Le Conseil Constitutionnel et le financement de l’élection présidentielle
Le Conseil constitutionnel français est composé de neuf juges nommés pour neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans, auxquels il faut ajouter les anciens présidents de la République qui sont membres de droit. Les membres sont désignés respectivement par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, à raison d’un tiers chacun. Les anciens présidents de la République font, de droit, partie à vie du Conseil constitutionnel, mais la plupart n’ont soit pas siégé au Conseil, soit pas de façon continue.
Le Conseil constitutionnel a versé dans l’illégalité en 1995
Dans une interview du 1er décembre 2011 au Parisien, le juriste Jacques Robert, membre du Conseil constitutionnel entre 1989 et 1998, révélait par le menu détail comment les « Sages » ont demandé la falsification des comptes de la campagne présidentielle de 1995 d’Édouard Balladur et de Jacques Chirac, comptes qui présentaient de graves irrégularités.
Jacques Robert a expliqué en particulier que le compte de campagne d’Édouard Balladur comportait 10 millions de francs de recettes d’origine inconnue, pour un budget maximal autorisé de 90 millions de francs au premier tour. La situation des comptes de Jacques Chirac présentait aussi de graves irrégularités, mais dans une proportion moindre d’après Jacques Robert, qui s’est toutefois refusé à donner un chiffre.
Plutôt que d’annuler le résultat de l’élection présidentielle, comme ils auraient dû le faire en application de la loi, les « Sages » ont demandé à plusieurs reprises aux rapporteurs de falsifier les comptes de campagne d’Édouard Balladur et de Jacques Chirac afin qu’ils apparaissent conformes aux règles régissant le financement des campagnes présidentielles.
Dans le documentaire « l’argent, le sang, la démocratie » de 2013, Jacques Robert souligne que le Conseil constitutionnel, sous l’impulsion de son Président de l’époque, par ailleurs ancien ministre, a obéi à des considérations exclusivement politiques, éminemment discutables et étrangères à la mission théorique des « Sages ».
En agissant de la sorte, le Conseil constitutionnel n’a pas seulement versé dans l’illégalité pure et simple. Il a créé un précédent de nature à encourager et justifier toutes les fraudes. Et il a érigé en principe le « deux poids deux mesures » qui consiste à appliquer selon les candidats un traitement différencié, plus ou moins indulgent.
Ce mode opératoire n’est pas sans rappeler celui des médias qui se sont octroyé le droit d’effectuer une distinction discriminatoire entre « grands » et « petits » candidats.
La cécité du Conseil constitutionnel en 2013
Depuis l’élection présidentielle de 2007, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), autorité administrative indépendante, a repris la mission dévolue auparavant au Conseil constitutionnel de vérifier la correcte application par les candidats des règles relatives au financement de la campagne. La CNCCFP reste coiffée, cependant, par l’autorité du Conseil constitutionnel.
L’affaire Bygmalion a fait, à nouveau, resurgir des questions sur la vérification des comptes de campagne présidentielle par les autorités compétentes, et notamment par le Conseil constitutionnel.
La CNCCFP a, en effet, rejeté le compte de campagne de Nicolas Sarkozy par sa décision du 19 décembre 2012, entrainant un recours du candidat devant le Conseil constitutionnel.
Ce dernier a confirmé la position de la CNCCFP par sa décision du 4 juillet 2013. Le compte de campagne final de Nicolas Sarkozy, arrêté par le Conseil constitutionnel après recompte, fait apparaitre un dépassement à hauteur de 466 118 euros du plafond de dépenses autorisé, fixé à 22,5 millions d’euros.
Le Conseil constitutionnel a notamment réévalué de 1,4 millions d’euros la contribution payée par le parti politique soutenant le candidat.
Et pour cause ! Les investigations ultérieures de la presse et de la justice ont établi que le dépassement s’est élevé, en réalité, non pas à 466 118 euros mais au montant astronomique de 23 millions d’euros. Cet extravagant dépassement a été réalisé par le montage frauduleux de la société Bygmalion, qui a permis à l’UMP de prendre en charge des dépenses de campagne non déclarées par le candidat.
Cela signifie que la campagne de l’ancien président a coûté plus de deux fois le plafond légal maximal de dépenses. Rien moins.
Sauf à postuler qu’ils sont composés de responsables d’une incompétence crasse, il est difficile d’imaginer que les organismes en charge de vérifier les comptes de campagne, dont le Conseil constitutionnel, soient totalement passés à côté de cette fraude colossale.
Dès lors, on est fondé à supposer que, face à l’ampleur inouïe de la fraude, ils aient refusé de donner quitus à Nicolas Sarkozy, tout en minimisant drastiquement le dépassement du plafond de dépenses pour susciter le moins de vagues possible.
On peut également se demander quelle décision le Conseil constitutionnel aurait prise si Nicolas Sarkozy avait été reconduit en 2012 à l’Élysée par les Français.
En outre, la CNCCFP et le Conseil constitutionnel n’ont pas pu tracer l’origine des recettes correspondant aux 23 millions d’euros de dépassement réel du plafond de dépenses autorisé. Autrement dit, l’origine de plus de la moitié de l’argent dépensé par Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle de 2012 n’a pas pu être vérifiée conformément à la loi.
Quant à la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, de nombreuses questions restent en suspens sur un supposé financement libyen, qui fait l’objet d’investigations par la justice. Par ricochet, si un tel financement a éventuellement eu lieu, il a manifestement « échappé » aux organismes de vérification des comptes de campagne.
Conclusion : la vie politique française gangrénée par les fraudes, l’impunité et l’affaiblissement de l’état de droit
« Le temps révèle tout : c’est un bavard qui parle sans être interrogé », disait Euripide. Les fraudes concernant le financement des campagnes présidentielles et le rôle complaisant du Conseil constitutionnel sont de mieux en mieux connus.
La composition, très politique, du Conseil constitutionnel est pour beaucoup dans l’absence de sanction efficace et proportionnée, face aux irrégularités qui ont entaché le financement de plusieurs campagnes présidentielles, y compris la dernière.
Cette dérive en rejoint d’autres : les « Sages », théoriquement en charge de l’application pointilleuse et du respect de la Constitution ont laissé cette dernière progressivement être vidée de sa substance. Par exemple, les partis politiques européistes et alter-européistes sont loin de respecter les principes de la « souveraineté nationale et de la démocratie », comme l’article 4 de la Constitution leur en fait pourtant l’obligation.
Il est également invraisemblable que Nicolas Sarkozy puisse se représenter à l’élection présidentielle de 2017, compte tenu de la (seule) affaire Bygmalion. Ni Édouard Balladur, ni Jacques Chirac n’ont été inquiétés pour les irrégularités de leurs comptes de campagne. Il en va de même de François Hollande dont les comptes de campagne de 2012 ont aussi présenté des irrégularités.
Les pratiques électorales frauduleuses, faisant parfois même intervenir de l’argent en provenance de l’étranger, et leur entérinement au plus haut niveau de nos institutions non seulement affaiblissent l’état de droit mais encore sapent la confiance des Français dans leur République.
C’est pourquoi François Asselineau dans son programme présidentiel propose de réformer en profondeur le Conseil constitutionnel en modifiant drastiquement le mode de nomination de ses membres.
Actuellement, les membres du Conseil constitutionnel sont nommés de façon discrétionnaire par le Président de la République (1/3 des membres), le président du Sénat (1/3) et le président de l’Assemblée nationale (1/3), sans aucune condition professionnelle ou autre. Seule compte la faveur du prince. Du coup, les membres de la haute juridiction sont, par définition même, choisi selon des critères d’affinités politiques, si ce n’est de connivence.
Dans le projet présidentiel de François Asselineau, le Conseil constitutionnel sera transformé en une véritable Cour constitutionnelle composé de magistrats professionnels sur le modèle du Tribunal constitutionnel allemand siégeant à Karlsruhe. Comme en Allemagne, les membres seront élus, à la majorité qualifiée, par les parlementaires des deux assemblées et pour un très long mandat unique non renouvelable de 12 ans, leur assurant une parfaite indépendance. Ces magistrats, qui seront élus en fonction de leur conscience professionnelle et de leur neutralité politique, seront chargés d’appliquer strictement la Constitution de la République en termes de droit et de refuser toute interprétation politique.
L’assainissement de la vie politique française passe aussi par la disparition de toute complaisance à l’égard des élus condamnés, que ce soit pour des faits de délinquance financière ou autres.
François Asselineau propose aussi dans son programme de rendre obligatoire le casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection, quelle qu’elle soit (à la seule exception du mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 500 habitants, et cela pour éviter qu’il soit matériellement impossible de composer des listes municipales).
Notons que la loi française interdit l’exercice de plusieurs centaines de professions à toute personne ne disposant pas d’un casier judiciaire vierge (cf. annexe).
Il est donc injustifiable et scandaleux qu’un individu ayant un casier judiciaire chargé puisse se présenter à l’élection présidentielle, alors qu’il serait immédiatement recalé s’ils souhaitait devenir agent d’accueil de la SNCF, dépanneur chez EDF, sage-femme, dentiste, pompier, instituteur, transporter de fonds, policier, douanier, militaire, etc.
Notons aussi que, selon cette règle d’éthique minimale inscrite dans le programme de François Asselineau, des personnalités comme Alain Juppé ou Marine Le Pen ne pourraient pas se présenter à l’élection présidentielle.
Nicolas Sarkozy, pour sa part, propose aux Français de suivre une direction exactement inverse : dans l’« Émission politique » du 15 septembre dernier, sur France2, il a estimé qu’un ministre mis en examen ne devra pas démissionner du gouvernement.
Mais qui sera étonné d’une telle proposition de la part de l’ancien Président ?
Xavier, adhérent de l’UPR
François Asselineau, président de l’Union populaire républicaine. La France doit se libérer de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan.