondé sur un déni de la réalité et la construction européenne aussi. Or toute l’Histoire mondiale enseigne qu’un système politique qui repose sur un déni de la réalité finit toujours par disparaître.