Selon l’analyse très minutieuse d’un statisticien australien, L’ÉTUDE PUBLIÉE PAR LE “LANCET” CONTRE L’HYDROXYCHLOROQUINE EST PROBABLEMENT ENTIÈREMENT FALSIFIÉE.

Lecture : 40 min

Sapan Desai, PDG de Surgisphere, la société qui a fourni les données à l’étude.

Nous publions ci-dessous la traduction (avec les réserves d’usage) des principaux extraits d’une analyse longue et minutieuse, réalisée par un blogueur australien, de l’étude publiée le 22 mai 2020 par le Lancet contre l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19.

Cette analyse a été publiée hier, 30 mai 2020, par Peter Ellis, un statisticien professionnel australien, sur son blog qui a été récompensé comme faisant partie des 50 meilleurs blogs de statisticiens au monde.

Peter Ellis analyse de façon très précise les conditions absolument nécessaires pour qu’une étude scientifique puisse récolter plus de 96 000 dossiers médicaux dans 671 hôpitaux à travers le monde, et en un temps limité.

Comme c’est l’une de ses spécialités professionnelles, il attire l’attention du lecteur sur toute une série de conditions – de nature juridique, financière, organisationnelle, temporelle, etc. – qu’il serait impératif de réunir pour mener à bien une semblable opération qui n’a aucun précédent.

Or l’auteur, qui a étudié de très près la société Surgisphere qui est censée avoir procédé à cette opération en quelques semaines, grâce à un prétendu logiciel de traitement de données QuartzClinical, est formel : il s’agit d’une minuscule start-up – de 4 ou 5 salariés – qui n’a ni les ressources financières, ni la notoriété, ni les nombreuses équipes pluridisciplinaires, ni les références, ni aucune preuve de quelque nature que ce soit, qui permettrait de penser de façon rationnelle qu’elle a pu réaliser un pareil tour de force.

L’auteur – qui pointe aussi rapidement les incohérences et les impossibilités de l’article publié par le Lancet et qui découvre au passage que le PDG de Surgisphere, Sapan Desai, n’a pas hésité à se prévaloir de prétendus prix scientifiques qu’il n’a jamais obtenus – en conclut que l’explication la plus probable de l’étude publiée par The Lancet est qu’il s’agit d’une escroquerie et que les données statistiques qu’elle invoque sont entièrement inventées.

Si tel se révèle bien être le cas, il s’agit d’un scandale mondial.

Il devrait conduire à une révision de fond en comble du fonctionnement de l’OMS et de notre “Haut Conseil de la santé publique” – et à la démission d’Olivier Véran, qui ont tous décidé l’arrêt immédiat de l’administration de l’hydroxychloroquine dans les heures suivant la publication de ce qui apparaît de plus en plus comme une gigantesque escroquerie.

FA
31 mai 2020

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Le blog de Peter Ellis, Wellington, Nouvelle-Zélande

Détenteur d’un master de Statistiques appliquées de l’Université nationale d’Australie, Peter Ellis est un statisticien professionnel de nationalité australienne.

Il a été directeur des tendances sectorielles au ministère néo-zélandais des affaires, de l’innovation et de l’emploi. Son travail comprenait des enquêtes complexes et d’autres collectes et analyses de données pour aider à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes concernant les moteurs de la croissance économique et les problèmes sociaux en Nouvelle-Zélande.

Il a travaillé pendant quatorze ans dans l’aide à l’étranger, principalement dans l’évaluation de programmes et l’information sur la performance, mais aussi dans la gestion de programmes, notamment en tant que conseiller pour la coopération au développement à l’ambassade d’Australie à Dili, au Timor oriental. Il dispose aussi de cinq ans d’expérience dans la gestion d’équipes d’analyse.

Son blog “Free Range Statistics” a été récompensé comme faisant partie des 50 meilleurs blogs de statisticiens.

Résumé : Surgisphere, une toute petite startup qui prétend fournir de grandes données du monde réel pour des études scientifiques sur la santé, fabrique probablement des données à grande échelle.
30 mai 2020

Texte original en anglais : http://freerangestats.info/blog/2020/05/30/implausible-health-data-firm

Une étude évaluée par des pairs qui a probablement utilisé des données fabriquées

Si vous suivez la recherche de traitements au COVID-19, et peut-être même si ce n’est pas le cas, vous aurez vu une vague de couverture médiatique pour l’étude d’observation dans The Lancet : “Hydroxychloroquine ou chloroquine avec ou sans macrolide pour le traitement du COVID -19: une analyse du registre multinational”. […]

Les données de cette étude et d’au moins une préimpression sur un deuxième traitement ont été fournies par une société de l’Illinois appelée Surgisphere. Les données représenteraient les résultats de traitement et de santé de 96 032 patients de 671 hôpitaux sur six continents. Cependant, il n’y a tout simplement aucun moyen plausible de penser que les données sont réelles.

Je le redis encore une fois – je pense qu’avec une très grande probabilité, les données derrière cette étude du Lancet très médiatisée et à conséquences importantes – sont complètement fabriquées.

Si Surgisphere peut nommer les 671 hôpitaux participants ou prouver autrement que les données sont réelles, je retirerai cette déclaration, supprimerai ce message ou rédigerai toutes les excuses humiliantes qu’ils souhaitent. Mais je pense qu’il n’y a presque aucune chance que cela se produise.

La société Surgisphere pourrait-elle vraiment avoir des données sur les patients de 671 hôpitaux ?

Je suis loin d’être le premier à demander plus d’informations sur cette incroyable nouvelle base de données dont personne n’avait entendu parler, et ils ont eu une semaine pour expliquer.

Voici ce qu’ils ont donné comme explications :

    Le registre Surgisphere est une agrégation des dossiers de santé électroniques non identifiés des clients de QuartzClinical, le programme d’apprentissage automatique et la plate-forme d’analyse de données de Surgisphere. Surgisphere s’intègre directement aux DSE de nos clients hospitaliers pour leur fournir des informations exploitables sur les données afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité. Dans le cadre de ces accords avec les clients QuartzClinical, Surgisphere, en tant que collaboration mondiale de données sur les soins de santé, est autorisée à inclure les données de DSE de ces hôpitaux dans son registre / base de données interrogeable de rencontres de patients en temps réel et en temps réel. []

    Bien que nos accords d’utilisation des données avec ces institutions nous empêchent de partager des données au niveau des patients ou des noms de clients, nous sommes en mesure d’effectuer des analyses appropriées et de partager les résultats agrégés avec la communauté scientifique au sens large.
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NOTA : «DSE» désigne le « Dossier de Santé Électronique », c’est-à-dire les données personnelles des patients.

Franchement, cela ne passe pas le test du rire.

Je peux imaginer pourquoi des clients des hôpitaux ne voudraient pas être nommés, car s’il s’avérait qu’ils permettaient à leurs données d’être expédiées dans l’Illinois et d’y d’être analysées à volonté – l’article du Lancet dit qu’il estime qu’une approbation éthique n’a pas été nécessaire – il y aurait sûrement un tollé. Ce serait un scandale beaucoup plus important que lorsque Facebook a fourni des données à Cambridge Analytica. Après tout, ce que nous publions sur Facebook est perçu par beaucoup de gens comme quasi public.

Mais imaginez que vos dossiers de santé électroniques – données démographiques des patients, antécédents médicaux, médicaments, allergies, résultats de laboratoire, résultats de radiologie – soient remis à Cambridge Analytica !

En Australie, nous avons récemment eu une grande controverse publique sur le partage des dossiers de santé entre les prestataires de santé. Je ne peux même pas imaginer la réaction s’il s’avérait qu’ils étaient partagés avec des chercheurs étrangers sans autorisation ni connaissance !

Et le fait que les hôpitaux ne soient pas nommés par Surgisphere signifie qu’aucun patient d’un hôpital dans le monde ne sait si ses données sont utilisées ou non dans cette étude.

Mais attendez, pourriez-vous m’objecter, ces données ne sont pas collectées par une entreprise véreuse comme Cambridge Analytica, elles sont paraît -il intégrées au « système mondial collaboratif de données sur la santé » de Surgisphere.

(Je rappelle ici que je pense que ces données n’existent tout simplement pas mais je suppose qu’elles existent pour poursuivre leur raisonnement).

Très bien.

Examinons alors ce qu’est cette société Surgisphere.

Surgisphere compte cinq employés avec des comptes LinkedIn.

Outre le PDG et co-auteur du journal Lancet, ce sont un vice-président du développement commercial et de la stratégie, un vice-président des ventes et du marketing et deux rédacteurs scientifiques (en fait, un rédacteur scientifique et un rédacteur Science, ce qui n’inspire pas confiance dans leur souci du détail lors de l’édition). LinkedIn enregistre également un employé de QuartzClinical – un directeur du marketing des ventes.

Si vous étiez vraiment en train de travailler pour une véritable collaboration mondiale de données sur les soins de santé, qui aurait vendu des logiciels à 671 hôpitaux et intégré à leurs systèmes de Dossiers de santé électronique (DSE), et qui coordonnerait une collaboration internationale en cours dans le domaine de la recherche sur la santé, voici quelques-unes des personnes avec lesquelles vous devriez vous attendre à travailler :

  • Un gestionnaire de réseau mondial et des coordonnateurs
  • Une équipe de liaison hôpital / client
  • Du personnel de soutien et un service d’assistance
  • Des formateurs et des développeurs de matériel de formation
  • Des chercheurs
  • Une équipe juridique pour traiter des questions de confidentialité et de contrat dans le traitement de plus de 670 hôpitaux. Je suis sûr que les problèmes juridiques posés par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne occuperaient à eux seuls une équipe juridique substantielle
  • Des développeurs de logiciels ou de bases de données. Il serait peut-être utile de disposer d’un ou deux humbles développeurs informatiques spécialistes de l’extrait-transformation-chargement pour obtenir ces milliards de lignes de données de transactions dans une base de données
  • Des administrateurs de bases de données et des ingénieurs de données
  • Des spécialistes des solutions d’intégration de Dossiers de santé électronique (DES)
  • Un responsable de la gouvernance des données
  • Et, si l’un des éléments ci-dessus est externalisé, une équipe d’approvisionnement pour gérer tous les sous-traitants

Surgisphere ne compte aucune de ces personnes, à l’exception du seul Sapan Desai qui fait également office de directeur général et de chercheur médical (ce qui est une bonne indication de la taille de l’entreprise – la plupart des PDG ne sont pas également des chercheurs de publication actifs).

Car à en juger par son profil LinkedIn, son équipe est composée de trois directeurs commerciaux et de deux rédacteurs scientifiques.

Ni Surgisphere ni aucun de ses collaborateurs n’est par ailleurs présent sur GitHub.

Il n’y a nulle explication nulle part sur l’impressionnante ingénierie des données qui serait nécessaire pour débattre de toutes ces données.

Il n’y a :
– aucun article de journal,
– aucun compte-rendu de conférence,
– ni même aucun article sur aucun blog décrivant son réseau, les interfaces de programmation d’application (API) qui le connectent, à quel point ils sont fiers de leur cluster Hadoop sur AWS, quelle plate-forme de base de données ils utilisent, etc., etc., etc.

Bref, il manque tous ces éléments qui émanent de vraies entreprises ayant réalisé des innovations impressionnantes (ce qui serait le cas de la première base de données hospitalières au niveau mondial, si elle était réelle).

Pourtant, Surgisphere prétend avoir vendu des logiciels à 671 hôpitaux.

Combien en coûterait-il pour déployer un logiciel d’analyse de données d’apprentissage automatique dans un hôpital et l’intégrer aux Dossiers de santé électronique (DES) ?

Ce n’est pas une intégration légère et facile, comme installer un package de statistiques sur un PC et lui donner une connexion ODBC à une base de données. L’intégration aux systèmes de DSE et la façon dont ils nous disent qu’ils utilisent les données signifierait, au minimum, l’envoi de toutes ces données vers le cloud.

Cela signifie que vous devriez :
– traiter avec des architectes de réseau et de sécurité,
– disposer de tests extrêmement robustes et d’une sécurité à toute épreuve (rappelez-vous, il s’agit de certaines des données conservées les plus sensibles au monde),
– passer dans chaque hôpital par on ne sait qui en charge de la paperasse,
– convaincre plein d’administratifs traitant ces données du bien-fondé de ce que vous faites.

Je ne sais pas quel en serait le coût, mais une dépense de 1 million de dollars par déploiement dans chaque hôpital ne doit pas être loin du compte. Certainement pas moins de 300 000 $ par établissement.

Donc, Surgisphere devrait être une entreprise d’un milliard de dollars si cela est fait 670 fois.

Mais ce n’est clairement pas le cas.

En réalité, Dun et Bradstreet estiment le chiffre d’affaires annuel de Surgisphere à 45 245 $. Vous ne pourriez même pas faire la phase de découverte d’un projet d’intégration de DSE dans un seul hôpital pour ce prix, sans parler de déployer quoi que ce soit.

Bien sûr, l’intégration du DSE est une chose réelle, et elle est généralement effectuée pour déplacer les informations des patients en toute sécurité. Par exemple, une rapide recherche Google renvoie sur une présentation utile de l’intégration du DME (DME et DSE sont essentiellement des termes interchangeables) dans la région des Grands Lacs.

Je remarque que Surgisphere y est manifestement absent de la liste des présentateurs figurant sur la diapositive 10 de cette présentation :

Cette absence de Surgisphere rend assez surprenant (mais pas vraiment) le fait qu’ils prétendent, dans l’article du Lancet, avoir des données sur la plupart des cas hospitaliers COVID-19 en Amérique du Nord diagnostiqués avant le 14 avril 2020 : 63 315 de ces cas dans l’étude selon le tableau S1, ce qui aurait été une nette majorité de tous les cas hospitalisés.

Qu’en est-il du logiciel QuartzClinical ?

Qu’en est-il de ce logiciel QuartzClinical qui aurait été vendu à 671 hôpitaux et qui est censé expédier les données à Chicago ?

Il a son propre site Web. Il prétend utiliser « l’apprentissage automatique et l’analyse statistique avancée » pour aider à la prise de décision. Il est à noter qu’il « intègre avec succès votre dossier de santé électronique, votre système financier, votre chaîne d’approvisionnement et vos programmes de qualité sur une seule plateforme ».

Révisons mon estimation de 1 million de dollars à 10 millions de dollars sur trois ans, au minimum, si cela signifie que vous remplacez ces éléments par une seule plate-forme…

Mais cela signifie probablement simplement un entrepôt de données qui tire parti de vos différentes sources de données, et qui a une couche analytique et un moteur de recommandation en plus. Des trucs simples de business intelligence, mais toujours un gros projet pour un hôpital.

Je ne peux pas en dire plus car le site QuartzClinical est très léger sur les détails.

Il ne contient aucun témoignage client.

Il ne parle pas de ce qui se cache sous le capot.

Il ne contient aucune information sur les versions, l’historique ou la feuille de route à suivre.

Il prétend cependant avoir remporté quelques prix.

Examinons cela :

 1°) QuartzClinical aurait obtenu le “Grand prix de la qualité au 39e Congrès mondial des hôpitaux de la Fédération internationale des hôpitaux 2015” ?

C’est faux ! Ce prix a été décerné au Texas Children’s Hospital pour « Advanced Population Health – the rôle critique des systèmes de prestation de soins ».

2°) QuartzClinical aurait obtenu le “Deuxième prix du Dr Kwang Tae Kim Grand Award, Fédération internationale des hôpitaux 41e Congrès mondial des hôpitaux, 2017” ?

C’est faux ! Non, les deux mentions honorables ont été décernées à «Atteindre une grande fiabilité grâce à la coordination des soins pour les patients qui nécessitent une intervention chirurgicale d’urgence» par le Northwest Community Hospital, États-Unis et à « l’application de l’amélioration du système d’alerte clinique pour réduire l’événement d’arrêt cardiaque inattendu à Taiwan (Hôpital général de Yuan, Taïwan) ».  Aucun de ces deux bénéficiaires ne ressemble à quelque chose dont QuartzClinical aurait fait partie.

3°)  QuartzClinical aurait obtenu la récompense de l’ “Institute for Healthcare Improvement – Four of the Best from the IHI Scientific Symposium (2017)” ?

Je n’ai pas pu trouver la trace de ce «prix», il est donc possible qu’ils aient vraiment été répertoriés dans la liste des «quatre des meilleurs». La seule mention de Quartz Clinical sur le site ihi.org est en tant qu’exposant au symposium 2018. Il est donc possible qu’ils aient également exposé un an plus tôt et aient obtenu une sorte de reconnaissance.

4°)  QuartzClinical aurait obtenu le Prix ​​”McKesson Quest for Quality de l’American Hospital Association” pour 2017 ?

Ce prix est allé au Memorial Medical Center de Springfield dans l’Illinois. D’après leur description de la façon dont ils ont gagné, je ne vois rien qui semble lié à un logiciel comme QuartzClinical. Au lieu de cela, ils ont fait des choses comme changer le processus de traitement des fractures de la hanche et ont placé des mains courantes dans les chambres d’hôpital.

Cependant, selon son profil LinkedIn, le PDG de Surgisphere, Sapan Desai, a travaillé pour le Memorial Medical Center de mi-2014 à mi-2016 en tant que directeur de «Quality Alliance and Predictive Analysis». Il est donc plausible qu’il ait joué un rôle quelconque dans le programme qui les a amenés à remporter le prix, même si QuartzClinical n’était pas impliqué.

5°)  QuartzClinical aurait obtenu le Prix “Frost et Sullivan Healthcare Innovation Technology Award 2019” ?

Oui, cette fois c’est vrai, Surgisphere semble avoir vraiment gagné ce prix […avec 53 autres entreprises !]

Cependant, la page Wikipedia de Frost et Sullivan précise que ces récompenses sont « basées sur des recherches utilisant une méthodologie propriétaire, qui est parfois basée sur un seul article produit par le destinataire du prix », les décrivant comme un prix de vanité que le bénéficiaire paie des frais pour communiquer...

Je ne peux pas en juger.

En plus de ces cinq récompenses, il y a un communiqué de presse [du 30 avril 2018] disant que Sapan Desai «a reçu une mention honorable pour ses réalisations exceptionnelles en matière de qualité et de sécurité des patients, de responsabilité sociale des entreprises, d’innovations dans la prestation de services à un coût abordable, de leadership en soins de santé et de pratiques de gestion » lors de la cérémonie du Grand Prix “Dr. Kwang Tae Kim de l’IHF à Taipei, Taiwan” en 2018.

Cela semble faux.

Les prix du Dr Kwang Tae Kim sont destinés aux hôpitaux et aux organisations de soins de santé, et non aux particuliers.

Les cinq mentions de Sapan Desai sur le site Web de l’IHF se rapportent à des conférences qu’il a données. Il n’y a aucune mention de prix lui ayant été attribué. Le fait que son propre communiqué de presse annonçant sa « mention honorable » ne renvoie à aucune source faisant autorité pour cela est suspect en soi.

——

Résumons [les affirmations de Surgisphere, QuartzClinical et Sapan Desai sur les prix et distinctions scientifiques qu’ils auraient obtenus. Vérification faite, on y trouve ] :

– une affirmation correcte
(Frost et Sullivan),

– une affirmation exagérée (le prix du Memorial Medical Center, qui n’était pas pour QuartzClinical mais qui avait un lien plausible avec Desai),

trois affirmations apparemment fausses (concernant la Fédération internationale des hôpitaux),

– et une affirmation incertaine (l’Institute for Healthcare Improvement).

J’ai été particulièrement intrigué par le Grand Prix de la Qualité IHF 2015. Cela semble être une revendication spécifique et facilement réfutable ; et en plus d’être sur le site QuartzClinical, elle est répétée par Sapan Desai en tant qu’individu, par exemple dans sa biographie pour cet événement en 2018 :
« Il est le destinataire du grand prix international de la qualité des soins de santé par la Fédération internationale des hôpitaux en 2015. »

Travaillait-il peut-être au Texas Children’s Hospital ?
Non, il n’y travaillait pas.

C’est alors que je suis tombé sur cette information annonçant un « prix de qualité supérieure » lors de ce 39e congrès de l’IHF 2015. Malgré le titre, le texte rapporte que Desai a reçu le « premier prix de la meilleure présentation » pour son « Amélioration du succès de la gestion stratégique utilisant le Big Data ».

Il n’y a aucune trace de ce prix sur le site de l’IHF, bien qu’il ait certainement fait cette présentation. Il est plausible qu’il ait reçu une récompense pour la meilleure présentation.

Je pense maintenant qu’à un moment donné, dans la présentation ultérieure de son CV, cette [récompense pour une bonne présentation] a évolué pour devenir le…« Grand prix de la qualité des soins de santé » !

Il me semble que les autres affirmations de Prix apparemment fausses, si elles ont un fondement, ne sont dans le meilleur des cas que des présentations exagérées de récompenses de conférence ou des mentions honorables pour des discussions qui ont été ensuite présentées de façon fallacieuse comme étant des Prix importants pour des logiciels.

Sinon, comment pourrions-nous savoir que ces prix avant 2019 n’étaient pas pour QuartzClinical ?

Eh bien, il n’a été lancé qu’en janvier 2019, comme le montre ce «blog de revue» qui ne fait que répéter de manière transparente les communiqués de presse in extenso.

——

Que retenir de tout ça ?

QuartzClinical est une description d’un logiciel qui semble combiner l’entreposage de données de plusieurs sources avec une couche analytique qui fournit ensuite des algorithmes d’aide à la décision.

L’analyse est apparemment effectuée hors des locaux du client (car nous savons que Surgisphere affirme qu’il conserve toutes les données pour une utilisation future).

Les sources de données comprennent à la fois les dossiers financiers et les dossiers de santé électroniques et nécessiteraient au minimum une ingénierie des données et des pipelines modérément complexes pour le déploiement.

L’entreprise qui en est propriétaire n’a aucune capacité de gestion de projet TIC (technologies de l’information et de la communication), ni de développement de logiciel, ni de déploiement ou de support.

Il existe très peu de références à ce logiciel sur le Web, à part son propre matériel promotionnel.

Il a une entrée dans venddy.com, un site qui permet aux vendeurs et aux acheteurs de systèmes de santé de se réviser mutuellement, mais il n’y a aucun avis d’utilisateurs.

Le matériel promotionnel apparaît sur le Web à partir du début de 2019, nous savons donc qu’il a environ un an.

Le propriétaire est repéré comme exagérant son CV bien au-delà de la tromperie (par exemple une simple « mention honorable » pour avoir fait une présentation, qui évolue avec le temps en « Grand Prix de Qualité »).

Quelle est la probabilité qu’un nouvel outil d’analyse de données basé sur le cloud, qui s’intègre aux systèmes de données les plus sensibles des hôpitaux (finances et dossiers de santé électroniques) et qui transfère ces données à travers les frontières internationales, passe de 0 réalisation à un déploiement dans 671 hôpitaux sur six continents en l’espace de 12 mois, le tout sans recueillir encore le moindre avis d’utilisateurs et sans susciter la moindre discussion sur le Web de la part des responsables informatiques forcément excités par leur implication dans un tel déploiement ?

Zéro. La probabilité est zéro. Ou aussi proche de zéro que possible.

« Surgical Outcome »

Et maintenant, quelques mots sur Surgical Outcome, le “réseau collaboratif international de clients” QuartzClinical (hôpitaux et centres de santé) qui sont censés donner leurs données à Surgisphere avec une telle confiance.

Voici le site Web de Surgical Outcome.

C’est une étrange combinaison de battage médiatique sur l’apprentissage automatique et d’amélioration des processus en six sigma. Vous pouvez rejoindre ce réseau collaboratif pour 295 $ par an et accéder à des ressources éducatives en ligne pour la formation médicale continue / le maintien de la certification. Ou vous pouvez payer 2 495 $ pour accéder à d’autres services tels que la participation à la « recherche collaborative ».

Il existe de nombreuses captures d’écran d’un outil de veille stratégique, vraisemblablement QuartzClinical (qui est fortement promu) permettant à l’utilisateur d’explorer (par exemple) les procédures chirurgicales et de comprendre les inducteurs de coûts.

Le tout est accompagné de vidéos loufoques sur la puissance des données et l’importance des mesures de performance.

Il y a un blog franchement bizarre avec environ 100 articles, à partir de septembre 2019. Ils combinent des instructions statistiques de base, sur des sujets tels que l’appariement des scores de propension, avec des conseils de contrôle qualité et de gestion de projet. Certaines statistiques sont tout simplement erronées ; un exemple choisi au hasard est cette capture d’écran qui qualifie à tort de « paramètres » les limites d’un intervalle de confiance. [ cf. saisie d’écran ci-après ]

Le plus ancien billet de blog sur le site Surgical Outcome date de septembre 2019 et s’intitule « Comment puis-je m’inscrire ? ».

Je pense que nous pouvons affirmer que c’est le début du « réseau collaboratif international » de Surgical Outcome.

Voici une capture d’écran de ce blog :

Vous et moi savons, cher lecteur, que ce n’est pas ainsi [avec des gens recrutés de façon aussi légère !] que les hôpitaux accepteraient de partager les données personnelles des patients.

En particulier, ce n’est pas la façon dont les hôpitaux d’autres pays décideraient de partager leurs données avec une entreprise aux États-Unis.

Nous savons également que « l’évaluation rapide de la technologie » [dont il est fait mention] n’est pas ce qui est attendu avant de déployer une plate-forme analytique. Pas de quelqu’un qui tirerait des données des systèmes financiers et de DSE de l’hôpital, les stockerait dans le cloud, effectuerait un apprentissage automatique et renverrait des recommandations de décision intégrées aux propres processus de l’hôpital…

L’article [publié par le Lancet] lui-même

Je n’ai même pas mentionné les problèmes de données que nous pouvons glaner directement à la lecture de l’article, sauf en passant sur la proportion étonnamment élevée de cas hospitaliers en Amérique du Nord qui étaient dans l’échantillon.

Plusieurs des erreurs les plus évidentes concernant l’Australie ont été rapportées dans les médias. Par exemple, beaucoup plus de cas en Australie qu’il n’en existait au moment de l’étude, comme indiqué dans The Guardian.

Surgisphere a répondu qu’un “hôpital ayant récemment rejoint l’échantillon” (pourrait-il y en avoir un autre ?!) “s’est auto-désigné comme appartenant à la désignation continentale de l’Australasie … Cet hôpital aurait dû être plus adéquatement affecté à la désignation continentale asiatique.” Hmm, donc la base de données secrète a une qualité de données épouvantable… mais bien sûr, des erreurs peuvent se produire…

Mais comme le souligne Thomas Lumley, l’hôpital mal classifié devait avoir 546 cas de COVID-19 hospitalisés au 14 avril et se déclarer comme étant en Australasie. L’Indonésie avait déjà suffisamment de cas hospitalisés, mais il semble peu probable qu’il s’agisse d’une concentration de cette taille dans un seul hôpital.

Et un hôpital indonésien se décrirait-il comme australasien ? Non, il ne le ferait pas.

Et ces données pourraient-elles être partagées légalement avec une entreprise qui ne connaît même pas les lois de quel pays elle doit se conformer ? Non, cela ne se pourrait pas.

Ensuite, il y a [dans les données de l’étude publiée par le Lancet] :

  • trois fois plus de fumeurs en Amérique du Nord que dans le Sud [ce qui est invraisemblable]… ;
  • de très faibles écarts de l’IMC moyen [indice d’obésité] par pays [ce qui est invraisemblable]… ;
  • des données détaillées peu plausibles pour l’Afrique ;
  • des données ethniques qu’il est illégal de collecter dans certains pays [c’est interdit en France par exemple !]… ;
  • et ainsi de suite.

Je ne veux plus écrire, cela me met en colère et me bouleverse rien que d’y penser. Tout est mieux analysé dans les liens que j’indique à la fin de cet article.

Conclusion

Auparavant, j’avais été plus ou moins d’accord avec les gens qui disaient que « l’examen par les pairs a été brisé » [dans les publications scientifiques] tout en pensant qu’ils exagéraient.

Mais maintenant je le crois vraiment.

À l’avenir, ma devise sera vraiment : « soit vous publiez les données et le code ; soit ce que vous dites ne s’est pas produit ».

Il ne s’agit pas seulement d’une « bonne pratique» ; il s’agit de dire que « si vous ne donnez pas les preuves, je dois penser que vous pourriez avoir tout inventé ».

Avec des données sensibles, nous devrons trouver des moyens de fournir des versions synthétisées ou d’autres versions contrôlées par la divulgation.

[…]

J’espère que je me trompe sur tout ça.

Peut-être que les développeurs Extra-Transform-Load (ETL), le personnel de support et les spécialistes de l’intégration des DSE de Desai ne sont tout simplement pas sur LinkedIn pendant que ses vendeurs le sont.

Peut-être que les hôpitaux partagent vraiment et heureusement nos données avec une entreprise américaine, et que les données sont stockées dans des serveurs européens pour se conformer au RGPD, et qu’il y a même une autorisation des patients donnée quelque part qui n’a pas été mentionnée.

Peut-être que QuartzClinical est intégré dans le logiciel d’une autre entreprise, et qu’il a donc été déployé dans 671 hôpitaux sans aucun examen ni discussion car sa marque est cachée.

Je me sentirais mal d’écrire un article aussi long et agressif que celui-ci dans ce cas. Mais cela semble très improbable.

Il est affreux de penser que l’explication la plus probable de ce que nous voyons est simplement que les données sont fabriquées, dans ce qui est peut-être une conspiration criminelle, et que le processus de publication scientifique est tellement dénaturé qu’un telle étude est publiée.

Il me semble très probable que cette explication est la bonne.

Peter ELLIS
30 mai 2020

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Quelques autres critiques

  •     Une excellente lettre ouverte avec plusieurs signatures de divers chercheurs dirigée par James Watson (pas le gars de l’ADN). Très mesuré et pose d’excellentes questions.
  •     La critique de l’article par James Todaro, mettant davantage l’accent sur la crédibilité de Surgisphere (comme mon article ci-dessus) que dans la lettre ci-dessus.
  •     #LancetGate sur Twitter (principalement en français)