Pour le prix nobel de la paix Mgr DESMOND TUTU, George W Bush et Tony Blair devraient être jugés pour la guerre illégale en Irak

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L’archevêque anglican noir sud-africain et prix Nobel de la paix Desmond Tutu vient de jeter un beau pavé dans la mare.

Il a déclaré, dimanche 2 septembre, dans une tribune publiée par “The Observer” britannique, que les anciens dirigeants américain et britannique George Bush et Tony Blair devraient être jugés à la Haye pour la guerre en Irak, qui fut fondée selon lui sur un mensonge.

L’ANALYSE DE Mgr DESMOND TUTU

Mgr Tutu explique ainsi, dans cette tribune, les raisons pour lesquelles il a renoncé, cette semaine, à participer à Johannesburg à une conférence à laquelle assistait aussi l’ancien Premier ministre britannique.

L’archevêque reproche à MM. Bush et Blair d’avoir menti en prenant pour prétexte l’invasion de l’Irak la possible présence dans le pays d’armes de destruction massive, alors qu’ils voulaient uniquement se débarrasser de Saddam Hussein, son ancien président.

Mgr Tutu estime que MM. Blair et Bush ont ainsi « déstabilisé et polarisé le monde à un degré jamais atteint par aucun autre conflit dans l’histoire, avec désormais le spectre de la Syrie et de l’Iran.»

Il cite des chiffres selon lesquels leur décision a abouti à ce que, rien qu’en Irak, 6,5 personnes meurent quotidiennement dans des attaques-suicides et des explosions de véhicule.

Il ajoute que « plus de 110.000 Irakiens sont morts dans ce conflit depuis 2003, des millions ont été déplacés, et fin 2011, près de 4.500 soldats américains avaient été tués et plus de 32.000 blessés.»

Et il ajoute pour conclure :

« Rien que pour ces faits, dans un monde cohérent, les responsables de ces souffrances et de ces pertes de vies humaines devraient suivre le même chemin que certains de leurs pairs africains et asiatiques qui ont eu à répondre de leurs actes (devant la Cour Pénale Internationale de) la Haye.

Les bons dirigeants sont les gardiens de la morale, et la question n’est pas de savoir si Saddam Hussein était gentil ou méchant, ou combien de personnes de son peuple il a massacré. La question est que M. Bush et M. Blair n’auraient jamais dû s’abaisser à ce niveau d’immoralité. »

LA RÉPONSE DE TONY BLAIR

L’ancien Premier ministre Blair a immédiatement réagi dans un communiqué.

Tout en professant un grand respect pour le combat contre l’apartheid de l’archevêque, M. Blair a qualifié sur son site internet de « vieille antienne » ses accusations de mensonge, alors que « toutes les analyses indépendantes ont démontré le contraire », selon lui.

Il juge aussi « bizarre de la part de Mgr Tutu de considérer que le massacre par Saddam de centaines de milliers de ses concitoyens est sans rapport avec la moralité dans la décision de le renverser.

M. Blair considère plutôt que le massacre de 5.000 personnes à l’arme chimique dans la ville d’Halabja en 1988, ou le million de morts de la guerre Iran-Irak, en partie avec des armes chimiques également, l’assassinat par Saddam de ses opposants politiques, ou encore la torture systématique de son peuple, rendent au contraire très moral de l’avoir renversé. »

MES COMMENTAIRES

1°) Un nouveau mensonge de M. Blair

Lorsque l’ancien Premier ministre répond que « toutes les analyses indépendantes ont démontré » que l’Irak pouvait posséder des armes de destruction massive, il commet une mensonge éhonté.

C’est justement parce que les preuves manquaient de façon flagrante – et que les services de renseignements français, allemands, russes et chinois informaient discrètement leurs gouvernements respectifs que c’était faux – :

a)- que l’Allemagne ne se joignit pas à la meute des vassaux européens de Washington pour réclamer la guerre en Irak,

b)- que le gouvernement Chirac-Villepin s’opposa aux Américains sur cette question au début 2003 au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

2°) Et les autres responsables de la guerre en Irak ?

Il est dommage que Mgr Tutu ne cite pas les autres dirigeants qui ont approuvé la guerre en Irak, c’est-à-dire essentiellement :

– le président de la Commission européenne de l’époque, l’Italien Romano Prodi,

– la quasi-totalité des dirigeants des pays de l’Union européenne, et notamment :

– le Premier ministre portugais de l’époque, José Manuel Barroso, devenu ensuite président de la Commission européenne, poste qu’il occupe toujours actuellement,

– le Premier ministre espagnol de l’époque, José María Aznar
( Désormais retiré de la politique, ce dernier se livre depuis lors à maintes activités lucratives :
– il est notamment “Conseiller” auprès d’entreprises multinationales privées comme Centaurus Capital (fonds de placement), Doheny Global Group (secteur de l’énergie en Europe de l’Est) et de JER Partners (groupe immobilier en Amérique du Sud).
– il est également membre du Conseil d’administration de la société NewsCorp, dirigée par le milliardaire Rupert Murdoch – ce qui lui assure des “jetons de présence” de 148 000 € par an -.
– José María Aznar donne aussi de nombreuses “conférences” grassement rémunérées, dans lesquelles il est censé expliquer sa vision politique du monde aux foules ébaubies.
– Enfin, cerise sur le gâteau, il est aussi “professeur-associé” à la Georgetown University de Washington, la célèbre université américaine qui forme notamment tous les cadres de la CIA).

3°) La défense de M. Blair doit se plaider devant la Cour Pénale Internationale

Il faut prendre acte de la réponse d’Anthony (dit “Tony”) Blair.

Mais elle ne change en rien, ni le raisonnement, ni la demande de Mgr Tutu qui sont l’un et l’autre parfaitement fondés.

Car la Cour Pénale Internationale est une juridiction permanente relevant des Nations-Unies, qui a été justement établie pour juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre.

Or les faits reprochés à George W. Bush, Anthony Blair (et aussi aux autres dirigeants de l’UE ) sont suffisamment établis pour que ces responsables soient en effet traduits devant cette Cour Pénale Internationale de La Haye, afin que celle-ci les juge.

Comme tout tribunal, c’est elle qui devra vérifier les arguments à charge et les arguments à décharge, puis qui rendra un jugement, en déclarant les prévenus innocents ou coupables.

Ce n’est certes pas à l’un des prévenus, M. Blair en l’espèce, de prononcer son propre acquittement, en se soustrayant à tout jugement.

Il est frappant de noter que, si M. Blair n’avait rien à se reprocher, il serait le premier à demander sa comparution devant la Cour Pénale Internationale, afin que celle-ci lave son honneur. En s’ y refusant et en prononçant son propre acquittement, il se comporte au contraire comme tous les grands criminels de guerre de l’histoire contemporaine, qui ont tous eu la même réaction.


Né en 1931, Mgr Desmond Tutu, fut le premier Noir à occuper le poste de doyen du diocèse de Johannesburg, en 1975.

Dans ces fonctions, Mgr Tutu fit le prêche lors des funérailles de Steve Biko, fondateur du “Black consciousness movement” (“Mouvement de conscience noire”), assassiné en 1977, qui avait été l’un des organisateurs des manifestations de Soweto (réprimées par la police et qui dégénèrent en massacre en 1976).

Ayant reçu le Prix Nobel de la Paix en 1984 pour son combat non violent contre l’apartheid, auréolé de cette nouvelle stature internationale, il fut nommé archevêque du Cap, pour l’Église anglicane d’Afrique du Sud, le 7 septembre 1986, devenant ainsi le premier Noir à occuper cette éminente fonction.

Il fut ensuite le président de la « Commission de la vérité et de la réconciliation » ( 1996 – 1997 ). Chargée de faire la lumière sur les crimes et les exactions politiques commis, durant la période de politique d’apartheid, au nom des gouvernements sud-africains, cette Commission de réconciliation nationale a constitué l’un des actes fondateurs de la nouvelle Afrique du Sud.