———— 4 octobre 2020 ———– Référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. LES NÉO-CALÉDONIENS DE TOUTES ORIGINES ONT INTÉRÊT À VOTER POUR LE MAINTIEN DANS LA FRANCE.
Ce dimanche 4 octobre 2020 se tient en Nouvelle-Calédonie le 2e referendum pour ou contre l’indépendance de ce Territoire du Pacifique sud, qui est français depuis 1853, c’est-à-dire depuis plus longtemps que la Savoie et le Comté de Nice.
La situation en Nouvelle-Calédonie est très spécifique. Elle ne correspond que de très, très loin à l’image que peuvent s’en faire ceux qui n’y sont jamais allés ou qui ne connaissent pas le dossier dans toute sa complexité.
Ce 2e referendum invite à faire quelques remarques essentielles pour bien comprendre la situation.
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1°) L’injustice de la composition du corps électoral
À commencer par le fait que nos concitoyens métropolitains installés en Nouvelle-Calédonie après 1994 y sont privés du droit de vote – donc depuis 26 ans -, conformément aux “Accords de Matignon” de 1988.
Que ne dirait-on pas si l’on privait du droit de vote en 2020 des compatriotes français d’ethnie canaque, installés en métropole depuis 26 ans ? Ou bien si l’on privait du droit de vote en 2020 des compatriotes d’origine immigrée, naturalisés français depuis le milieu des années 90 ?
On serait scandalisé et on aurait raison de l’être. Du reste, cette composition est formellement contraire à notre Constitution. Et il a fallu toute la soumission à François Mitterrand des membres du Conseil constitutionnel de l’époque pour estimer que la loi électorale en Nouvelle-Calédonie – qui prive arbitrairement du droit de vote des dizaines de milliers de citoyens français pour un simple motif de convenance politique – serait conforme à notre Constitution !
Sont ainsi exclus du référendum quelque 35 000 électeurs, soit 17% des résidents en Nouvelle-Calédonie en âge de voter. Et ces 17% là voteraient probablement dans une très large majorité contre l’indépendance.
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2°) Les risques d’une indépendance voulue par une petite majorité des électeurs, mais contre une large majorité des habitants
Les auteurs des Accords de Matignon de 1988 ont-ils bien mesuré les troubles majeurs à l’ordre public qui risqueraient de se déclencher si l’indépendance était votée à une faible majorité des électeurs mais contre une large majorité sociologique de l’ensemble des habitants ?
Les partisans de l’indépendance mesurent-ils bien aussi ce qu’il adviendrait de la Nouvelle-Calédonie si des dizaines de milliers de ses habitants – qui comptent souvent parmi les plus actifs et industrieux du Territoire – venaient à émigrer soudain en masse en Australie (où beaucoup ont un pied-à-terre, du côté de Brisbane dit-on) ?
Privée soudain de 20, 30 ou 40% de sa population, privée aussi des subventions continuelles que lui verse la métropole, la Nouvelle-Calédonie s’effondrerait en quelques mois dans la misère.
Elle risquerait alors de devenir la proie des grandes puissances qui regardent le spectacle, et notamment de l’Australie ou de la Chine, qui convoitent l’une et l’autre les ressources en minéraux du Territoire, qui est le 4e producteur mondial de nickel. Ce métal est d’importance cruciale pour la fabrication, entre autres, des aciers spéciaux, mais la demande mondiale et le prix, très volatils l’un et l’autre, sont actuellement fort peu rémunérateurs.
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3°) Se méfier des idées préconçues sur le choix des électeurs
Il faut aussi rappeler que, même si une très large majorité de nos compatriotes d’origine canaque votent pour l’indépendance et que, réciproquement, une très large partie de nos compatriotes d’origine européenne votent contre, il n’est pas rare de trouver aussi l’inverse.
Ainsi, il existe des canaques hostiles à l’indépendance.
Ce sont notamment ceux qui se rappellent les violences, la misère et les injustices de la société tribale d’avant l’arrivée des colonisateurs.
Car, n’en déplaise à un certain angélisme décolonisateur, s’il est exact que la France de Napoléon III, puis celle de la IIIe République, ont commis des crimes et des spoliations pendant toute l’époque coloniale, il n’en est pas moins exact que le monde coutumier mélanésien était fort loin de ressembler à la démocratie athénienne.
Hiérarchisée comme une société de castes, la Nouvelle-Calédonie pré-coloniale était, comme toute les îles de la Mélanésie, ravagée par la cruauté des guerres inter-tribales incessantes, l’anthropophagie rituelle, et la férocité des clans “maîtres des terres” vis-à-vis des clans situés au bas de l’échelle sociale.
Les canaques anti-indépendantistes – qui émanent souvent de clans situés au bas de l’échelle coutumière – redoutent notamment que le départ de la France se solde par une réapparition de l’impitoyable société par caste.
Qui pourrait leur garantir le contraire ?
Nos dirigeants et nos intellectuels parisiens, n’ayant aucune idée des sociétés de l’Océanie pré-contact, et analysant le monde entier selon les seules modes intellectuelles du Boulevard Saint-Germain, voyaient les grands chefs indépendantistes canaques des années 1980-1990 comme de nouveaux Fidel Castro issus du peuple et animés par un idéal socialiste révolutionnaire. Ils ignoraient que beaucoup de ces leaders “socialistes” étaient et sont en réalité les chefs de clans aristocratiques puissants et redoutés dans la société coutumière !
Ainsi :
- le leader du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), Jean-Marie Tjibaou, était le fils du chef de la tribu de Tiendanite ;
- le fondateur du parti Libération kanak socialiste (LKS), Nidoïsh Naisseline, était parallèlement grand-chef coutumier du district de Guahma sur l’île de Maré ;
- membre de l’exécutif du FLNKS) et de l’Union calédonienne (UC), Yeiwéné Yeiwéné appartenait au clan suprême de l’île de Maré et son frère Samuel Yeiwéné était d’ailleurs le maire de Maré ;
- Rock Wamytan, président du FLNKS de 1995 à 2001 et de l’Union calédonienne (UC) de 1999 à 2001, est par ailleurs grand-chef de la tribu de Saint-Louis (est de Nouméa) et du district du Pont-des-Français ;
- Rock Déo Pidjot, président fondateur de l’Union des indigènes calédoniens amis de la liberté dans l’ordre (UICALO, association politique de défense des intérêts des Mélanésiens, liée à la Mission catholique) en 1946, puis premier président de l’Union calédonienne (UC, parti autonomiste dominant la scène locale des années 1950 à 1970, et devenu indépendantiste à partir de 1977) fut le grand-chef de la tribu de La Conception, au nord-est de Nouméa,
- Son fils Jean-Rock Pidjot conseiller municipal d’opposition UC-FLNKS du Mont-Dore (nord de Nouméa) de 2011 à 2014, est par ailleurs le chef de la tribu de La Conception depuis 2012,
- etc.
Il existe aussi des européens favorables à l’indépendance.
Ce sont ceux qui ambitionnent de prendre en mains les rênes du pouvoir local afin de se livrer à toutes les corruptions possibles pour leur profit personnel. Ou bien encore ceux qui ne croient plus en la France et qui rêvent de voir la Nouvelle-Calédonie tomber dans l’escarcelle de l’Australie ou des États-Unis.
Notons encore que, parmi les résidents installés depuis plusieurs décennies en Nouvelle-Calédonie, il existe aussi des milliers de compatriotes qui ne sont ni d’origine canaque, ni d’origine européenne : ce sont ceux qui sont originaires de Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, des anciennes colonies françaises (Indochine, Algérie), ou même originaires de Chine et arrivés au début du XXe siècle. Tous ces électeurs-là votent, de façon écrasante, contre l’indépendance.
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4°) Pourquoi tenir un 2e référendum, moins de 2 ans après le précédent ?
Il faut enfin rappeler que ce 2e référendum fait suite à un premier référendum, tenu voici moins de deux ans – le 4 novembre 2018 -, qui avait vu la victoire sans appel du “non” à l’indépendance avec 56,7 % des votants.
Et si le “non” l’emporte cette fois-ci encore, il est prévu d’organiser un 3e référendum dans 2 ans.
Cet acharnement résulte aussi des Accords de Matignon de 1988.
Après avoir exclu du corps électoral 17 % des habitants en âge de voter et dont on devine qu’ils voteraient contre l’indépendance, ces référendums à répétition tant que le Oui ne l’a pas emporté constituent un simulacre de démocratie.
Il s’agit en réalité de faire voter – encore et encore – les Néo-Calédoniens jusqu’à ce que, de guerre lasse, ils finissent par voter pour l’indépendance.
Les référendums pour l’indépendance calédonienne ressemblent ainsi tristement aux référendums sur la construction européenne et au déni de démocratie qui les accompagne. Ceux qui donnent un résultat négatif sont systématiquement considérés comme provisoires et devant être refaits. Seuls ceux qui donnent un résultat positif sont considérés comme justes, conformes au “sens de l’histoire”, fermes et définitifs.
Cette comparaison pleine de sens en dit long sur la volonté d’autodestruction qui anime les classes dirigeantes françaises et européistes.
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5°) Ceux qui souhaitent le plus l’indépendance ne sont pas forcément ceux que l’on croit
La comparaison qui précède permet en effet de souligner que ceux qui souhaitent le plus l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas forcément les indépendantistes canaques, dont les chefs sont souvent issus des clans aristocratiques de la société coutumière mélanésienne.
Ce sont aussi – et peut-être surtout – un certain nombre de dirigeants politiques français ou de hauts-fonctionnaires, totalement ignorants de l’histoire néo-calédonienne, profondément indifférents au sort de tous ceux qui y vivent, et ayant une clé de lecture – largement anachronique – fondée sur la décolonisation des années 60.
Tous ceux-là – au premier rang desquels Macron et Castex -, n’ont au fond qu’une envie secrète : “se débarrasser” d’un Territoire qui coûte chaque année aux contribuables métropolitains la bagatelle de 1,5 milliard d’euros de subventions…
Et ils sont prêts pour cela à abandonner cet atout majeur que représente, pour la collectivité nationale, pour l’Outre-mer et pour la Francophonie, ce « porte-avions » géopolitique incomparable qu’est la Nouvelle-Calédonie dans ce « lac anglo-saxon » et chinois qu’est l’Océan Pacifique.
Nouméa est la plus grande ville francophone de tout le Pacifique sud. La Nouvelle-Calédonie et la Zone économique Exclusive (ZEE) qu’elle comprend donnent à notre pays une présence capitale dans tout le Pacifique-sud. Ce sont ces atouts de grande puissance que certains, n’en doutons pas, ambitionnent de nous retirer.
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6°) Les principales victimes de l’indépendance seraient nos compatriotes canaques.
Mais ne nous y trompons pas. Les années 2020 ne sont pas les années 1960. Les “décolonisations libératrices” ne font plus rêver, elles ont cédé la place aux “migrants économiques”.
Aux Comores par exemple, les habitants de Mayotte ont obtenu de haute lutte, contre la volonté de Paris, de devenir un département français et surtout de ne pas devenir “indépendants”.
Pourquoi ? Parce qu’il savent qu’à notre époque, appartenir à l’ensemble français est une chance immense en termes de niveau de vie, d’accès aux soins et à l’éducation. Les Mahorais ont d’ailleurs sous les yeux le sort tragique des autres îles des Comores, devenues indépendantes en 1975, qui ont sombré dans la dictature et la misère, et d’où parviennent chaque jour des réfugiés économiques.
Les flux migratoires vers l’Europe occidentale, en provenance du continent africain, du Moyen-Orient ou du sous-continent indien, s’inscrivent dans cette même tendance historique. Ils sont d’abord et avant tout motivés par des raisons économiques.
Il est à ce propos tristement cocasse de constater que les forces politiques métropolitaines françaises qui soutiennent l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie (FI et l’extrême-gauche) sont aussi les mêmes qui militent en faveur d’une ouverture générale de nos frontières aux migrants économiques venus d’Afrique ou d’Asie. La seule cohérence de ce double langage incohérent, c’est en réalité une francophobie passionnelle, où la France et tout ce qu’elle représente a par principe toujours tort.
Ainsi donc, ceux qui auraient le plus à perdre de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et du départ de la France, ce ne seraient pas la France métropolitaine et nos concitoyens qui émigreraient en Australie.
Non, ceux qui auraient le plus à perdre seraient nos compatriotes canaques.
La force des événements les contraindrait à voir s’effondrer les subventions de la métropole, donc leur niveau de vie, leur système éducatif, leur système de santé, leur couverture sociale. Elle les contraindrait à voir arriver en force les entreprises australiennes et chinoises, peu réputées pour leur philanthropie.
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Conclusion : préservons et améliorons le fragile et miraculeux équilibre actuel
Tragique cerise sur le gâteau, les habitants seraient peut-être amenés à voir s’imposer en Nouvelle-Calédonie – devenue “Kanaky” – un scénario déjà vu tant de fois ailleurs.
À savoir qu’un nouveau pouvoir autoritaire, corrompu, violent, injuste et tyrannique pourrait finir par s’imposer. Nos anciens compatriotes pourraient alors regretter amèrement la tutelle légère et bienveillante du Haut-Commissaire de la République française, qui veille aujourd’hui avec succès au maintien de la paix civile sur un Territoire qui bénéficie à la fois d’une très large autonomie interne et de la protection de la France face à toutes les menaces externes et internes.
Le fragile équilibre politique et institutionnel auquel est parvenu ce Territoire splendide est peut-être le meilleur qu’il soit possible de concevoir, compte-tenu de toutes les contraintes.
Nos compatriotes néo-calédoniens, de toutes les origines, ont tout intérêt à le préserver, à l’améliorer de façon pragmatique au fil du temps, et à œuvrer avec bonheur pour un avenir en commun.
François ASSELINEAU
3 octobre 2020
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POST SCRIPTUM
Les lecteurs intéressés peuvent revoir l’entretien que j’avais accordé à “Radio Rythme Bleu” – située à Nouméa – le 24 septembre 2018 lorsque je m’étais rendu en Nouvelle-Calédonie pour y faire campagne pour le Non à l’indépendance.
Le passage concerné pertinent commence à 4 min 12 s.
J’avais pris l’engagement de retourner en Nouvelle-Calédonie pour le 2e référendum de l’automne 2020.
Malheureusement, les contraintes de la Covid-19 (qui imposent de rester enfermés 15 jours en quarantaine dès l’arrivée sur le Territoire avant de commencer à pouvoir s’y déplacer) étaient incompatibles avec mes obligations par ailleurs.