TAFTA : la dictature européenne sous nos yeux
La « consultation publique » sur le TAFTA/ TTIP lancée par la Commission européenne se solde par une quasi-unanimité de réponses hostiles. Résultat ? La Commission poursuit le projet comme si de rien n’était.
En juin 2013, les chefs d’États et les gouvernements de l’UE ont, encore une fois, obéi au coup de sifflet de Washington, en mandatant officiellement la Commission de Bruxelles pour entamer les négociations sur un accord de libre-échange avec les États-Unis, le désormais célèbre « TAFTA » (traité de libre-échange transatlantique), également connu sous le nom de « TTIP » (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement).
Comme dans les sociétés tribales où la coutume des « mariages arrangés » permet à des parents de disposer du destin de leurs enfants sans les en informer, le gouvernement américain et la Commission européenne sont convenus de bâtir un grand bloc commercial euro-atlantiste – mais aussi à vocation géopolitique et militaire -, sans même demander à chacun des peuples européens si cette joyeuse perspective rencontrait leur assentiment.
De fait, aucun peuple européen n’a été sollicité préalablement à la décision d’engager les négociations du TAFTA / TTIP.
L’affaire est cependant tellement énorme, et ses conséquences potentiellement tellement cataclysmiques pour l’agriculture, l’industrie et les services de la « vieille Europe », qu’un certain nombre de lobbys et de mouvements politiques se sont émus de la situation à travers les pays de l’Union européenne.
Afin de calmer le jeu, la Commission européenne a daigné faire savoir qu’elle allait procéder à une « consultation publique ». Les résultats de cette consultation viennent d’être rendus publics.
Une « consultation publique » qui n’est qu’une parodie de démocratie
Contrairement à ce que voudraient faire croire les européistes, le fait qu’une oligarchie, qui n’a été élue par personne et qui n’a jamais présenté le moindre programme, se permette d’aller de l’avant sur un sujet aussi stratégique pour lequel elle n’a pas été mandatée, et annonce qu’elle va « consulter le public », n’est en rien une preuve de démocratie.
Ce n’en est qu’une parodie, c’en est même le fonctionnement inverse.
Dans une démocratie, rappelons-le, des partis politiques auraient dû se présenter devant les électeurs :
– les uns en proposant de nouer un traité de libre-échange transatlantique avec les États-Unis,
– les autres proposant au contraire de refuser l’idée même d’un tel traité,
– d’autres encore proposant des projets de libre-échange avec d’autres zones du monde (la Russie, les pays du Maghreb, etc.)
Chacun aurait alors eu la faculté d’expliquer sa position, de répondre aux questions, et de débattre avec des adversaires, de façon approfondie sur les grands médias, au vu et au su de tous les citoyens.
Puis, le corps électoral aurait tranché la politique qu’il voulait voir appliquer.
C’est peu dire que tel n’est pas du tout le processus qui a été suivi !
La « démocratie européenne » n’a donc strictement rien de démocratique. Elle a en revanche tout d’une dictature, où une petite oligarchie du monde des affaires, des médias, et de la politique, se fait nommer à des postes de responsabilité sans passer par le processus électoral, puis applique une politique qu’elle a déterminée par elle-même.
La Commission européenne envoie tout simplement aux oubliettes les notions même de programme électoral, de débat contradictoire et non biaisé, et de suffrage universel.
La « consultation publique » à laquelle elle vient de condescendre à se livrer n’a aucun caractère impératif. Les avis recueillis ne sont que purement consultatifs.
L’ensemble de cette procédure revêt ainsi un caractère hypocrite et méprisant, un peu comme un aristocrate d’Ancien Régime s’enquérant, avec un sourire en coin, de ce que pensent les manants qui vivent autour de son château, bien résolu qu’il est, de toute façon, à n’en tenir aucun compte.
Une « consultation publique » ignorée du grand public
On remarquera par ailleurs que la prétendue « consultation publique » à laquelle la Commission européenne s’est livrée n’a eu, elle-même, de « publique » que le nom. Elle était certes « publique » mais le grand public n’en a jamais appris l’existence.
150 000 « citoyens européens » ont répondu, ce qui n’est certes pas négligeable. EurActiv, le site d’informations de la Commission européenne, souligne même avec emphase que jamais une « consultation publique » n’avait suscité un tel nombre de réponses.
Il n’en demeure pas moins que, sur les 507 millions d’habitants de l’UE, cela reste un ratio assez faible (à peine 0,03%). Il correspond à une « consultation publique » sur un sujet crucial de l’avenir de la France à laquelle n’auraient répondu que 19 000 citoyens français parmi 65 millions d’habitants.
Du reste, qui a répondu ?
Probablement, pour l’essentiel, des membres d’associations alter-mondialistes, ou environnementalistes, ou hostiles au libre-échange, comme le laisse supposer le résultat sans appel qui vient d’être révélé.
Le site de la Commission européenne souligne en effet que « la majorité des répondants (88 %) s’opposent à l’inclusion de la clause de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans l’accord de libre-échange », ce qui constitue de son propre aveu une « levée de bouclier » et « une opposition quasi-unanime ».
Mais le site note aussi que, « parmi les 150 000 réponses envoyées à l’exécutif européen, 145 000 étaient identiques car les répondants ont utilisé des modèles proposés par les ONG ».
Une double manœuvre
Même si la Commission affirme que « ces avis n’en seront pas moins pris au sérieux », on commence à flairer la manœuvre. Elle est double.
1)- D’une part, l’oligarchie va insinuer que les résultats ne correspondent pas forcément à l’opinion majoritaire des « citoyens européens » car ils ont été biaisés par la mobilisation des seules ONG et mouvements hostiles au TAFTA…
C’est sans doute exact. Mais comment pourrait-il en être autrement puisque, de toute façon, le suffrage universel n’existe pas dans l’univers de la Commission européenne ?
2)- D’autre part, la Commission européenne focalise l’opposition des avis recueillis sur la seule clause RDIE (Règlement des Différends entre Investisseurs et États), qui a été la cible privilégiée des ONG et des formulaires qu’elles ont fait circuler.
Mais quid de tout le reste ?
Que pensent « les citoyens européens » de l’idée même de conclure un « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » avec les États-Unis d’Amérique ?
A-t-on le droit d’être contre, ou seulement celui de n’en contester qu’une des clauses, celle dite du RDIE ?
Conclusion : les négociations continuent dans le dos des peuples
Quoi qu’il en soit, toute cette montagne accouche comme prévu d’une souris.
Le site EurActiv précise en effet qu’une « modification du mandat [de négociation pour le TAFTA] serait nécessaire à l’abandon de la clause de RDIE. Or, sans un vote à la majorité qualifiée au Conseil, le mandat ne peut être modifié. »
La « consultation publique » ressemble donc sacrément à un attrape-nigaud. Sous couvert de « consultation publique », l’oligarchie fait implicitement passer le message que l’opposition au TAFTA / TTIP n’émanerait que d’ONG alter-mondialistes et se focaliserait sur une seule clause – RDIE – sans s’opposer au reste.
Ce sketch va permettre à l’oligarchie euro-atlantiste de poursuivre sans encombre sa politique dictatoriale, tout en ayant pris la pause d’un Tartuffe soucieux de s’enquérir des avis divergents.
Le grand public, quant à lui, reste dans l’ignorance complète de tout ce micmac. Les médias de grande diffusion n’ont soufflé mot ni des négociations entourant le TAFTA, ni de la prétendue « consultation publique » lancée par la Commission européenne, ni des résultats de cette consultation. Dormez, braves gens !