Pourquoi affirmez-vous que l’Union européenne est subordonnée à l’OTAN ?

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Subordination OTAN-UE

1°) Les mots « OTAN » et « Alliance atlantique » sont apparus dans les traités européens à partir du traité de Maastricht créant l’Union européenne

Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) le 18 avril 1951 ne mentionnait nulle part les mots « OTAN » ou « Alliance atlantique ».

Le traité de Rome du 25 mars 1957, instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, ne mentionnait lui non plus, nulle part, ces mots « OTAN » ou « Alliance atlantique ».

Les mots « OTAN » et « Alliance atlantique » sont apparus dans le traité de Maastricht, décidé lors du Conseil européen du 9 décembre 1991 (signé formellement le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993). Ce traité décisif, qui a créé une « Union européenne », une « monnaie unique » européenne et une « Politique étrangère et de sécurité commune » européenne, évoque expressément l’alliance militaire atlantique avec les États-Unis d’Amérique dans sa partie intitulée « Déclaration relative à l’Union de l’Europe Occidentale » (UEO).

Depuis lors, l’OTAN et l’Alliance atlantique ont été expressément mentionnées dans tous les traités régissant les institutions européennes, qui ont progressivement élargi le champ d’application du traité de Maastricht : traité d’Amsterdam (signé le 2 octobre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999), traité de Nice (signé le 26 février 2001, entré en vigueur le 1er février 2003), projet de « Constitution européenne » (signé le 29 octobre 2004, abandonné le 23 juin 2007), traité de Lisbonne (signé le 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009).

Le traité actuellement en vigueur – le traité de Lisbonne -, qui reprend tous les traités antérieurs et qui les scinde en deux (traité sur l’Union européenne appelé « TUE » d’une part, traité sur le fonctionnement de l’Union européenne appelé « TFUE » d’autre part), mentionne expressément l’OTAN et l’Alliance atlantique dans l’article 42 du TUE (ex article 17 de la version précédente du TUE).

2°) Que prévoit l’article 42 du traité sur l’Union européenne (TUE) ?

Cet article 42 porte en réalité sur la « politique de sécurité et de défense commune » de l’Union européenne et précise qu’elle « fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune » de l’UE.

Le début de l’article est ainsi rédigé :

« 1. La politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune. Elle assure à l’Union une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens civils et militaires. L’Union peut y avoir recours dans des missions en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies. L’exécution de ces tâches repose sur les capacités fournies par les États membres.

 

2. La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

 

La politique de l’Union au sens de la présente section n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »

3°) La marque honteuse d’une vassalisation

Il faut souligner d’emblée à quel point il est anormal que des traités internationaux – a fortiori un traité prétendant au titre de « Constitution européenne » d’une entité fédérale en gestation – mentionnent l’existence et la soumission de certains de ses membres à des alliances militaires avec des États tiers non parties au traité.

Pour comprendre l’extraordinaire anomalie de cette situation, il suffit de changer de point de vue et d’imaginer l’effet qu’elle nous inspirerait si nous la constations ailleurs.

Que penserions-nous des États-Unis d’Amérique et des Américains si la Constitution américaine, établie en 1776, avait expressément prévu de respecter les alliances nouées par certains des États américains nouvellement fédérés (la Virginie, le Maine, la Nouvelle Angleterre, la Floride, les deux Carolines, etc.) avec le Royaume-Uni ?

Que penserions-nous de l’Inde et des Indiens si la Constitution de l’Union indienne adoptée en janvier 1950 avait prévu que les États du Rajahstan, de l’Uttar Pradesh, du Gujerat, du Maharashtra, du Karnataka et du Tamil Nadu devaient organiser leur défense et leur alliance militaire avec celle du Royaume-Uni, alliance qui s’imposerait et primerait sur toutes les décisions de l’Union indienne en la matière ?

Que penserions-nous du Brésil si sa récente Constitution de 1988 stipulait que les États de Baia, du Mato Grosso, du Minas Gerais, du Parana, du Pernambuco, de Rio de Janeiro et du Rio Grande do Sul devaient se plier d’abord à une alliance militaire avec les États-Unis d’Amérique ?

Nous estimerions bien entendu que ces regroupements d’États seraient des unions fantoches, complètement vassales d’une grande puissance étrangère tierce. Nous en ririons ou nous nous en indignerions, selon notre humeur ou la sympathie que nous éprouvons pour ces peuples.

Telle est pourtant exactement la situation de la prétendue « Union européenne ».

4°) Que signifie précisément le charabia de l’article 42 ?

Il faut bien lire et relire l’article 42 du TUE à tête reposée car, quoique rédigé d’une façon peu compréhensible, il est d’une importance fondamentale. Il pose en effet 4 principes essentiels :

1er principe : l’UE doit se doter à terme d’une seule et même politique de défense

La « PESD » (« politique de sécurité et de défense commune » de l’UE) doit en effet « inclure la définition progressive d’une politique de défense commune » et celle-ci verra le jour lorsque le Conseil statuant à l’unanimité en aura ainsi décidé.

2e principe : l’UE doit mettre sur pied une armée européenne commune

La PESD doit en effet comprendre des « missions » de nature « civile et militaire » : il s’agit donc bien de bâtir à terme une armée européenne commune.

3e principe : l’UE doit se livrer à des opérations de police internationale définie par l’OTAN, même sans mandat de l’ONU

Les « missions » de l’Union européenne ont vocation à s’étendre « en dehors de l’Union [européenne] », et cela « afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale ». En clair, cela signifie que l’UE doit se livrer à des opérations de police internationale.

Il est certes précisé que ces actions doivent se faire « conformément aux principes de la charte des Nations unies ». Mais ce garde-fou est un trompe-l’œil car le respect des « principes » de la charte de l’ONU est une contrainte très vague et sujette à mille interprétations. Il eût été bien plus précis, bien plus contraignant, et plus encore conforme au droit international, de préciser que ces actions de l’UE devraient se faire « conformément aux décisions prises par l’Assemblée Générale ou par le Conseil de Sécurité des Nations unies ».

En ne précisant pas ce point fondamental, l’article 42 du TUE témoigne de l’extrême perversité de ses rédacteurs : il fait référence à la charte de l’Organisation des Nations unies pour mieux en trahir la finalité puisqu’il ouvre la voie à des opérations de police internationale, réalisées dans le cadre de l’UE et de l’OTAN, même sans avoir obtenu le moindre mandat de l’ONU et en particulier du Conseil de Sécurité, seule instance planétaire habilitée par le droit international public à décider de l’organisation d’opérations militaires.

4e principe : les obligations de l’OTAN s’imposent à l’UE

Il est en effet précisé que la « PESD » doit « respecter » les obligations de l’OTAN « pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de » l’OTAN.

5°) L’article 42 subordonne bien l’UE à l’OTAN

Un lecteur lisant cet article hâtivement peut en retirer l’impression – erronée – que le TUE poserait un simple principe de compatibilité entre la PESD et l’OTAN « pour certains États membres ». Mais il s’agit là aussi d’une tromperie destinée à endormir les opinions publiques, selon la méthode habituelle de la prétendue « construction européenne ».

Car cet article pose en réalité le principe d’une subordination de la PESD à l’OTAN, et cela pour 2 raisons :

a) Parce qu’il indique que la PESD doit « respecter » les obligations de l’OTAN.

Cela signifie bien que l’OTAN prime sur la PESD. Sinon, le traité aurait dit exactement le contraire : le TUE aurait par exemple indiqué que « les États membres de l’UE également membres de l’OTAN doivent renégocier leur participation à l’OTAN afin de rendre celle-ci compatible avec les obligations de la PESD ».

Du reste, l’article 42, difficile à suivre du fait d’une phrase à incidentes multiples, précise même que « la politique de l’Union au sens de la présente section […] est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre [celui de l’OTAN]. Cet article 42 annonce donc noir sur blanc que la politique de défense de l’UE ne peut jamais contrevenir à celle de l’OTAN, États membres ou pas.

b) Parce que la formule qui indique « pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN » est d’une rare hypocrisie.

Il faut en effet rappeler que, sur les 28 États membres de l’UE, il y en a 22 qui sont membres de l’OTAN, et notamment tous les plus grands pays :

Allemagne, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie

Les 6 États Membres de l’UE qui ne sont pas membres de l’OTAN se divisent en 2 groupes :

a) 5 États qui ont proclamé leur neutralité internationale depuis de nombreuses années (voire depuis plusieurs décennies) : Suède, Finlande, Autriche, Irlande, Malte

b) Le cas particulier de Chypre, île à la situation juridique complexe

Divisée en deux, cette île comprend les deux bases militaires britanniques d’Akrotiri et Dhekelia, qui sont situées juridiquement hors OTAN mais dans l’UE…

Au total, ces 6 États membres de l’UE qui ne sont pas membres de l’OTAN regroupent une population de 28,8 millions d’habitants, sur les 500,5 millions d’habitants de l’UE, soit 5,7 %.

Ce rappel permet de mesurer que 78 % États membres de l’UE sont également membres de l’OTAN et que 94,3 % de la population de l’UE habitent dans un État appartenant à l’OTAN.

Au sein de l’UE, c’est donc l’appartenance à l’OTAN qui est ultra majoritaire et la non-appartenance – d’ailleurs exclusivement pour des raisons de neutralité et non pas pour des raisons d’opposition – qui est ultra-minoritaire.

Dans ces conditions, la formule hypocrite de l’article 42 du TUE rappelée précédemment prend tout son sens : puisque ce qu’elle appelle « certains États » représente 94 % de la population de l’UE, cette formule signifie bel et bien que la PESD ne peut se déployer que dans le cadre de l’OTAN et que toutes ses orientations stratégiques lui sont subordonnées.

6°) L’entrée dans l’OTAN est désormais devenue un préalable, imposé par les États-Unis d’Amérique, à l’entrée dans l’Union européenne

Toute l’analyse qui précède est d’ailleurs désormais un secret de Polichinelle partout ailleurs qu’en France. Chez nous, tous les responsables et tous les partis politiques – à la seule exception de l’UPR – et les médias dominants cachent encore cette vérité aveuglante aux Français : UE = OTAN = subordination militaire et stratégique aux États-Unis.

C’est la raison pour laquelle tous les nouveaux pays de l’Est ayant adhéré à l’UE en 2005 ont été obligés – à la demande des États-Unis – d’adhérer d’abord à l’OTAN avant d’adhérer à l’UE.

C’est ce que le président américain George W. Bush avait d’ailleurs dit de la façon la plus explicite qui soit dans son discours à l’université de Varsovie du 15 juin 2001 : « Toutes les nouvelles démocraties de l’Europe, de la Baltique à la Mer Noire et toutes celles qui se trouvent situées entre les deux, doivent avoir la même chance pour la sécurité et la liberté – et la même chance de rejoindre les institutions européennes. Toutes les nations devraient comprendre qu’il n’y a aucun conflit entre l’appartenance à l’OTAN et l’appartenance à l’UE ».

7°) La subordination dans les faits : l’EUROCORPS

Ce bref tour d’horizon ne serait pas complet s’il ne précisait que certains États de l’Union européenne ont déjà commencé à concrétiser les engagements contenus dans l’article 42, en mettant sur pied un système de « missions européennes, civiles et militaires, en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale ».

 

Comment ? En créant le « Corps [militaire] européen », plus généralement appelé « l’EUROCORPS ».

Les lecteurs intéressés par cette institution gagneront à aller consulter :

a) La fiche Wikipédia de l’Eurocorps

http://fr.wikipedia.org/wiki/Corps_europ%C3%A9en

On y apprend, entre autres choses, que ce corps d’armée créé en 1992 (date de signature du traité de Maastricht) comprend l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg, ainsi que 7 États qui y détachent des officiers : la Grèce, la Pologne, la Turquie, l’Italie, la Roumanie, l’Autriche [pourtant théoriquement neutre…] et… les États-Unis d’Amérique.

b) Le site Internet de l’Eurocorps

http://www.eurocorps.org

Outre une vidéo martiale en page d’accueil, on y consultera avec intérêt la brochure

http://www.eurocorps.org/bdd/briefing/brochureECWeb.pdf

Comme le constateront les lecteurs, cet Eurocorps apparaît bien, au Kosovo comme en Afghanistan, comme une force militaire d’appoint à l’OTAN dont les objectifs militaires et stratégiques sont ceux fixés par Washington.

D’ailleurs, le slogan de l’Eurocorps apparaît en haut de son site : « CORPS EUROPÉEN : UNE FORCE POUR L’UNION EUROPÉENNE ET L’ALLIANCE ATLANTIQUE ».

CQFD.

CONCLUSION

 

L’analyse qui précède montre ce qu’ont de vaines, trompeuses et mensongères les gesticulations des partis politiques dits « souverainistes », « eurocritiques » ou « gaullistes », qui ont fait mine de s’offusquer de la décision de Nicolas Sarkozy de faire réintégrer la France dans le Commandement militaire intégré de l’OTAN (d’où le général de Gaulle l’avait extraite en 1966), tout en dénonçant par ailleurs la volonté de l’UPR de faire sortir la France de l’UE.

La vérité, en termes juridiques comme en termes de rapport de forces au sein du continent européen, est que l’alternative qui s’offre à la France est d’une grande limpidité :

– soit la France continue à rester membre de l’Union européenne, et elle est alors ipso facto condamnée à s’enfermer dans l’Alliance atlantique, tant l’UE et l’OTAN ne sont en réalité que les deux faces de la même médaille, celle de l’asservissement géopolitique, diplomatique, militaire, économique et culturel aux États-Unis d’Amérique. C’est la conclusion logique à laquelle sont parvenus, par concessions successives, les présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et enfin Sarkozy. Notons d’ailleurs que les installations dirigeantes de l’Union européenne et de l’OTAN se situent toutes dans la même ville, Bruxelles, ce qui confirme l’existence  d’un dessein commun, la volonté de nouer des connexions constantes.

– soit la France décide de redevenir la nation libre et souveraine qu’elle a toujours eu l’ambition d’être, ce que le monde entier attend d’elle ; et il faut alors sortir à la fois de l’Union européenne et de l’OTAN, l’un n’allant pas sans l’autre. C’est la conclusion logique à laquelle était parvenu le président Charles de Gaulle, en faisant sortir la France du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966, la même année qu’il imposait le droit de veto à toute dérive supranationale de la construction européenne.

L’UPR a fait clairement le choix de cette seconde option. Tous les autres partis politiques français, quel que soit l’écran de fumée rhétorique qu’ils essaient de dresser pour le camoufler, ont fait le choix de la première.