Il y a 75 ans, Pétain annonçait la demande d’armistice et hâtait ainsi l’effondrement de la patrie devant les Allemands, tandis que Charles de Gaulle partait pour Londres

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17 juin 1940 – 17 juin 2015 : Il y a 75 ans, Pétain annonçait la demande d’armistice et hâtait ainsi l’effondrement de la patrie devant les Allemands, tandis que Charles de Gaulle partait pour Londres et que le préfet Jean Moulin tentait de se suicider.

Le 14 juin 1940, alors que Paris était tombé aux mains de l’armée allemande, le Gouvernement dirigé par le président du Conseil Paul Reynaud, le président de la République et les Assemblées se réfugièrent à Bordeaux.

En ces heures de panique, le maréchal Pétain, alors vice-président du Conseil et n°2 du gouvernement, s’y confirma comme le chef de file des partisans de l’armistice. Il mit sa démission dans la balance pour faire prévaloir cette décision funeste, suivant ainsi le conseil énoncé le 12 juin par le général Maxime Weygand, chef d’état-major des armées, et avec l’appui de Pierre Laval.

ALBERT LEBRUN ET PAUL REYNAUD SOMBRENT DANS LA LÂCHETÉ

Le 16 juin 1940, se croyant en minorité au sein du Conseil des ministres, à tort semble-t-il, le président du Conseil Paul Reynaud présenta alors la démission du Gouvernement. Il suggéra lâchement, suivi en cela par les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, de confier la présidence du Conseil à son n°2, le maréchal Pétain.

Paul Reynaud espérait secrètement, paraît-il, que Pétain échouerait à obtenir l’armistice de la part d’Hitler et que cela lui permettrait de revenir très vite au pouvoir. Si tel avait été le calcul, il se révéla bête et faux.

Quoi qu’il en soit, le choix de nommer Pétain à la tête du gouvernement fut aussitôt approuvé par le président de la République Albert Lebrun.

Charles de Gaulle décrira bien plus tard, dans ses “Mémoires de guerre”, Albert Lebrun et cette décision par une formule restée célèbre : « Au fond, comme chef de l’État, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État. »

Dès lors, les événements s’enchaînèrent de façon fatale, comme dans une tragédie grecque.

PÉTAIN ET WEYGAND TRAHISSENT LA FRANCE

Il y a 75 ans jour pour jour, le 17 juin 1940, le maréchal Pétain, nouveau président du Conseil, annonçait publiquement son intention de cesser le combat et de demander aux Allemands, par l’intermédiaire du gouvernement espagnol, les conditions d’un armistice.

À 12 h 30 précises heure de Paris, Pétain prononçait ainsi un discours radiodiffusé historique, dans lequel il déclarait, alors que les négociations venaient à peine de commencer avec les Allemands : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat ».

Cette déclaration, assimilable à un véritable acte de haute trahison, eut aussitôt un effet désastreux sur le moral des troupes et précipita de fait l’effondrement des armées françaises. Se sentant lâchés par les plus hautes autorités de l’État qui les invitaient à « cesser le combat », les soldats français se rendirent en masse à l’ennemi : du 17 juin à l’entrée en vigueur de l’armistice le 25 juin, les Allemands purent ainsi faire plus de prisonniers français qu’ils n’en avaient fait depuis le début de l’offensive le 10 mai.

DE GAULLE ENTRE EN RÉSISTANCE

Il y a 75 ans jour pour jour, le 17 juin 1940, le général de brigade Charles de Gaulle, qui avait fait son entrée au gouvernement de Paul Reynaud onze jours avant, le 6 juin 1940, comme sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale, apprit comme tout le monde la démission du président du Conseil, Paul Reynaud, son remplacement par le maréchal Pétain et la demande d’armistice. Il revenait de Londres où il était allé discuter avec le Premier ministre britannique Winston Churchill de l’évolution dramatique de la situation. Le même jour, le général Weygand alors chef d’état-major de l’Armée fut nommé ministre de la Défense nationale.

Après avoir hésité, de Gaulle annonça alors à l’officier de liaison du gouvernement britannique, le général Edward Spears, son intention de refuser la demande d’armistice et de regagner Londres. De Gaulle rencontra Paul Reynaud démissionnaire pour lui faire part de son projet. Ce dernier lui fit remettre, par son ex-directeur de cabinet Jean Laurent, 100 000 francs prélevés sur les fonds secrets pour sa logistique à Londres.

Quelques heures après, toujours le 17 juin, accompagnant Spears qui n’avait pas réussi à convaincre Paul Reynaud et Georges Mandel de rejoindre Londres eux aussi, de Gaulle s’envola pour la capitale britannique avec son aide de camp Geoffroy Chodron de Courcel dans l’avion « de Havilland Flamingo », son avion de la veille que Churchill avait laissé à sa disposition.

Le lendemain, 18 juin 1940, de Gaulle lançait son « Appel » à poursuivre le combat, appel qui allait devenir l’une des plus célèbres allocutions de l’Histoire de France et constituer l’acte fondateur de la France Libre et de la Résistance.

Le 19 juin, Weygand, supérieur hiérarchique de de Gaulle, lui ordonna de revenir de Londres, ignorant l’invitation à poursuivre le combat que ce dernier lui avait adressée. Dans les jours qui suivirent, Charles de Gaulle fut rétrogradé au rang de colonel par son ministre qui convoqua successivement deux tribunaux militaires, le premier n’ayant prononcé qu’une peine symbolique. Le second condamna à mort le chef de la France libre, le 2 août 1940.

JEAN MOULIN PRÉFÈRE LE SUICIDE AU MENSONGE

Il y a 75 ans jour pour jour, le 17 juin 1940, Jean Moulin (41 ans), préfet d’Eure-et-Loir (à ce poste depuis janvier 1939), dut faire face à la panique qui avait envahi la ville de Chartres, qui se vidait à toute allure de ses habitants alors que l’armée allemande arrivait.

Dans la soirée du 17 juin 1940, deux officiers du Reich exigèrent que Jean Moulin signe – en tant que préfet de la République – un texte accusant une troupe de tirailleurs sénégalais de l’Armée française d’avoir commis de prétendues atrocités envers des civils à La Taye, un hameau de Saint-Georges-sur-Eure.

En tant que préfet, Jean Moulin savait de source sûre que les tirailleurs sénégalais étaient parfaitement innocents et que les civils avaient en réalité été victimes de bombardements allemands. Jean Moulin eut donc le courage de refuser de cautionner le mensonge exigé par les officiers allemands.

Ceux-ci le jetèrent alors à terre et le rouèrent de coups sauvagement, lui, le préfet en exercice de la République française ! Laissé seul ensuite mais sous surveillance, et craignant de ne pas pouvoir résister une nouvelle fois à ses bourreaux, Jean Moulin décida alors de se suicider en tentant de se trancher la gorge avec un tesson de bouteille. Il évita la mort de peu et conserva une cicatrice qu’il prit l’habitude de cacher sous un foulard sur des clichés pris après sa guérison, à la préfecture de Chartres.

En raison de ses idées républicaines marquées à gauche comme radical-socialiste, Jean Moulin fut ensuite révoqué par le régime de Vichy du maréchal Pétain le 2 novembre 1940 et placé en disponibilité. Il se mit alors à la rédaction de son journal, “Premier combat”, où il relata sa résistance contre les nazis à Chartres de manière sobre et extrêmement détaillée. Ce journal fut publié à la Libération et préfacé par le général de Gaulle.

Jean Moulin, nommé à la tête du Conseil National de la Résistance par de Gaulle et envoyé à Lyon pour unifier les mouvements de la Résistance, fut arrêté à Caluire, dans la banlieue de Lyon, le 21 juin 1943 et conduit au siège de la Gestapo. Il mourut en déportation dans le train qui le transportait en Allemagne, peu avant le passage de la frontière, près de Metz, le 8 juillet 1943.

CONCLUSION : LES ÉVÉNEMENTS DRAMATIQUES RÉVÈLENT TOUJOURS LES LÂCHES, LES TRAÎTRES ET LES HÉROS

Il y a 75 ans, jour pour jour, le 17 juin 1940, – comme c’est toujours la règle lors des grandes convulsions de notre histoire nationale – les événements révélèrent soudain la nature profonde des êtres humains, démasquant la médiocrité des uns, la traîtrise des autres, la grandeur et l’héroïsme de certains.

Les principaux dirigeants civils des Français sombrèrent dans la lâcheté : Albert Lebrun, Paul Reynaud…

Les principaux chefs militaires des Français basculèrent dans la haute trahison : Pétain, Weygand…

Mais des hommes encore inconnus des Français commencèrent, dès ce jour-là – alors que tout semblait perdu – à se redresser et à sauver l’honneur de la France : Charles de Gaulle, Jean Moulin…

Soixante-quinze ans après, puisse ce rappel inspirer le plus grand nombre de Français, face aux événements dramatiques qui arrivent.

François ASSELINEAU

Photo : de haut en bas et de gauche à droite :
– Albert Lebrun, président de la République le 17 juin 1940
– Paul Reynaud, président du Conseil le 17 juin 1940
– Philippe Pétain, vice président du Conseil le 17 juin 1940
– Maxime Weygand, chef d’état major des armées le 17 juin 1940
– Charles de Gaulle, sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale le 17 juin 1940
– Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir le 17 juin 1940.

Pétain, Charles de Gaulle Londres