6 Août 2012 : 67ème anniversaire du bombardement atomique de Hiroshima
Au Japon, quelque 50.000 personnes ont rendu hommage ce matin aux victimes du bombardement atomique sur Hiroshima, effectué par les Américains il y a exactement 67 ans.
Les participants ont observé une minute de silence à 08 H 15 précises, c’est-à-dire à l’instant même où le bombardier américain Boeing B-29 Superfortress, que le pilote Paul Tibbets avait baptisé du nom de sa mère “Enola Gay”, largua la bombe sur la ville d’Hiroshima le 6 août 1945.
“Little Boy”, le surnom de la bombe, fut larguée exactement à 8 h 15 min 17 s sur Hiroshima avec seulement 17 s de retard sur l’horaire prévu. À 8 h 16 min (heure locale), après 43 secondes de chute libre, elle explosa à 580 mètres au-dessus de la ville (à peu près deux fois la hauteur de la Tour Eiffel, afin d’assurer le nombre de morts et de destruction maximums).
HIROSHIMA ET NAGASAKI
Hiroshima signifie “l’île large” (littéralement 広 = Hiro = large et 島 = Shima = île) parce qu’elle fut fondée par un seigneur féodal sur la plus grande des îles que forment les bras de l’estuaire de la rivière Ōta.
Son choix comme cible de la première explosion nucléaire de l’histoire fut fait par l’armée américaine parce qu’il y avait une garnison de l’armée japonaise, mais aussi parce qu’elle est entourée par un léger amphithéâtre de collines et qu’il y faisait très beau, en ce 6 août 1945 au matin. Ces deux caractéristiques permettaient à la fois un ciblage parfait et la possibilité d’aller mesurer ensuite les effets de la bombe par des vols d’observation.
Le bombardier Enola Gay ayant effectué un virage serré de 158 ° juste après le largage, les membres de l’équipage, protégés par des lunettes, purent assister et photographier l’explosion (cf. photo).
Ils rentrèrent à la base américaine installée sur l’île de Tinian où ils furent décorés pour leur mission.
Cette première bombe atomique de l’histoire lancée sur une population civile sans défense fit instantanément 70.000 morts.
Le nombre des victimes fut porté entre 140.000 et 200.000 morts (selon les estimations) au cours des années qui suivirent, du fait des radiations subies par une partie des survivants.
[source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Enola_Gay ]
Ce bombardement fut suivi trois jours après, le 9 août 1945, par celui des quartiers est de Nagasaki. Elle fit 70.000 morts, parmi lesquels une partie significative de la petite communauté chrétienne du Japon, dont les ancêtres avaient été convertis au XVIe siècle par Saint François-Xavier.
LA PRÉSENCE INHABITUELLE DE PLUSIEURS PERSONNALITÉS SYMBOLIQUES
Cette année, la cérémonie aux morts d’Hiroshima a été plus spécialement marquée par la présence inhabituelle de plusieurs personnalités étrangères ou nationale :
– l’ambassadeur des États-Unis, M. John Roos, qui participait pour la seconde fois seulement à cette commémoration.
– l’ambassadeur de France, M. Christian Masset, et l’ambassadeur du Royaume-Uni, M. David Warren, qui participaient l’un et l’autre pour la toute première fois à cette cérémonie annuelle vieille de six décennies.
– M. Daniel Clifton, petit-fils du défunt président américain Harry Truman, qui ordonna le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki. Interrogé par la presse sur l’opinion qu’il avait de la décision prise alors par son grand-père, le petit-fils de Truman a répondu qu’il ne « pouvait pas porter de jugement aujourd’hui. Je suis deux générations après, il est maintenant de ma responsabilité de faire tout mon possible pour m’assurer que nous n’utilisions plus jamais d’armes nucléaires. »
– Ari Beser, petit-fils de Jacob Beser qui, en tant que spécialiste radar, était le militaire à bord des deux bombardiers B-29 qui larguèrent, le 6 août puis le 9 août, les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.
– Des représentants de 71 pays, y compris d’autres puissances nucléaires comme la Russie.
– M. Tamotsu Baba, le maire de la ville de Namie près de laquelle est installée l’usine de Fukushima Daiichi, d’où tous les résidents ont été évacués de force suite à la catastrophe de Fukushima en mars 2011.
[source http://mainichi.jp/english/english/newsselect/news/20120806p2g00m0dm036000c.html ]
UNE CONTESTATION CROISSANTE DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE AU JAPON
La présence de ce dernier a montré que la commémoration du bombardement de Hiroshima s’est déroulée cette année sur fond de contestation croissante de l’énergie nucléaire dans tout l’archipel.
Le Japon est en effet le théâtre d’un mouvement de contestation antinucléaire de plus en plus puissant depuis que le Premier ministre, Yoshihiko Noda, a décidé en juin de redémarrer deux réacteurs nucléaires. Des manifestations contre l’énergie atomique réunissent, désormais chaque semaine, des milliers de personnes devant la résidence du Premier ministre à Tokyo. Le mois dernier, un rassemblement géant a même réuni 170.000 participants dans un parc de l’ouest de Tokyo, selon les organisateurs.
D’ailleurs, au moment même où se tenait la commémoration officielle de ce matin à Hiroshima, une autre manifestation se déroulait en marge, justement pour protester contre l’énergie nucléaire. Elle a réuni environ 700 personnes, et était composée de survivants du bombardement d’Hiroshima et d’habitants des environs de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi évacués après l’accident nucléaire du 11 mars 2011.
La plupart des survivants de la bombe, qui sont appelés “hibakusha” en japonais, s’opposent en effet fermement à tout usage de l’atome, y compris pour le nucléaire civil.
Du reste, si le maire d’Hiroshima, M. Kazumi Matsui, a profité de la cérémonie aux morts du 6 août 1945 pour lancer, comme chaque année, un vibrant appel à l’élimination des armes nucléaires (appel repris ensuite par le Premier ministre Yoshihiko Noda), il a également innové, en exhortant en ces termes le gouvernement japonais à changer de politique énergétique :
« J’appelle le gouvernement japonais à mettre en place sans délai une politique énergétique qui garantisse la sûreté et la sécurité des personnes.» Il n’a cependant pas fait de commentaires explicites sur l’utilisation de l’énergie nucléaire au Japon.
Le Premier ministre, M. Yoshihiko Noda, a déclaré pour sa part que le gouvernement japonais cherchera à établir désormais un “mix énergétique” qui offre une sécurité à moyen et à long terme.
Pour reprendre les termes de mon article récent sur le passage de l’archipel des Tokelau au 100% énergie solaire, le gouvernement japonais, comme le gouvernement allemand, envisage donc une “moindre dépendance” aux énergies fossiles et nucléaires.
LES VRAIES RAISONS DE DRESDE, HIROSHIMA ET NAGASAKI
Dans l’histoire officielle que l’on enseigne aux Occidentaux, le bombardement des villes de Hiroshima et Nagasaki a été longtemps présenté comme justifié par la volonté du gouvernement américain de terminer la guerre du Pacifique au plus vite et d’épargner ainsi “plus de morts”. En somme, le président Truman aurait décidé de sang froid l’atomisation de 300.000 êtres humains par humanité…
Cette histoire officielle a volé en éclats en 1988, lorsqu’une étude des services secrets américains, découverte dans les archives nationales des États-Unis, a fourni des éléments décisifs qui démentent la version présentée aux opinions publiques.
Cette étude des services américains a révélé que l’invasion par les troupes américaines de la principale île de l’archipel japonais, Honshu, avait été jugée superflue.
Le rapport notait que l’empereur Hiro-Hito avait décidé, dès le 20 juin 1945 (soit 1 mois et demi avant les bombardements), de cesser les hostilités. À partir du 11 juillet 1945, des tentatives pour négocier la paix avaient été effectuées par le biais de messages à Sato, ambassadeur du Japon en Union soviétique. Le 12 juillet, le prince Konoye avait été désigné comme émissaire pour demander à Moscou d’utiliser ses bons offices afin de mettre un terme à la guerre.
En réalité, si ces bombardements nucléaires eurent lieu, c’est pour deux autres raisons :
– d’une part par un esprit de pure vengeance, à l’encontre d’un peuple désarmé mais dont l’armée s’était livrée à des violences et des raffinements de cruauté inouïes, notamment lors du “sac de Nankin” de 1937 en Chine (entre 20 000 et 80 000 femmes et enfants furent violés par les soldats de l’armée impériale japonaise) et pendant toute la Guerre du Pacifique.
– d’autre part, et c’est ce qui a été mis à jour par les documents secrets rendus publics, par la volonté américaine d’administrer à Staline une démonstration de force. Ces opérations de terreur visaient en fait le même objectif que l’horreur du bombardement de la ville allemande de Dresde, qui fut entièrement rasée, du 13 au 15 février 1945, par la Royal Air Force (RAF) et les United States Army Air Forces (USAAF) avec des bombes à fragmentation et incendiaires, provoquant plusieurs dizaines de milliers de morts civils.
L’objectif était d’impressionner les Soviétiques, d’arrêter leur avance à la fois sur le front Ouest et en Extrême-Orient.
Comme l’a très précisément analysé Frédéric Clairmont dans le mensuel “Le Monde Diplomatique” d’août 1990, ces bombardements de Dresde, Hiroshima et Nagasaki marquaient, en fait, le début de la guerre froide.
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/raisons.html
CONCLUSION : TOKYO, HIROSHIMA ET NAGASAKI, CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ JAMAIS JUGÉS
Tout comme le bombardement de Dresde ne dédouane évidemment pas l’horreur des crimes nazis, les bombardements de Tokyo (par des bombes incendiaires, qui fit 100.000 morts en février-mars 1945) et ceux de Hiroshima et Nagasaki ne sauraient atténuer l’ampleur des atrocités perpétrées par le Japon militariste.
Il n’en demeure pas moins que, commis par les troupes américaines alors que la guerre était quasiment achevée, et ayant tué des centaines de milliers de civils sans défense, ils constituent des crimes de guerre, et même des crimes contre l’humanité, qui n’ont jamais été jugés.
Le temps ayant passé, le gouvernement américain actuel s’honorerait s’il reconnaissait la responsabilité de la nation américaine dans ces crimes, s’il présentait ses excuses officielles, et s’il subvenait au dédommagement des quelques dizaines de milliers de survivants.
Il s’honorerait plus encore s’il adoptait une politique de lutte réelle contre les armes de destruction massive, c’est-à-dire s’il commençait par s’appliquer d’abord à lui-même la politique qu’il exige des autres.
Je rappelle que les dépenses d’armement américaines sont actuellement de l’ordre de 50% des dépenses d’armement mondiales. C’est-à-dire que les États-Unis dépensent à eux seuls autant d’argent pour s’armer que les 192 autres États actuellement membres de l’Organisation des Nations-Unies.
François ASSELINEAU