Au sujet de l’UNASUR
D’une part l’UNASUR est encore largement un projet
Ce projet n’en est même pas au stade où la construction européenne en était en 1993, un an après la signature du traité de Maastricht. Car il n’existe toujours pas de parlement sud-américain alors que le parlement européen existe depuis 1979.
Le traité créant l’UNASUR a été signé à Brasilia le 23 mai 2008 et n’est entré en vigueur que le 11 mars 2011, voici un an. Trois des 12 États signataires ne l’ont toujours pas ratifié : le Paraguay, et surtout la Colombie et l’immense Brésil.
Certes les dirigeants des 12 États ont annoncé leur intention d’imiter l’UE, avec notamment la mise en place d’un Parlement, d’une citoyenneté, d’un passeport commun et à terme d’une monnaie commune.
Mais pour l’instant rien de tout ceci n’existe : le siège de l’UNASUR, prévu pour être installé en Équateur, et le Parlement, prévu pour être en Bolivie, ne sont encore à l’état de projets.
Pour l’instant, il n’y a encore rien qui, de près ou de loin, ressemble à un pouvoir supranational : ni l’équivalent de la Commission européenne, ni les quelque 300 000 pages de réglementation européenne.
D’autre part l’UNASUR a une optique anti-états-unienne
Ce n’est pas un hasard si l’Argentine de Kirchner, la Bolivie de Eva Morales, l’Équateur de Rafael Correa, le Venezuela de Hugo Chavez et le Pérou de Ollanta Humala ont ratifié le traité de l’UNASUR, tandis que la très pro-états-unienne Colombie et le prudent Brésil tardent à le faire.
Car la finalité implicite de l’UNASUR est l’antithèse même de celle de l’UE.
L’Union européenne est pilotée en sous-main par Washington depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elle vise à dissoudre les souverainetés des États européens dans une fédération alignée sur les États-Unis, et destinée à une sorte de fusion euro-états-unienne dont le Grand Marché Transatlantique serait le vecteur.
L’UNASUR, qui se réclame du héros des indépendances sud-américaines Simon Bolivar, a été au contraire conçue comme une opposition à la zone de libre-échange des Amériques « Initiatives pour les Amériques », lancé par le président américain George Bush puis concrétisé en 1994 au 1er « Sommet des Amériques. »
L’UNASUR s’oppose donc frontalement à l’ingérence nord-américaine dans les affaires politiques et économiques latino-américaines et vise en particulier à contourner le recours à l’Organisation des États américains (OEA), dont les États-Unis sont parties prenantes, lors du traitement de problèmes spécifiquement sud-américains.
On notera d’ailleurs que le sixième « Sommet des Amériques » de l’OEA s’est achevé avant-hier (dimanche 15 avril) en Colombie sans déclaration finale, en raison de la vive opposition des États latino-américains à la politique d’exclusion de Cuba par les États-Unis.
Cet échec cinglant de la diplomatie états-unienne, sur lequel les médias français ont bien entendu été des plus discrets, met en péril l’avenir même de cette conférence continentale qui se réunit une fois tous les 3 ans et qui n’a aucunement eu les résultats qu’en espérait Washington.
CONCLUSION
L’UNASUR, qui se refuse à bâtir une défense commune de type OTAN, entend respecter les souverainetés nationales et tente de constituer un bloc pour résister à l’hégémonie états-unienne. Ses objectifs causent un vif déplaisir à Washington et la distinguent donc totalement de l’UE sur ce point.
Pour le reste, les projets de l’UNASUR sont encore à l’état de virtualité. Si les pays latino-américains commettaient l’erreur de vouloir vraiment imiter, non pas le Conseil de l’Europe mais l’UE, nul doute que les dirigeants et les peuples latino-américains déchanteraient rapidement.
Le projet d’une monnaie commune aux 12 États latino-américains aboutirait inéluctablement à des blocages et à des problèmes considérables, pour le même type de raisons que celles que j’ai développées, depuis des années, au sujet de l’euro.