IMMOBILIER == Quels sont les effets de la Covid-19 sur le marché de l’immobilier (situation début octobre 2020)

Lecture : 17 min
Les effets de la Covid-19 sur le marché de l'immobilier.

Les effets de la Covid-19 sur le marché de l’immobilier résidentiel (neuf et ancien) comme sur le marché de l’immobilier professionnel (bureaux, locaux commerciaux et industriels) sont importants.

Pour mesurer l’impact de cette crise sanitaire sur le marché de l’immobilier, le mieux est de commencer par observer la réaction des banques face à cette crise (évolution des taux d’intérêts et des conditions générales d’accès au crédit) et par conséquent les conditions d’accès à la propriété des ménages en particulier.

1) Effets de la crise sanitaire sur les taux d’intérêts bancaires

Les taux d’intérêts pour l’accession à la propriété restent historiquement bas.

À partir de janvier 2020, les banques, notamment sous l’effet des recommandations du “Haut Conseil de Stabilité Financière” (HCSF), ont exigé un apport au moins égal aux frais notariés de rédaction d’acte (environ 8,0% du prix d’acquisition d’un bien immobilier dans l’ancien) pour obtenir un crédit, à l’exception de quelques organismes dédiés à certaines catégories de fonctionnaires qui restaient quant à eux plus souples sur la question de l’apport (ces organismes proposent toutefois des taux d’intérêts à long terme bien supérieurs à ceux des banques privées).

La crise sanitaire a toutefois provoqué un allongement du délai de traitement des dossiers et une hausse soudaine des taux d’intérêts pour les crédits immobiliers destinés à l’accession à la propriété, passant de la fourchette 0,9% / 1,35% au premier trimestre selon la qualité des dossiers, à la fourchette 1,25% / 1,8% à partir du mois de juin.

Selon plusieurs courtiers, ces facteurs déterminant ont ainsi eu pour premier impact, dès la sortie de la période de confinement, d’empêcher 40% des dossiers des ménages d’aboutir, bien que ces ménages aient eu théoriquement la capacité d’emprunter suffisamment pour acquérir le bien immobilier qui répondait à leurs besoins avant la mi-mars. Selon l’Observatoire du Crédit Logement, il semble toutefois que les taux d’intérêts se stabilisent depuis le mois d’août.

=== Ce qu’il faut retenir ===

  • La covid-19 a entraîné une légère hausse des taux depuis la levée du confinement
  • 40% de dossiers passaient avant le confinement et ne passent plus après.

2) Impact de la Covid-19 sur le marché de l’immobilier résidentiel

Dans l’immobilier ancien, les professionnels évaluent que 180.000 transactions ont déjà été “non-réalisées” sur l’année 2020 probablement à cause de la crise de la covid 19.

Et cela même si les mois de juin et de juillet ont été inédits en terme de reprise, puisque le volume des mutations dans l’ancien y a été bien supérieur aux moyennes jamais enregistrées sur les mêmes périodes.

Alain Dinin, président de Nexity qui est le plus gros promoteur immobilier français, explique quant à lui que 100.000 logements neufs prévus à la livraison en 2020 ne pourront l’être à cause de l’arrêt des chantiers en cours pendant la période de confinement.

Il alertait déjà, au mois de juin, sur l’impact que cette absence de biens neufs disponibles prévue en fin d’année pourrait avoir à moyen terme sur la hausse des prix, du moins dans les grandes villes et leurs banlieues, compte-tenu des besoins croissants de la population française en terme de logements.

Ajoutons à cela que l’on assiste à des évolutions différenciées entre :

  • de nombreuses zones rurales ou de montagne en voie de désertification, où les prix de l’immobilier résidentiel stagnent ou baissent ;
  • des villes moyennesle prix de l’immobilier résiste ;
  • des grandes villes et leurs banlieues, les prix continuent d’autant plus d’être à la hausse que la demande reste forte et que la demande étrangère fait grimper les centres-villes à des niveaux astronomiques.

    Ces achats venus de très riches étrangers résidant dans le monde entier – que l’on constate dans l’hyper-centre de Paris, ou dans des lieux de villégiatures renommés (Côte d’Azur, stations de ski dans les Alpes, stations balnéaires sur la façade atlantique, etc.) – résulte directement de la libre circulation des mouvements de capitaux imposée par les traités européens.

    Ces achats sont très minoritaires en nombre mais ils peuvent influer sur le niveau général des prix car ils se répercutent par contrecoup sur les quartiers ou les banlieues les plus proches où des Français aisés sont contraints de se rabattre, faute de pouvoir continuer à acheter dans les quartiers centraux. Le phénomène est patent à Paris par exemple, où les quartiers autrefois jugés populaires deviennent de plus en plus cher, de même que la banlieue la plus proche.

    Il est aussi à noter que le confinement du printemps semble avoir fait croître l’intérêt pour des résidences principales situées en banlieue avec des jardins privatifs, notamment de la part de familles avec des enfants en bas âge. Il est cependant encore trop tôt pour savoir s’il s’agit d’une nouvelle tendance de fond.

Conclusion ?

La Covid-19 a provoqué une baisse de l’offre sur le marché de l’immobilier résidentiel en général alors que la demande, affaiblie par des taux d’intérêt en hausse sur le deuxième trimestre 2020, reste néanmoins soutenue à horizon prévisible. Les professionnels anticipent donc un “ralentissement de la hausse des prix” sur le marché résidentiel, mais pas une “baisse”. C’est d’ailleurs ce qu’ils observent actuellement sur le terrain.

C’est également l’analyse de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). Dans son bulletin d’information du mois de juin, la FNAIM a souligné que que “même en cas de crise économique aggravée, comparable à celle de 2009, un effondrement des prix semble très peu probable. Historiquement, même en période de crise, il a rarement été observé une surabondance d’offres par rapport à la demande, et le marché immobilier fait preuve d’une certaine inertie”.

=== Ce qu’il faut retenir ===

  • Suite à la Covid-19, la plus grande probabilité est qu’il n’y aura pas de baisse globale des prix sur le marché immobilier résidentiel, ni maintenant, ni à moyen terme.
  • Les évolutions sont néanmoins différenciées entre les zones où les prix continuent de flamber, celles où ils ne font que se maintenir, et celles où les prix baissent.

3) Effets du confinement sur l’immobilier professionnel

3.1. – Les locaux d’activité et industriels

Ceux qui suivent l’UPR ne seront pas surpris d’apprendre que l’on observe, depuis déjà une dizaine d’années, que les besoins en locaux d’activité et industriels – et donc la demande – sont en baisse en France. Cette tendance lourde résulte des délocalisations continuelles et de l’atonie de notre économie.

Les propriétaires de ce type de biens, souvent des investisseurs institutionnels, qui trouvaient il y a dix ou quinze ans des taux de rentabilité pouvant parfois atteindre 10,0%, doivent se satisfaire aujourd’hui d’une rentabilité à 7,0% ou 6,0% sur ce segment. Ils ont tendance à préférer l’acquisition de surfaces de bureaux plus rentables.

3.2. – Les locaux de bureaux

Les entreprises privées du secteur tertiaire, toujours en capacité de s’adapter rapidement, ont organisé leurs équipes en travail “nomade” durant la période de confinement, leur permettant ainsi de maintenir leurs services.

Suite à la crise Covid-19, le télétravail est alors devenu la norme pour quelques mois pour de nombreux employés. Les entreprises ont ainsi pu mesurer concrètement leur capacité ou non à maintenir une qualité de services sans pour autant être contraintes d’occuper des bureaux.

Un certain nombre de responsables en ont tiré la conséquence de proposer à de nombreux employés de maintenir cette organisation. Le mouvement du “travail à la maison” qui suivait déjà les évolutions techniques s’est ainsi brusquement accéléré pendant la crise sanitaire.

Dans son bulletin d’information lié à ce sujet, la Banque de France souligne que “le développement du télétravail pourrait fortement modifier la structure des coûts et le bilan des entreprises françaises et se révéler significatif au niveau macroéconomique”. Les besoins en surfaces de bureaux nécessaires continueront ainsi de diminuer plus vite que ne le laissaient apparaître les prédictions d’avant crise.

3.3.- Les locaux commerciaux

Les exploitants de locaux commerciaux de centre-ville (commerçants, restaurateurs, spectacles et tourismes, etc) ont vu leur activité arrêtée durant la période de confinement (et cela pourrait s’étendre jusqu’en avril 2021 pour certains d’entre eux). Ils se retrouvent aujourd’hui dans une situation telle qu’ils ne peuvent plus verser les loyers dus.

Si l’État a décrété une suspension du versement des loyers durant la période de l’état d’urgence (et jusqu’à deux mois après la fin de celle-ci) et si une grande partie des  bailleurs ont fait des efforts significatifs pour lisser les règlements – souvent sur plusieurs mois -, il n’en demeure pas moins probable que les baisses de chiffre d’affaires vont contraindre bon nombre de professionnels à baisser le rideau d’ici quelques mois, laissant de nombreux locaux commerciaux libres d’usage.

=== Ce qu’il faut retenir ===

  • Les effets de la covid-19 sur le marché immobilier professionnel sont dus, en partie, au développement accéléré du télétravail
  • Le marché de l’immobilier professionnel a un horizon passablement bouché
  • Les investisseurs institutionnels vont certainement réorienter une bonne part de leurs capitaux vers le parc immobilier résidentiel.

Conclusions

Baisse de l’offre et demande toujours soutenue sur le marché résidentiel, des investisseurs institutionnels qui réorienteront certainement une grande partie de leurs capitaux sur ce segment du marché plutôt que sur l’exploitation de bureaux ou de commerces dans les centres-villes, sont les conséquences de la crise sanitaire sur l’immobilier en France.

La question de la réévaluation des taux d’intérêts, qui, il faut insister là-dessus, restent historiquement bas, sera malgré tout l’enjeu majeur dès le premier trimestre 2021 pour les ménages cherchant à accéder à la propriété et pour les professionnels de l’immobilier qui les soutiennent en faisant déjà pression auprès des élus et des banques.

En 2018, 57,6% des français étaient propriétaires de leur logement.

Ce taux de propriétaires en France était en forte augmentation depuis les années 1980. Il a commencé à ralentir à partir du début des années 2000, puis à stagner à partir de 2007, montrant ainsi une difficulté croissante à acquérir un bien immobilier pour les ménages.

En 2017, le taux de propriétaires allemands était quant à lui de 51,4%. Là-encore ce taux stagne depuis 2008.

À l’exception du Royaume-Uni, les Européens du nord sont moins souvent propriétaires que les Européens du sud. Mais on note partout que ce taux est en moins forte augmentation depuis 2008 sur le continent.

Dans son programme présidentiel de 2017, François Asselineau soulignait sa volonté de favoriser l’accession à la primo-propriété de la résidence principale.

Les mesures pour la création d’emplois et pour l’augmentation du pouvoir d’achat des Français grâce à la sortie de l’Union Européenne permettront notamment d’atteindre cet objectif.

Vincent POIRET
Membre titulaire du Bureau national de l’UPR
Responsable national pour l’urbanisme et le logement
12 octobre 2020

Sources :

Outre mes expériences personnelles et professionnelles et mes échanges avec mon réseau, cette note s’appuie sur les sources suivantes :

OBSERVATOIRE DU CREDIT LOGEMENT août 2020 :

Bulletin de la FNAIM de juin 2020

ALAIN DININ, Président de NEXITY, sur BFM BUSINESS le 25 juin 2020

LE MONDE 14 septembre 2020

Bulletin de la BANQUE DE FRANCE n°231 sur le télétravail

DALLOZ ACTUALITES septembre 2020 sur la suspension du versement des loyers

INSTITUT DE L’EPARGNE IMMOBILIERE ET FONCIERE – Les peuples propriétaires en Europe (Etude de 2015)

INSEE – propriétaires / locataires

EUROSTAT statistiques sur le logement

LE POINT – des squatteurs empêchent l’accès d’une maison au propriétaire (16/09/2020)

FIGARO LIVE – Youtube 16/09/2020

– RTL – La ministre déléguée au Logement soutient un projet de loi qui devrait rendre bien plus rapides les procédures d’expulsion des squatteurs (14/09/2020)

INSEE – Statistiques du logement

SNE – Evolution de la demande de logements sociaux :

LES ECHOS 28/01/2020 – Une année 2019 en demi-teinte :

PROGRAMME PRESIDENTIEL DE FRANCOIS ASSELINEAU :