Les artifices statistiques de la baisse du chômage : quand la boîte à outils présidentielle se transforme en bidouillage
Rappelez-vous des propos du président Hollande lors de son entretien télévisé du 29 mars 2013 [1], il y parlait de boîte à outils. Si cette dernière n’a pas résolu les problèmes de l’économie française, elle a tourné à plein régime pour bidouiller les chiffres économiques. Nous n’allons pas parler ici des chiffres médiocres de la croissance française mais nous nous centrerons sur le chômage, sujet qui préoccupe profondément les Français. [2]
Le gouvernement nous explique depuis le début de l’année qu’il va inverser la courbe du chômage. Miracle ! Cette prétendue baisse du chômage aurait commencé en octobre 2013 avec 20 500 demandeurs d’emploi en moins. [3]
Nous expliquerons dans un premier temps quelles sont les différentes composantes du chômage et pourquoi les chiffres annoncés ne sont pas pertinents. Nous verrons ensuite quel est le vrai taux de chômage et enfin nous montrerons que cette tromperie existe également au sein de l’UE.
Quelles sont les différentes composantes du chômage et pourquoi les chiffres annoncés ne sont pas pertinents ?
Les chiffres émis par la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) que commentent le gouvernement et les médias concernent le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi. Il ne s’agit pas de facto du nombre de chômeurs puisque de nombreux chômeurs peuvent être radiés de Pôle emploi [4] ou ne pas s’y être inscrits.
Il y a donc une confusion délibérée entre chômage et demandeurs d’emploi. Les chiffres de la DARES sont ceux des demandeurs d’emploi, pas ceux du chômage. Rappelons tout de même la vraie définition économique du chômage:
Taux de chômage = chômeurs/population active
Pour être chômeur, il faut être en état de travailler tout en étant sans travail régulier. On voit tout de suite que “l’assiette” est beaucoup plus large que les simples demandeurs d’emploi inscrits à pôle emploi.
Analysons maintenant “l’assiette” utilisée par la DARES. Il existe 5 catégories de demandeurs d’emploi [5]:
– catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;
– catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
– catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ;
– catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…), sans emploi ;
– catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).
Le bidouillage présidentiel et médiatique réside dans le fait qu’on ne parle que de la catégorie A. Cette dernière a diminué de 20 500 personnes, passant de 3 295 700 à 3 275 200. On ne peut que s’en réjouir, mais qu’en est-il des autres catégories? Au sens du BIT (Bureau International du Travail) [6], les catégories B et D sont aussi incontestablement des chômeurs !
Nous allons donc voir dans la seconde partie les véritables chiffres du chômage et son augmentation continue.
Quel est le vrai taux de chômage?
Regardons quelle est la situation sur les deux dernières années, toutes catégories comprises. [7]
On voit que, toutes catégories confondues, le chômage est en hausse sur le mois d’octobre (+ 55 900) :
- catégorie A : – 20 500 => -0,6 % (+ 6 % sur 1 an)
- catégorie B : + 23 700 => +3,7 % (+ 8,7 % sur 1 an)
- catégorie C : + 36 400 => +4 % (+ 8,5 % sur 1 an)
- catégorie D : + 8 400 => +3,1 % (+ 7,9 % sur 1 an)
- catégorie E : + 7 900 => +2,2% (+ 2,8 % sur 1 an)
La réalité est donc malheureusement une hausse constante des demandeurs d’emploi sur ces dernières années. Le vrai chiffre n’est pas de 3 275 200 mais d’au moins 4 215 600 personnes au sens du BIT (catégories A, B et D) et jusqu’à 5 528 900 personnes toutes catégories confondues. On note par ailleurs que sur échelle de temps plus longue les catégories de C et E croissent plus vite que les catégories conventionnelles (A, B, D), signe d’une précarité croissante de l’emploi.
Si l’on creuse au-delà des demandeurs d’emploi et que l’on s’intéresse au chômage au sens large du terme, c’est-à-dire incluant les non-inscrits et les personnes radiées, le constat est encore plus alarmant. Il convient pour cela de creuser un peu plus le rapport et de se plonger sur les sorties de Pôle emploi. [8]
Qu’observe-t-on? Si l’on excepte les reprises d’emploi déclarées, nous avons les entrées en stage, les arrêts de recherche, les cessations d’inscription, les radiations et autres cas, soit au bas mot 355 400 personnes de plus, sans compter les DOM-TOM. Nous sommes donc plus près de 6 000 000 de chômeurs que des 3 000 000 annoncés par le gouvernement. Notons que la catégorie qui augmente le plus est celles des radiations administratives (+ 25,8 % en un mois, soit + 10 800 personnes et + 34,5 % sur un an, soit + 13 500 personnes). On constate par conséquent qu’au-delà des emplois aidés le gouvernement via Pôle emploi sort des gens de la catégorie demandeurs d’emploi pour bidouiller les “chiffres du chômage”.
Les demandeurs d’emploi en fin de droit ne font également qu’augmenter [9]. Quand on traite du chômage, il faut aller un peu plus loin que la simple catégorie A des demandeurs d’emploi…
Ce drame français du chômage doit bien évidemment être resitué dans le cadre de l’UE, à l’heure où les décisions majeures sont prises au sein de cette institution et où l’euro asphyxie notre économie. Par conséquent, on ne cherche pas non plus à mettre tous les maux sur le gouvernement Hollande qui est dans la continuité puisque comme le disait Philippe Séguin “droite et gauche sont les détaillants du même grossiste, l’Europe”.
Le mensonge et la tromperie sur le chômage au cœur de l’UE et de la zone euro
François Mitterrand disait “je suis partagé entre deux ambitions: celle de la construction de l’Europe et celle de la justice sociale”. Avec l’adoption et la mise en place de Maastricht et de l’euro, il a choisi l’Europe au détriment de la justice sociale. L’euro est une machine à fabriquer du chômage et de la pauvreté dans les pays où la compétitivité n’est pas assez importante par rapport au taux de change de l’euro.
Comme l’expliquaient François Asselineau [10] et moi-même [11] dans des articles précédents, l’euro a un rôle clé dans la flambée du chômage. La zone euro est la plus faible zone de croissance du monde et atteint des taux de chômage record [12].
Les européistes et leurs différents instituts ne sont pas en reste dans l’utilisation de leur boîte à outils pour bidouiller les chiffres et masquer la réalité. Nous n’allons pas ici rentrer dans l’approximation du nombre de chômeurs mais nous allons mettre à nouveau en lumière la tromperie d’Eurostat qui montre délibérément deux uniques agrégats: le taux de chômage de la zone euro à 17 et celui de l’UE à 28. Le taux de chômage de la zone euro étant colossal et pesant sur celui de l’UE à 28, cela donne l’impression d’une croissance du chômage homogène que l’on soit dans l’euro ou non. La réalité statistique est tout autre.
Nous allons donc souligner à nouveau, avec une mise à jour des chiffres, la divergence profonde des taux de chômage selon si l’on est dans l’euro ou non:
[13]
Un bon graphique est parfois plus évocateur que des longues phrases. En le voyant, comment peut-on encore croire le mythe européiste selon lequel l’euro nous protégerait ?
En guise de conclusion, citons George Orwell, « dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire ». L’UPR par son travail d’information et son combat politique, malgré la censure éhontée des médias de masse, fait figure d’acte révolutionnaire permanent. Nous vous invitons à cet égard à regarder, si vous ne l’avez pas déjà fait, les conférences de François Asselineau, notamment la tragédie de l’euro [14] et la tromperie universelle comme mode de gouvernement [15], deux conférences qui correspondent parfaitement au fond de cet article.
Charles-Henri GALLOIS
Responsable national de l’UPR en charge des questions économiques
[1] http://www.huffingtonpost.fr/laurent-bouvet/analyse-discours-hollande_b_2977173.html
[4] http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F1638.xhtml
[8] http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-JUN812.pdf
[13] http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/eurostat/home/
[14] http://www.upr.fr/videos/conferences/la-tragedie-de-euro
[15] http://www.upr.fr/videos/conferences/la-tromperie-universelle-comme-mode-de-gouvernement