Les taux de créances douteuses des banques européennes : révélateurs de l’échec et des contradictions insurmontables de la pseudo « Construction européenne »
Pour compléter l’article de Vincent Brousseau sur la situation bancaire préoccupante de l’Italie, je souhaiterais attirer l’attention des lecteurs sur les résultats de l’exercice « Transparence » de 2015 publiés par l’autorité bancaire européenne (ABE ou EBA pour European Banking Authority) sur son site internet. L’ABE est l’un des multiples organismes européens en charge de la définition et du contrôle des normes bancaires au sein de l’Union européenne.
L’exercice « Transparence » a consisté en un examen approfondi, par l’ABE, des risques des différentes banques européennes, et notamment des créances douteuses des banques, qualifiées dans le jargon bancaire de « non performing exposure » (NPE). Les créances douteuses des banques correspondent globalement aux prêts qu’elles ont consentis à leur clientèle particulière ou professionnelle, et qui font l’objet d’un impayé de plus de 90 jours.
L’ABE a compilé le taux des créances douteuses des banques européennes, par pays d’origine des banques, et avec une même méthodologie de calcul, ce qui permet de comparer les pays entre eux. Cette analyse est intéressante dans la mesure où elle permet de comparer les situations économiques des différents États européens, en se fondant sur la santé du bilan de leurs banques respectives.
Le résultat de l’analyse de l’ABE sur les taux de douteux des banques européennes est donné par le graphe suivant (également disponible page 27 de la publication, en anglais, de l’exercice « Transparence »). Les taux de douteux, donnés par pays d’origine des banques, sont en bleu pour décembre 2014 et en rouge pour juin 2015. 21 pays sont présentés par l’ABE.
Il est à noter que l’analyse de l’ABE : – inclut la Norvège qui n’est pas dans l’Union européenne, mais malheureusement pas l’Islande, ni la Suisse.
– n’inclut pas la Grèce, peut-être par pudeur parce que les banques de cette dernière présentent probablement des taux de créances douteuses colossaux, ce qui confirmerait l’état moribond de l’économie grecque et la faillite des différents plans de sauvetage qu’a subis ce pays. En outre, l’insolvabilité des banques grecques est déjà actée par leurs créanciers, qui ont commencé à se payer en nature sur le patrimoine des Grecs. L’analyse de l’ABE n’inclut pas non plus la Bulgarie, ni la Croatie, ni l’Estonie, ni la Lituanie, ni la République chèque, ni la Roumanie, ni la Slovaquie.
Commentaires
1) Parmi les 7 pays dont les banques présentent les meilleurs taux de douteux, 4 ont refusé d’entrer dans l’euro (Suède, Norvège, Grande-Bretagne, Danemark). Parmi ces 4, la Grande-Bretagne va se retirer de l’Union européenne et la Norvège n’y a même jamais adhéré. Les 7 pays dont les banques ont le moins d’actifs douteux sont, dans l’ordre : n°1) la Suède (1,1% de créances douteuses à juin 2015, dont le peuple avait refusé par référendum d’entrer dans l’euro en septembre 2003), n°2) la Norvège (1,4%), n°3) la Finlande (1,7%), n°4) la GB (2,9%), n°5) les Pays-Bas (2,9%), n°6) l’Allemagne (3,4%) et n°7) le Danemark (3,5%).
2) Parmi les 7 pays dont les banques présentent les pires taux de créances douteuses, 6 sont membres de la zone euro (Chypre, Slovénie, Irlande, Italie, Portugal, Malte), et 3 ont bénéficié de plans de sauvetage de l’Union européenne (l’Irlande en novembre 2010, le Portugal en mai 2011, Chypre en avril 2013) qui n’ont, manifestement, pas permis à leurs économies respectives de renouer avec une situation normale.
Les 7 pays dont les banques ont le plus d’actifs douteux sont, dans l’ordre :
n°1) Chypre, entré dans l’euro en 2008, dont les banques présentent un taux de douteux considérable de 50% à juin 2015. Pour renflouer les banques chypriotes, une partie des déposants avait déjà été spoliée en 2013, en contrepartie de l’aide européenne.
n°2) la Slovénie, avec un taux de créances douteuses de 28% pour ses banques, et dont la situation n’a cessé de se dégrader depuis son entrée dans l’euro en 2007, un an avant Chypre et Malte. La Slovénie a échappé de peu à un plan de sauvetage en décembre 2013, l’État slovène étant en mesure d’apporter par lui-même les capitaux requis par les banques en difficulté. Les déposants n’avaient alors pas été ponctionnés, contrairement à Chypre quelques mois plus tôt.
n°3) l’Irlande, avec un taux de douteux de 22%, membre de la zone euro depuis 1999, et que les médias présentent sans vergogne comme un sauvetage réussi de l’Union européenne.
n°4) la Hongrie, qui n’est pas encore dans l’euro mais qui est tenue, juridiquement, d’y entrer.
n°5) l’Italie, avec un taux de douteux de 17% à juin 2015, membre de la zone euro depuis 1999. Compte tenu de la taille de l’économie italienne, les besoins en capital des banques italiennes pour couvrir les pertes potentielles sont considérables et pourraient constituer, ainsi que l’a montré Vincent Brousseau, la prochaine patate chaude des européistes.
n°6) le Portugal, dans l’euro depuis 1999, qui malgré un plan de sauvetage européen n’est pas revenu à une situation saine, ses banques affichant un taux de créances douteuses de 16%. Le Portugal, déjà dans une situation difficile, vient d’être ciblé par une procédure de sanction de la part de la Commission européenne pour déficit excessif.
n°7) Malte, entré dans l’euro en 2008, et dont les banques présentent un taux de créances douteuses de 9%.
Conclusion : l’idéologie européiste, une fois encore battue en brèche par la réalité
Les résultats de l’exercice « Transparence » de l’ABE montrent, à travers la santé des banques, que les économies qui s’en sortent le mieux sont celles qui ont refusé d’entrer dans l’euro, et même dans l’Union européenne, s’agissant de la Norvège.
Ils confirment également de façon spectaculaire l’antagonisme profond qui existe entre les économies du « nord » et du « sud » de l’Europe. Les politiques brutales de l’Union européenne, destinées à fondre au forceps dans un même moule tous les États européens échouent les unes après les autres parce qu’elles ignorent que les peuples ont – et cela en toute légitimité – des spécialisations économiques, des traditions sociales, des cultures et des histoires radicalement et irréductiblement différentes.
Loin de créer un goût mutuel des peuples européens les uns envers les autres, l’usine à gaz européenne attise voire crée de toutes pièces des tensions entre les peuples, qui n’existaient pas tant que les Portugais et les Espagnols ne se voyaient pas sommés d’adopter la façon de vivre des Allemands et des Suédois.
En niant le droit des peuples à être ce qu’ils sont, la pseudo « construction européenne » révèle sa vraie nature : une entreprise d’arasement des différences économiques, sociales et culturelles, au profit de la tyrannie d’une petite élite économique et d’un modèle de société importé d’outre-Atlantique, consumériste, violent et abêtissant.
François, adhérent UPR des Hauts-de-Seine