Les statistiques suisses confirment qu’il n’existe aucun rapport entre la taille d’un pays et son niveau de vie et d’emploi
Le taux de chômage en suisse vient de tomber à 2,9% !
On se rappelle que, voici un mois, Nicolas Sarkozy, invité au « Swiss Economic Forum » d’Interlaken, avait eu le culot d’aller dire à nos amis suisses que leur système politique est « inefficace, désuet » et qu’ils devraient adhérer dare-dare à l’Union européenne. Ce qui lui avait valu de se faire vertement remettre à sa place par Adolf Ogi, ancien président de la Confédération helvétique.
L’outrecuidance de Nicolas Sarkozy saute aux yeux si l’on songe que son passage à l’Élysée s’est traduit, de 2007 à 2012, non seulement par une hausse vertigineuse de notre endettement public (+600 milliards d’euros), mais une hausse non moins phénoménale du nombre de chômeurs officiellement recensés en France : + 747 000, soit +35% ! Sous la gestion de Sarkozy, le chômage est ainsi passé officiellement de 8% à 9,4% de la population active.
Ces résultats catastrophiques montrent le crédit qu’il faut attacher aux rodomontades de ce donneur de leçons, surtout lorsqu’on les compare aux nouvelles économiques venues de Suisse.
On vient en effet d’apprendre, ce lundi 7 juillet, que la Confédération Helvétique ne comptait plus, à la fin du mois de juin 2014, que 126 632 demandeurs d’emploi, soit un taux de chômage exceptionnellement bas de 2,9% – quasiment un record mondial -, en baisse sensible depuis un an (où il n’était déjà plus que de 3,5%).
Il faut savoir que le taux de 3% est souvent considéré par les économistes comme “incompressible” et équivalent à un plein emploi, du fait des délais d’attente entre deux emplois et d’un pourcentage inévitable de personnes inaptes à l’emploi.
Pourtant, mettant à mal cette théorie, quelques cantons suisses réalisent la prouesse d’avoir un taux de chômage encore très inférieur : le taux de chômage en Suisse alémanique tombe à 2,4%, il n’est que de 2,3 % dans le canton de Berne, et même de… 0,9 % dans les cantons de Nidwald, et Obwald. En revanche, le taux de chômage est le plus élevé en Suisse romande, et culmine à 5,4% dans le canton de Genève.
Au niveau national, le chômage des jeunes de moins de 24 ans est quant à lui tombé au taux incroyablement bas de 2,7 %.
Et le nombre d’offres d’emploi augmente…
Dans le même temps, le cabinet d’audit Ernst & Young annonce que ce petit pays de huit millions d’habitants est passé de la 14e à la 12e place du classement des lieux d’investissements en Europe.
Quant à la croissance du produit intérieur brut de la Suisse, elle devrait atteindre 2,1 % en 2014, ce qui est exceptionnel compte tenu du marasme économique de tous les pays qui entourent notre petit voisin.
Sources :
- http://www.tdg.ch/economie/Le-taux-de-chomage-en-Suisse-passe-sous-la-barre-des-3/story/10987183
- http://www.romandie.com/news/Suisse-le-taux-de-chomage-recule-en-juin-a-29/494742.rom
- http://www.romandie.com/news/Le-taux-de-chomage-en-Suisse-recule-pour-le-5e-mois-consecutif_ROM/494662.rom
- http://www.lepoint.fr/economie/le-chomage-en-suisse-est-descendu-a-3-en-mai-13-06-2014-1835812_28.php#xtor=CS3-190
Ce même lundi 7 juillet, on a appris en revanche que la production industrielle allemande – pourtant donnée en exemple dans tous les pays de la zone euro et en particulier en France – a plongé de -1,8% en mai par rapport à avril, en données corrigées des variations saisonnières.
L’ensemble des conjoncturistes, qui tablaient sur une stabilisation, ont été surpris par cette mauvaise nouvelle. Ils en tirent la conséquence que la croissance de la première économie européenne devrait être nettement plus faible qu’espérée au deuxième trimestre 2014. En bref, le redémarrage de la croissance en Europe, c’est encore raté !
Commentaires : aucun rapport entre la taille d’un pays, son niveau de vie et son taux de chômage
L’excellente tenue de l’économie suisse est là pour nous rappeler qu’il n’y a strictement aucun lien scientifiquement prouvé entre :
- d’une part la taille d’un pays en population et en superficie,
- d’autre part son niveau de vie moyen par habitant, son taux de croissance et son taux de chômage.
Examinons cela pour quelques pays du monde.
(NOTA : les statistiques qui suivent sont extraites du “CIA – The World factbook” disponible sur le site Internet de l’Agence de renseignement américaine : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ . C’est une source évidemment contestable, comme toutes les sources, mais elle offre le mérite d’être très complète et de présenter des statistiques harmonisées et cohérentes.)
Bien plus petits que la France, mais avec de bien meilleurs résultats…
Les exemples d’États beaucoup plus petits que la France, en population et en superficie, et qui obtiennent pourtant des résultats meilleurs que notre pays sont nombreux.
Citons par exemple :
– sa superficie (96 000 km²) équivaut seulement à 15% de la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (49 M. hab) représente 74% de la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, son taux de croissance a été estimé à + 2,8% (0,3% officiellement en France) et son taux de chômage à 3,2% (10,2% officiellement en France). Et l’on a appris il y a quelques jours que le revenu moyen des Sud-Coréens devrait dépasser, en parité de pouvoir d’achat, celui des Français en 2018 (cf. http://www.bfmtv.com/economie/revenu-moyen-coreens-depassera-celui-francais-2018-789949.html)
– sa superficie (647 km²) équivaut seulement à 0,1% de la superficie de la France ou 6 fois celle de Paris intra-muros ; et sa population (5,5 M. hab) ne représente que 8,5% de la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, son taux de croissance a été estimé à + 4,1% (0,3% officiellement en France) et son taux de chômage à 1,9% (10,2% officiellement en France). Quant à son revenu moyen, il était estimé, en parité de pouvoir d’achat, à 62 400 dollars par habitant, soit 75% plus élevé que le revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (304 000 km²) équivaut seulement à 47,5% de la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (5,1 M. hab) représente 7,7% de la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, son taux de croissance a été estimé à + 1,6% (0,3% officiellement en France) et son taux de chômage à 3,6% (10,2% officiellement en France). Quant à son revenu moyen, il était estimé, en parité de pouvoir d’achat, à 55 400 dollars par habitant, soit 55% plus élevé que le revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (100 000 km²) équivaut seulement à 15,6% de la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (317 000 hab) représente 0,5% de la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, son taux de croissance a été estimé à + 1,9% (0,3% officiellement en France) et son taux de chômage à 4,5% (10,2% officiellement en France). Quant à son revenu moyen, il était estimé, en parité de pouvoir d’achat, à 40 700 dollars par habitant, soit 14% plus élevé que le revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
Les États mastodontes ont généralement des niveaux de vie médiocres.
Inversement, la plupart des États très grands par leur superficie ou la taille de leur population ont des performances économiques médiocres ou mauvaises, en dépit de leur forte croissance :
– sa superficie (8 459 000 km²) équivaut à 13,2 fois la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (202,7 M. hab) représente 3,1 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, relativement élevé, a été estimé à + 2,3% (0,3% officiellement en France) et son taux de chômage à 5,7% (10,2% officiellement en France), son revenu moyen n’était estimé, en parité de pouvoir d’achat, qu’à 12 100 dollars par habitant, soit 33,9% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (2 973 000 km²) équivaut à 4,6 fois la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (1 236 M. hab) représente 18,7 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, relativement élevé, a été estimé à + 3,2% (0,3% officiellement en France), son taux de chômage officiel est élevé (8,8%) (10,2% officiellement en France) et son revenu moyen n’était estimé, en parité de pouvoir d’achat, qu’à 4 000 dollars par habitant, soit 11% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (770 000 km²) est 20% supérieure à la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (196,2 M. hab) représente 3 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, relativement élevé, a été estimé à + 3,6% (0,3% officiellement en France), son taux de chômage officiel est moyen (6,6%) (10,2% officiellement en France) et son revenu moyen n’était estimé, en parité de pouvoir d’achat, qu’à 3 100 dollars par habitant, soit 8,7% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (1 812 000 km²) équivaut à 2,8 fois la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population (253,6 M. hab) représente 3,8 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, très élevé, a été estimé à + 5,3% (0,3% officiellement en France), son taux de chômage officiel est moyen (6,6%) (10,2% officiellement en France) et son revenu moyen n’était estimé, en parité de pouvoir d’achat, qu’à 5 200 dollars par habitant, soit 14,6% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
– sa superficie (9 326 000 km²) équivaut à 14,6 fois la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population ( 1 356 M. hab) représente 20,5 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, très élevé, a été estimé à + 7,7% (0,3% officiellement en France) et si son taux de chômage officiel est bas (4,1%) (10,2% officiellement en France), son revenu moyen n’est encore estimé, en parité de pouvoir d’achat, qu’à 9 800 dollars par habitant, soit 27% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant), et cela malgré le développement économique phénoménal enregistré au cours des 20 dernières années.
– sa superficie (924 000 km²) équivaut à près de 1,5 fois la superficie de la France (640 000 km² avec l’Outre-mer) et sa population ( 177,2 M. hab) représente 2,7 fois la population française (66 M. hab).
– pourtant, en 2013, si son taux de croissance, très élevé, a été estimé à + 6,2% (0,3% officiellement en France), son taux de chômage officiel est calamiteux (23,9%) (10,2% officiellement en France), et son revenu moyen, en parité de pouvoir d’achat, n’est que de 2 800 dollars par habitant, soit 7,8% seulement du revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant).
CONCLUSION : LA « TAILLE-NÉCESSAIRE-POUR-LE-MONDE-DU-XXIe-SIÈCLE » EST UN ARGUMENT OBJECTIVEMENT FAUX
Que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas.
Il est exact que l’on peut trouver des contre-exemples à la liste précédente.
Le principal contre-exemple d’un État mastodonte ayant un très haut niveau de vie est évidemment celui des États-Unis, qui sont un très grand État, à la fois soit par la superficie (9 827 000 km², soit 15,4 fois la France) et par la taille de sa population (318,9 M. hab, soit 4,8 fois la France), et dont le niveau de vie est supérieur à celui de la France : 52 800 dollars par habitant, soit 48% plus élevé que le revenu moyen des Français (35 700 dollars par habitant). Mais 15% inférieur à celui des Singapouriens.
Cependant, on notera que le taux de chômage aux États-Unis n’est pas bon (7,3% officiellement), et que la croissance y est faible (1,6%).
Encore ne s’agit-il d’ailleurs que de statistiques officielles – tirées du site Internet de la CIA – et je ne crois pas utile de revenir ici, ni sur le rôle central et scandaleux du dollar dans la prospérité américaine, ni sur la tendance au déclin rapide de la suprématie américaine.
De la même façon, on peut trouver des petits États, qui comptent parmi les plus pauvres du monde : la Sierra-Leone, Haïti, les Comores, l’Érythrée, la Guinée Bissau, la Guinée, Tokelau, le Malawi en font partie, et ont un revenu par habitant inférieur à 1 500 dollars par an.
Il n’en demeure pas moins que, si l’on prend la liste des 38 États ou territoires dont le revenu par habitant est supérieur à celui de la France en 2013 (selon les statistiques de la CIA : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/rankorder/2004rank.html?countryname=American%20Samoa&countrycode=aq®ionCode=aus&rank=134#aq ),
on découvre que :
(NOTA : il s’agit d’États ou territoires statistiquement distincts : la Nouvelle-Calédonie, par exemple, bien que faisant partie de la République française est comptabilisée à part ; de même que l’Île de Man, les Îles Falkland ou les Îles vierges britanniques, comptabilisées à part du Royaume-Uni)
- 3 États seulement sur les 38 comptent plus d’habitants que la France : les États-Unis, l’Allemagne et le Japon.
- 3 États seulement sur les 38 ont une superficie supérieure à celle de la France : les États-Unis, le Canada et l’Australie.
- 33 de ces 38 États ou territoires sont à la fois moins peuplés et moins grands que la France.
En voici la liste – j’ai indiqué en gras les 33 États ou territoires à la fois moins peuplés ET moins grands en superficie que la France, mais dont le niveau de vie est supérieur.
1 Qatar $ 102,100
2 Liechtenstein $ 89,400
3 Macao $ 88,700
4 Bermudes $ 86,000
5 Monaco $ 85,500
6 Luxembourg $ 77,900
7 Singapour $ 62,400
8 Jersey $ 57,000
9 Norvège $ 55,400
10 Iles Falkland (Malouines) $ 55,400
11 Suisse $ 54,800
12 Sultanat de Brunei $ 54,800
13 Ile de Man $ 53,800
14 États-Unis $ 52,800
15 Hong Kong $ 52,700
16 Guernsey $ 44,600
17 Iles Cayman $ 43,800
18 Pays-Bas $ 43,300
19 Canada $ 43,100
20 Gibraltar $ 43,000
21 Australie $ 43,000
22 Autriche $ 42,600
23 Iles Vierges Britanniques $ 42,300
24 Koweït $ 42,100
25 Irlande $ 41,300
26 Suède $ 40,900
27 Islande $ 40,700
28 Taïwan $ 39,600
29 Allemagne $ 39,500
30 Groenland $ 38,400
31 Belgique $ 37,800
32 Danemark $ 37,800
33 Nouvelle Calédonie $ 37,700
34 Royaume-Uni $ 37,300
35 Andorre $ 37,200
36 Japon $ 37,100
37 Israël $ 36,200
38 Finlande $ 35,900
[ 39 France $ 35,700 ]
Que conclure de tout cela ?
- Bien sûr, certains voudront relativiser ce classement en soulignant le rôle joué par la finance, ou par les activités de plate-forme commerciale, ou par les ressources en hydrocarbures, dans l’excellent classement de tel ou tel petit État.
C’est vrai pour certains. Ce n’est pas vrai pour tous : les Falkland, les Pays-Bas, la Suède, l’Islande, l’Autriche, Taïwan, le Groenland, l’Irlande, le Danemark, la Finlande, par exemple, n’entrent pas dans ces catégories.
- D’autres feront valoir que ce classement résulte pour partie de l’histoire économique passée, et que les bouleversements en cours pourraient bien en changer la physionomie dans les décennies qui viennent.
Ce n’est pas forcément faux.
Mais, s’il est probable que la Chine, l’Inde ou la Russie, par exemple, devraient continuer à grimper dans le classement mondial des revenus par habitant – sous réserve cependant que l’ensemble du système financier international ne s’effondre pas -, il est tout aussi probable que les États-Unis et les États ligotés par l’euro devraient poursuivre leur dégringolade dans ce classement (Allemagne, Autriche, Irlande, Pays-Bas, Belgique, France).
En d’autres termes, la seule conclusion à tirer de toutes ces statistiques mondiales, c’est qu’il n’existe en réalité aucun lien scientifiquement prouvé entre la taille d’un pays en population et en superficie d’un côté, son revenu moyen par habitant, son taux de croissance et son taux de chômage de l’autre côté.
Cela signifie en clair que l’un des arguments-massues de la propagande européiste – celui qui nous assure qu’il faudrait impérativement que la France fusionne avec les pays alentour pour « avoir la taille nécessaire pour le XXIe siècle » – est un argument objectivement faux et dépourvu de toute valeur.
En revanche, et je l’ai montré ailleurs, il existe une corrélation très forte entre l’appartenance à la zone euro et… un taux de chômage très élevé.
Les statistiques suisses de ce jour viennent de nous apporter une nouvelle confirmation de ces constats essentiels.
François ASSELINEAU